On se souvient qu’il y a deux ans, la proposition des 80 km/h sur les nationales et de la hausse du prix des carburants pour soi-disant améliorer notre bilan carbone avait mis le feu aux poudres de la France jaune. Les députés LREM s’en souviennent encore...
Et à trois jours du 2e tour des élections municipales, voilà que le gouvernement, suivant les propositions de la Convention citoyenne, cherche à remettre le feu aux poudres. Masochisme ou méconnaissance totale des Français ?
C’est peut-être tout simplement un calcul politique : comme les Gilets jaunes, ces automobilistes (et camionneurs) ne voteront de toute façon pas pour Macron en 2022 ni pour les candidats LREM le 28 juin 2020, alors autant jouer sur la corde écolo et piquer des voix à Yannick Jadot, le nouvel homme fort de l’écologie politique en France.
Des 149 changements proposés au gouvernement par la convention citoyenne pour le climat, il est celui qui provoque les débats les plus virulents. Les 150 citoyens tirés au sort suggèrent de réduire la vitesse maximale autorisée sur les autoroutes de 130 à 110 km/h. Une mesure qui pourrait permettre de réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre sur les trajets autoroutiers.
Cette diminution de 20 km/h suscite de vives critiques. Mais les opposants à la mesure disent-ils vrai ou « fake » ? Franceinfo a examiné de près leurs arguments.
« Il y aura plus d’accidents » : pas vraiment
L’association 40 millions d’automobilistes, qui a lancé une pétition contre cette proposition de réforme, fait valoir que l’abaissement de la vitesse autorisée sur les autoroutes de 20 km/h « ne permettrait [pas] une amélioration de la sécurité des usagers ». Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes (ici ou là par exemple) jugent même qu’en roulant à 110 km/h au lieu de 130, il y a aura plus d’accidents, car, selon eux, les véhicules rouleront plus près les uns des autres, et la vitesse plus faible rendra le risque d’endormissement plus grand.
Le scénario d’une limitation de la vitesse autorisée à 110 km/h sur les autoroutes a fait l’objet d’une analyse, en 2018, du commissariat général au développement durable sous l’égide du ministère de la Transition écologique et solidaire. D’après les modélisations mathématiques, ces 20 km/h de moins sur les autoroutes permettraient d’éviter 22 morts, 198 blessés graves hospitalisés et 1 852 blessés légers par an.
Le passage à 110 km/h aurait toutefois un impact limité du fait d’un « taux d’accidents déjà très faible sur les autoroutes », note le rapport. « Les routes à chaussées séparées ont un taux d’accidents mortels quatre fois inférieur à celui des routes bidirectionnelles », précise-t-il.
« Il n’y aura pas moins de pollution » : plutôt faux
L’association 40 millions d’automobilistes souligne que la limitation à 110 km/h sur les autoroutes n’engendrerait pas de réduction des émissions polluantes. L’argument est également avancé par de nombreux internautes sur les réseaux sociaux. Les voitures rouleraient en 5e plutôt qu’en 6e, elles seraient alors en surrégime et consommeraient plus de carburant, sans compter qu’il y aurait plus d’embouteillages et donc plus de pollution.
L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) a tenté de faire le point sur cet aspect du problème dans une synthèse d’étude datant de 2014. L’Ademe constate que « sur les voies rapides de type route/autoroute, la majorité des études montre que la limitation de vitesse entraîne une diminution des émissions ou des concentrations de polluants ».
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Mais ce constat mérite d’être nuancé. Aucune des études passées en revue par l’Ademe ne teste spécifiquement le scénario d’un passage de 130 à 110 km/h sur autoroute.
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« En roulant moins vite, les véhicules consomment généralement moins de carburant et émettent donc moins de CO2 » (Laurence Monnoyer-Smith, commissaire générale au développement durable)
La réduction de la vitesse de 130 à 110 km/h entraîne une légère baisse de la consommation de carburant de 5,12 %, lit-on dans le rapport. Ce carburant économisé permet d’émettre 1,45 million de tonnes de CO2 par an.
« C’est non nul, mais ce n’est pas énorme », relativise Pierre-Yves Péguy, directeur du Laboratoire aménagement économie transport (LAET), rattaché notamment au CNRS et à l’université Lumière Lyon 2. « C’est à rapporter au montant global des émissions de gaz à effet de serre dans les transports en France ». Elles étaient de 135 millions de tonnes équivalent CO2 en 2015, selon l’estimation de l’Insee. La baisse induite par le passage au 110 km/h serait donc de l’ordre de 1 %.
« Il y aura plus de voitures et d’accidents sur les routes secondaires » : plutôt vrai
Au micro de RTL, le député LREM de la Sarthe, Damien Pichereau, fait part de ses craintes. L’élu redoute notamment « un report sur les routes secondaires », « avec tout le risque d’accidentologie qu’on peut avoir derrière », insiste-t-il.
Faut-il imposer la limitation à #110kmh sur autoroute ? : "Je crains un report sur les routes secondaires & que les usagers repassent dans nos petits villages avec tous les risques d'accidents que cela représente", @DamienPichereau, député LREM de la Sarthe, invité de #RTLMatin pic.twitter.com/gb7GfiMp9I
— RTL France (@RTLFrance) June 23, 2020
Les craintes du député sont fondées. L’instauration du 110 km/h sur les autoroutes pousserait certains conducteurs à les délaisser au profit des nationales ou des départementales.
« Ceux qui ont une valeur du temps relativement élevée vont toujours préférer rouler à 110 km/h plutôt qu’à 80 km/h. Mais pour d’autres, l’autoroute va devenir trop chère par rapport au gain de temps et ils vont se reporter sur le réseau national », expose Laurent Carnis, directeur de recherche à l’université Gustave-Eiffel de Marne-la-Vallée.
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