L’Écosse, qui a raté voici deux mois un rendez-vous historique avec l’indépendance, s’est vu proposer jeudi à titre compensatoire une autonomie fiscale accrue avec pour effet collatéral la relance du débat sur la fédéralisation du Royaume-Uni, mais ces mesures ne suffiront peut-être pas à freiner les velléités séparatistes d’Edimbourg.
Le Parlement régional d’Edimbourg dispose déjà d’un large éventail de compétences, régulièrement élargi depuis sa création en 1999, mais le nouveau transfert de pouvoirs constitue une avancée particulièrement spectaculaire vers une autonomie accrue : bientôt, l’Écosse pourra lever l’impôt sur le revenu, en fixer le barème et utiliser l’argent à sa guise.
La proposition, endossée par les cinq partis représentés à Holyrood, le Parlement écossais, fait partie d’une série de recommandations formulées par une commission présidée par Lord Smith of Kelvin. Créée au lendemain du référendum, celle-ci prévoit également la dévolution de pouvoirs en termes de protection sociale et de législation électorale, ce qui pourrait conduire à l’abaissement à 16 ans de l’âge légal pour voter aux élections régionales, comme cela s’est fait lors du référendum de septembre. « Ces recommandations constituent le plus grand transfert de pouvoirs au Parlement [écossais] depuis sa constitution », a souligné Lord Smith.
Pour Londres, déléguer un symbole aussi puissant que l’impôt sur le revenu est d’abord un moyen de répondre aux velléités séparatistes du Parti national écossais, qui détient la majorité absolue au Parlement de Holyrood.
Freiner l’élan ?
Le Scottish National Party (SNP), à peine la défaite au référendum digérée, est reparti de plus belle dans sa quête d’indépendance, faisant miroiter déjà une nouvelle consultation. La réaction initiale de la nouvelle leader du SNP, Nicola Sturgeon, laisse à penser que les mesures compensatoires ne vont pas freiner cet élan.
« J’accueille favorablement ce nouveau transfert de pouvoirs, mais 70 % de nos recettes fiscales et 85 % de nos dépenses de protection sociale continuent de dépendre de Westminster », a fait remarquer la dirigeante. Au moment de son intronisation, il y a deux semaines, elle avait assuré : « L’Écosse va devenir un pays indépendant. »
David Cameron s’est, lui, dit ravi des conclusions de la commission Smith. « Nous avons fait le serment de donner plus de pouvoir à l’Écosse. Nous tenons nos promesses » a souligné le premier ministre britannique.
Des engagements
Les trois grands partis britanniques avaient multiplié les engagements dans la dernière ligne droite menant au référendum du 18 septembre, lorsque la progression des indépendantistes dans les sondages avait soulevé un fort vent de panique à Londres.
Offrir à l’Écosse le contrôle total de l’impôt sur le revenu a longtemps été contesté par l’opposition travailliste, dont la traditionnelle domination en Écosse est aujourd’hui menacée par le succès du SNP. L’ancien premier ministre britannique, Gordon Brown, très actif pour promouvoir le Non à l’indépendance, a évoqué un « piège tendu par les conservateurs » au Parti travailliste.
Déléguer le contrôle des taxes d’aéroport, une vieille revendication du SNP, inquiète aussi les travaillistes qui craignent que cela puisse défavoriser, par ricochet, les aéroports du nord de l’Angleterre.
Mais si le Labour a autant traîné des pieds, c’est aussi parce ce qu’il craint que ces nouvelles concessions donnent du grain à moudre à ceux qui réclament les mêmes privilèges pour l’Angleterre.
Pour l’instant, les députés anglais ne peuvent pas voter sur les lois dont la compétence relève des Parlements régionaux, alors que les députés écossais, gallois ou nord-irlandais élus au Parlement de Westminster votent, eux, les lois concernant l’Angleterre. David Cameron a promis de mettre fin à cette anomalie constitutionnelle et a fait savoir jeudi qu’il allait « annoncer d’ici Noël des propositions » pour que seuls les députés anglais votent sur les « lois anglaises ».
La perspective inquiète surtout les travaillistes qui, sans l’appoint des voix écossaises essentiellement à gauche, pourraient se voir privés de majorité lors de certains votes au Parlement de Westminster.