Son premier Métronome avait été tiré à 5 000 exemplaires, mais avait fini par animer les bibliothèques avec deux millions d’acheteurs. Lorànt Deutsch récidive avec un deuxième tome qui arpente l’histoire de Paris à travers ses rues, du cardo maximus romain que l’on retrouve dans le tracé de la rue Saint-Jacques à l’autoroute A86 annonçant le Grand Paris. Ses détracteurs, des historiens plutôt marqués très à gauche, lui reprochent des erreurs factuelles et une « vision quasi maurrassienne » de l’histoire.
Mais loin d’être un inconsolable nostalgique de l’Action française, le volubile acteur est un drôle de paroissien, à la fois catholique pro-mariage pour tous et monarchiste bobo qui fait du vélo durant la Journée sans voiture et se dit fier de payer ses impôts. Alors qu’en cette période électorale, l’histoire est plus que jamais un terrain de bataille, lui assure défendre une histoire fédératrice qui carbure à l’enthousiasme. Entretien... sur un tempo prestissimo, bien sûr.
Le Point.fr : François Fillon veut réécrire les programmes d’histoire, Nicolas Sarkozy fait de la généalogie gauloise, tandis que Najat Vallaud-Belkacem défend « l’histoire véridique ». Pourquoi l’histoire est-elle devenue une matière si inflammable ?
Lorant Deutsch : L’histoire se retrouve au cœur de la mêlée, surtout en cette période électorale, mais ça devrait être le contraire ! Moi, je prends l’histoire au pied de la lettre. Depuis tout petit, l’histoire du monde, de la France ou de nos origines, c’est pour moi une formidable usine à histoires. Et je me bagarre pour rester petit, car petit, c’est être curieux, ouvert, ne pas aller vers le rétrécissement des convictions, l’étroitesse d’esprit qui fait croire qu’on a tout compris. Moi, au contraire, grâce à l’histoire et aux histoires, j’essaye de rester en éveil face à l’enchantement et la stupéfaction. L’histoire, c’est un moyen d’évasion et de divertissement hallucinant.
On vous a présenté comme le héraut d’une histoire réactionnaire...
Ce qui me plaît avant tout, c’est la géographie, c’est-à-dire la réalité qui m’entoure. Quand j’entends dire que ceux qui aiment l’histoire sont des nostalgiques d’une France passée, des adeptes du « c’était mieux avant », je leur réponds que c’est tout le contraire ! C’est parce que ma réalité me fascine et mon pays me plaît que j’ai envie d’en savoir plus. Ce qui m’intéresse, c’est comment on en est arrivé là. Qui sont nos parents, nos aïeux, ceux qui ont façonné ce jardin merveilleux dans lequel on a la chance d’évoluer quand on est en France. On vit une période délicate, critique et anxiogène. Malgré tout, c’est encore un pays qui, à titre personnel, me fait du bien quand je me lève le matin.
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Dans votre livre, vous défendez d’ailleurs le Grand Paris...
Oui, il est temps que cette ville ait de nouvelles frontières. Celles qu’on a avec le périphérique datent d’Adolphe Thiers en 1840. Vous savez, je crois que le terme réactionnaire vient d’une tromperie qui veut que tout soit aujourd’hui « touchy ». L’histoire est une matière inflammable, comme vous le dites, je l’ai appris à mes dépens. Alors que je pensais qu’elle devait être additionnelle, qu’elle devait tous nous rassembler autour de valeurs communes sans que ce ne soit trop chargé. Pour moi, l’identité, c’est simplement deux choses : le parcours de notre pays, qui ne nous appartient pas, et la langue, qui fait de nous des Français. Il s’agit donc de savoir d’où on vient, et de savoir comment communiquer puisque l’intelligence passe par le langage. Être français, c’est parler le français et jouir de cet héritage qui s’appelle la France.
Vous avez été surpris par toutes les polémiques suscitées par vos deux premiers livres, Métronome et Hexagone ?
Je pensais être dans une histoire belle, et que tout le monde avait envie de profiter de ce ciment-là, éminemment fédérateur, qui explose toutes les castes de rangs sociaux, de sang, d’origines, de religions. Être français, c’est être au-dessus de tout ça. Je me suis dit : « C’est génial, appuyons-nous là-dessus ! » Mais je me suis rendu compte qu’il fallait sélectionner. Parler de Jeanne d’Arc, c’est devenu un marqueur idéologique. Alors que non, j’en parle parce que ça fait partie de notre histoire. Répudier Jeanne d’Arc ou les racines chrétiennes de la France, comme le fait Pierre Moscovici, c’est un crève-cœur pour l’amoureux de l’histoire et c’est surtout se servir de l’histoire et ne plus la servir. On devient un procureur de l’histoire.
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