Frédéric Lordon et Jacques Sapir sont deux des intellectuels qui ont le mieux analysé la crise actuelle. Ils viennent de publier deux nouveaux textes essentiels chacun qui démontrent parfaitement à quel point l’Europe et le PS sont dans une impasse tout en dessinant une sortie de secours.
Sortir de cette « austérité dans le calme ».
A défaut d’être courts, les textes de Frédéric Lordon sont doublement savoureux, sur le fond comme sur la forme, avec un style très enlevé. Dans le texte publié le 19 septembre, il fait une analyse redoutable et cruelle du plan de la BCE. Pour lui nous sommes sommes dans « un régime d’austérité sub-atroce », où les peuples subissent l’austérité dans le calme des marchés, même si l’impasse des politiques suivies finira tôt ou tard par nous mener dans le décor.
Dans un très long texte publié une semaine après, Lordon développe la manière dont il pense qu’il faut sortir de la crise, après avoir fait un sort au TSCG et au gouvernement « socialiste ». Il développe une idée déjà avancée, à savoir un défaut partiel, du montant de la hausse de la dette de 2007 à aujourd’hui. Pour lui, « il faut affirmer le droit des débiteurs à vivre dignement contre celui des créanciers à l’exaction sans limite ». Il dénonce avec délectation les mythes néolibéraux.
Ce défaut des Etats est, pour lui, « une occasion historique à ne pas louper ». Il raille le « Parti de la Concorde Universelle », qui soutient les traités actuels en affirmant qu’il sera possible un jour de les rendre plus progressistes. Il explique qu’il est possible de restructurer les banques, en reprenant le contrôle de la Banque Centrale pour monétiser, et en protégeant les créanciers. Pour lui, naturellement, cette réorganisation se fera au niveau des nations.
Les « paris stupides » de Hollande.
Jacques Sapir vient d’ouvrir son blog, où vous y retrouverez tous ses textes. Le 22 septembre, il a fait un papier saignant dédié à François Hollande. Il dénonce la ratification du TSCG contre « un simple codicille sur la croissance dont le montant est de plus parfaitement dérisoire » ainsi que le choix d’une rigueur dont il démontre depuis des mois qu’elle est une impasse. En effet, trop d’austérité provoque une dépression qui, en réduisant les recettes fiscales limite même la réduction des déficits.
Il souligne que l’Espagne, comme la Grèce, ne cesse de revoir à la baisse ses objectifs. Madrid s’était engagé à faire un déficit de 6% en 2011. En réalité, cela a été 9,4% et ce sera 7,4% en 2012… Il démontre que le gouvernement français ne tiendra pas ses objectifs en 2013 et se demande si finalement, François Hollande n’en a pas déjà conscience. Pour lui, Hollande « se comporte comme un enfant qui a mal aux dents mais qui a encore plus peur du dentiste » !
Dans un second papier publié le 26 septembre, il propose une estimation du coût de l’euro pour notre pays. Il prend notamment en compte la surévaluation chronique de la monnaie unique, Il y estime que notre PIB serait 25% plus élevé sans l’euro, que nous compterions un million de chômeurs de moins, et que nos comptes publics seraient équilibrés. En y ajoutant les chômeurs provoqués par les plans d’austérité, d’ici un an, ce serait deux millions « d’euro-chômeurs » que nous aurions !
Bref, on se demande comment le gouvernement peut mener une politique économique aussi absurde. Ses anciens soutiens dénoncent son fétichisme de la règle des 3%, comme Paul Krugman et Joseph Stiglitz et les alternatifs comme Lordon et Sapir taillent en pièce ses choix. Pauvre France.