En sport, avant un grand match, on dit souvent qu’il ne faut pas humilier l’adversaire. Avant la demi-finale de l’Euro 2016 qui a opposé la France à l’Allemagne, la presse d’outre-Rhin et certains joueurs allemands avaient pris les Bleus de haut en évoquant leur faiblesse de caractère et leur manque d’esprit combatif, tout en montrant une confiance inébranlable dans les qualités de la Mannschaft. Résultat : 2 à 0 pour la France. Les Germains s’étaient vu défaits par des Bleus surprenants remontés à bloc.
Deux ans plus tard, la paire Macron-Belloubet récidive, dans un autre domaine, tout aussi sensible : la politique nationale. En visite au Danmark pour vanter le modèle « luthérien » et réformiste des Scandinaves, le président français, un libéral anglo-saxonnisé de bonne facture, en a profité pour fustiger le « modèle gaulois ». Et quel serait le modèle gaulois ? Quelque chose de foncièrement « réfractaire au changement ».
Dans la bouche de l’ex-employé de Rothschild, on sait ce que le changement veut dire : casse sociale, victoire absolue du Capital sur le Travail. Chômage de masse pour contrôler le peuple, travail rare et sous-payé pour la masse, jobs de luxe refilés entre famille et amis pour l’élite.
Ce que dit Macron est pourtant historiquement faux : c’est justement le Gaulois réfractaire au changement qui a apporté pas mal d’idées nouvelles au monde, avec un sens de l’humanité qui est loin du modèle anglo-saxon. Le modèle anglo-saxon, pour résumer, c’est le commerce au-dessus de l’humanité, la marchandise et le profit au-dessus de l’homme et de ses besoins. Tant mieux si certains profitent de la marchandise, tant pis pour les autres.
La France, au cours de son histoire, a élaboré un modèle mixte fait d’avancées économiques freinées par des avancées sociales, ce qui n’a pas été le souci des Britanniques, par exemple. Aujourd’hui, il est vrai que les pays scandinaves ont un modèle social plutôt avancé et un niveau de vie élevé, mais au prix de la fameuse flexi-sécurité, que les banquiers-politiques français aimeraient bien voir appliquer chez nous.
On remarque qu’au cours de notre histoire récente, après la parenthèse indépendantiste gaullienne, les présidents ou gouvernements ont tous érigé en modèle un pays étranger, au détriment de leur propre pays : l’Angleterre thatchérienne pour Mitterrand 2, celui du gouvernement Fabius, l’Amérique de Bush pour Sarkozy, et l’Allemagne de Merkel ou de ses prédécesseurs pour les autres.
Petite polémique, grande symbolique
Où l’on voit que notre élite n’a plus confiance dans le logiciel national, pour parler comme un éditorialiste à la con. Ou comme un ministre de la Justice, qui essaye de rattraper la bourde du banquier-président et qui ne fait qu’envenimer les choses :
"Gaulois réfractaire" : "Je n'aime pas les polémiques inutiles (...) il y a dans cette formule une forme d’ironie qui n’est pas du tout conforme à la réalité, le peuple gaulois n’existe plus depuis longtemps" affirme Nicole Belloubet#8h30Politique pic.twitter.com/GwBrMaNTwg
— franceinfo (@franceinfo) 30 août 2018
Pour info, le Gaulois qui est en nous n’est pas réfractaire au changement, quand ce changement bénéficie au plus grand nombre, par exemple (sans parler des révolutions successives du XIXe siècle) quand le CNR a pondu cette union entre gaullistes et communistes qui a permis la paix sociale et un grand développement économique de la France pendant 30 ans. Ensuite, les Anglo-Saxons et leurs larbins sont arrivés avec leur Nouvel Ordre mondial, histoire de mettre un terme à une expérience unique au monde. On sait aujourd’hui pourquoi.
Laurent Wauquiez, l’« opposant » de droite (libérale) au macronisme (libéral) a réagi sur Europe 1. Pour lui, comparer les Français aux Gaulois est une « caricature », ce qui prouve que lui non plus n’a pas vraiment compris le sens de l’histoire de France, sauf quand il évoque « Astérix ». Quant à la « journaliste », on préfère rester polis...
« Il l’avait fait en Roumanie. En Grèce, il avait qualifié les Français de “fainéants” et maintenant, devant la reine du Danemark, il nous caricature en “Gaulois réfractaires”. Ça n’est pas à la hauteur du rôle d’un président de la République. »
Cette petite polémique de rentrée aura eu au moins un effet bénéfique : celui de faire comprendre au peuple français la trahison de « ses » élites – politiques ou médiatiques – anglo-saxonnisées jusqu’à l’os.