Une structure opaque et des dirigeants inconnus : la plateforme Tsunami Democràtic qui mobilise des milliers d’indépendantistes catalans via l’application Telegram, a pris de court les autorités espagnoles. Son origine soulève des interrogations.
La mobilisation qui secoue actuellement la Catalogne et qui prend de l’ampleur a officiellement commencé le 14 octobre quand Tsunami Democràtic, un énigmatique groupe, a diffusé sur l’application cryptée Telegram le mot d’ordre « Tothom a l’aeroport », « Tous à l’aéroport » en catalan.
Une réaction à l’annonce du jugement contre les neuf dirigeants séparatistes catalans condamnés le même jour par la Cour suprême d’Espagne à des peines allant de neuf à 13 ans de prison pour leur rôle dans la tentative de sécession de la Catalogne en 2017.
Si la cause catalane a déjà largement mobilisé par le passé, l’efficacité organisationnelle de Tsunami Democràtic pose question sur ses origines. Se voulant anonyme, clandestine et prête à mener des actions coup de poing, l’organisation se drape de mystère. Sur Telegram, Tsunami Democràtic réunissait ce 17 octobre au matin près de 308 000 participants : un chiffre en constante progression. Sur Twitter, elle compte 184 500 abonnés.
Et le moins que l’on puisse dire est que Tsunami Democràtic ne prêche pas dans le désert.
Une forte capacité de mobilisation
Immédiatement après l’annonce des condamnations, une dizaine de milliers de manifestants ont totalement bloqué l’aéroport de Barcelone El Prat. Bilan : pas moins de 110 vols ont dû être annulés et 115 personnes ont été blessées.
Un résultat spectaculaire que beaucoup d’organisations militantes rêveraient de pouvoir obtenir en mobilisant les foules en si peu de temps. Car si le groupe est actif sur Telegram depuis le 2 septembre, ce n’est que le 13 octobre que Tsunami Democràtic – à la veille du fameux jugement – a prévenu ses abonnés : « Demain, soyons tous prêts ! La réponse à la sentence sera immédiate ! » Bien qu’anticipée, l’ampleur de la mobilisation a surpris les autorités espagnoles. Celles-ci cherchent actuellement à déterminer qui en sont les responsables. « Nous finirons par savoir qui est derrière ce mouvement », a promis le ministre de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska.
« Cela ne fait que commencer. Nous devons nous préparer pour ce qui va venir et faire en sorte que le tsunami démocratique ne puisse pas être arrêté », s’est, de son côté, félicité Tsunami Democràtic le 14 octobre au soir.
#Espagne : les troubles se poursuivent à #Barcelone#Indépendantistes
Plus de vidéos :
https://t.co/NkXmLmtFoo pic.twitter.com/q78SdnkRve— RT France (@RTenfrancais) 17 octobre 2019
Un ton qui tranche nettement avec le style festif des débuts, il y a dix ans, des mobilisations massives organisées par les puissantes associations indépendantistes catalanes ANC et Omnium qui avaient baptisé le mouvement « la révolution des sourires ».
Les références sont en effet tout autres aujourd’hui. « Faisons de la Catalogne un nouveau Hong Kong », ont par exemple lancé de nombreux séparatistes sur les réseaux sociaux après l’apparition de la plateforme.
L’origine du mouvement : une réunion en Suisse ?
Selon plusieurs médias dont l’AFP et le quotidien suisse Le Temps, la création du groupe Tsunami Democràtic est intervenue au lendemain d’une réunion en Suisse de plusieurs dirigeants séparatistes, dont l’ancien président régional en exil Carles Puigdemont, laissant penser que des partis ou associations séparatistes pouvaient en être à l’origine. Mais Tsunami Democràtic nie ces allégations. Le mouvement « regroupe des gens de sensibilités différentes [...] mais il n’est contrôlé par aucune entité ou parti. Même s’ils sont informés de son articulation », aurait assuré à l’AFP un de ses organisateurs.
La possible rencontre au sommet des dirigeants séparatistes se serait tenue fin août dans la campagne genevoise. Selon Le Temps, parmi les personnalités présentes, le président de la Generalitat (le gouvernement catalan) Quim Torra, et son prédécesseur Carles Puigdemont. Marta Rovira, la secrétaire générale de la Gauche républicaine de Catalogne (ERC) – recherchée par la justice espagnole et résidant à Genève – aurait également été de la partie. Cette réunion visait à tenter d’unifier le camp indépendantiste, qui regroupe des tendances politiques très diverses, mais aussi à préparer la suite du mouvement après les condamnations et peines attendues de la Cour suprême espagnole.
Trois minutes précisément après la publication du premier message posté par Tsunami Democràtic sur Twitter le 2 septembre, Marta Rovira l’a retweeté. Feront de même dans les minutes qui ont suivi l’ancien vice-président du gouvernement de Catalogne Oriol Junqueras mais également Carles Puigdemont et Quim Torra. Quelques heures plus tard, le compte Twitter du mouvement comptait déjà plus de 10 000 abonnés.
Tal com vam sortir a defensar les urnes i el dret a vot, sortirem a defensar la democràcia i exercir els drets i llibertats tantes vegades com faci falta.
Fer un referèndum no és cap delicte. Defensar la independència, tampoc. #TsunamiDemocràtic https://t.co/XOC0ngW8U4— Marta Rovira Vergés (@martarovira) 2 septembre 2019
Une question se pose : ces leaders indépendantistes catalans – réunis à Genève quelques jours plus tôt – auraient-ils relayé comme un seul homme la première publication Twitter d’un compte inconnu ?