Dans le contexte d’un dialogue houleux entre les États-Unis et la Russie suite à la lettre de Vladimir Poutine au peuple états-unien, voici le texte d’un écrivain parmi les plus célèbres outre-Atlantique. Bien que daté, il illustre assez bien un certain messianisme constitutif de l’identité du pays, et pourra éclairer, peut-être, ce sentiment d’exception que dénonçait le président russe.
« Dans les temps anciens, Israël, après avoir fui le lieu de sa servitude, ne suivit pas les coutumes des Égyptiens. Ce peuple avait reçu une mission formelle : il y avait pour lui du nouveau sous le soleil. Nous, les Américains, nous sommes en quelque sorte le peuple élu, privilégié – l’Israël de notre temps ; nous portons l’arche des libertés du monde.
Il y a soixante-dix ans, nous avons échappé à l’asservissement ; et outre notre droit d’aînesse – qui comportait tout un continent –, Dieu nous a accordé, en guise d’héritage futur, les vastes domaines des païens politiques, qui viendront encore s’étendre à l’ombre de notre arche, sans que s’élèvent des mains tâchées de sang.
Dieu a prédestiné notre race pour le bien du genre humain, à de grandes choses : et ce sont de grandes choses dont nos âmes sont pleines. Le reste du monde sera bientôt dans notre sillage. Nous sommes les pionniers du monde ; l’avant-garde envoyée à travers les déserts vierges de l’inconnu pour tracer une voie neuve dans le Nouveau Monde qui nous appartient. Dans notre jeunesse réside notre force, et dans notre inexpérience notre sagesse. À un âge où d’autres nations ne savent que balbutier, notre voix sonore résonne au loin.
Trop longtemps, nous avons douté de nous et trop longtemps nous nous sommes demandé si le Messie politique était vraiment arrivé. Mais il est venu en nous, et nous n’avons qu’à suivre ses suggestions. Et rappelons-nous toujours que nous serons sans doute les premiers, dans l’histoire de l’humanité, à faire de notre égoïsme national une philanthropie illimitée : car nous ne pourrons créer une réforme bienfaisante en Amérique sans en faire le don au monde. »
cité par François Thual dans « Géopolitique des États-Unis »,
Revue française de géopolitique, n°3, 2005