Michel-Édouard Leclerc : Si on prend un hypermarché, il peut s’appeler en gros Carrefour, Intermarché, Auchan, Leclerc... On a eu des hausses inégales entre nous, mais négociées auprès des fournisseurs, qui étaient de 3 % au 1er mars. Le gouvernement a fait la bêtise de se précipiter et a dit : « Rouvrez les négociations » après mars, et on s’est avalé une hausse de 6,9, presque 7 %.
Je pense qu’il n’aurait pas fallu faire ça, parce que ça a donné une prime à la surenchère. Tous les industriels se sont dit : « C’est maintenant qu’il faut faire passer les hausses. Après, ils se réveilleront, après les élections, ils ne voudront plus ». Et donc ils sont arrivés avec des paquets de hausses, et donc, nous avons eu beaucoup de mal à les contenir. Et beaucoup de ces hausses sont des hausses, on va en reparler, d’anticipation, voire de spéculation.
[Les industriels] nous proposent pour la troisième fois dans l’année une nouvelle hausse, dont sur l’épicerie, elle atteindrait 10 %.
Apolline de Malherbe : « Est-ce que c’est dû, comprenons quand même bien, est-ce que c’est dû à la hausse des prix des matières premières ? Ou est-ce que, malgré tout, ils se font un peu du beurre sur la bête ? »
Michel-Édouard Leclerc : Alors, les trois, c’est-à-dire : la hausse des matières premières ; se faire du beurre, rémunérer les actionnaires ; mais aussi, avoir mal travaillé, avoir eux-mêmes mal négocié.
La moitié des hausses demandées ne sont pas transparentes, elles sont suspectes.
Et d’ailleurs, j’aimerais bien que les députés, une fois qu’ils aient fini leurs négociations pour les représentations à l’Assemblée nationale ou au Sénat, j’aimerais bien que les députés ouvrent une commission d’enquête sur les origines de l’inflation, sur ce qui se passe sur le front des prix, depuis les transports et le marché des matières premières jusqu’au consommateur. Parce que ça nous aiderait beaucoup d’avoir cette obligation de transparence, y compris devant la puissance publique.
Quand vous voyez que tous les fournisseurs arrivent avec des factures de transport en augmentation de 15, 20 ou 30 %, et notamment les prix des containers, qui ont augmenté de 30 %. Mais qu’en même temps vous voyez que les sociétés de transport sortent des bénéfices par milliards l’année dernière... On voit bien que ce n’est pas l’indisponibilité des containers qui a fait que ce qui est rare est cher.
Après, quand vous avez des fabricants de produits à base de chocolat et de cacao qui vous invoquent l’Ukraine pour une augmentation de 15 % de tarifs sur de la confiserie, sur des barres chocolatées... Je parle de Nestlé, je parle de Mars. Il ne faut quand même pas déconner ! On est sur l’autre continent pour le chocolat et le cacao. Donc on peut comprendre qu’il y ait des hausses d’énergie, qu’il y ait des hausses de coûts de transport. Mais ça n’a rien à voir avec ce qui se passe en Ukraine, avec n’importe quelle perturbation... L’Ukraine a bon dos !