Michel Onfray, qui se définit toujours comme « un philosophe de gauche radical », revenait hier au micro de la Radio Télévision Suisse sur les élections départementales, le Front national, la préférence nationale ou encore le nucléaire iranien.
« Je retiens surtout l’absence du Front national alors qu’il fait 25 % des voix. Moi je ne suis pas un défenseur du Front national, mais un défenseur de la démocratie. Et j’estime que quand 5 millions de gens se sont manifestés en faveur du Front national, je trouve étonnant que le FN ne soit pas représenté, pas plus qu’il ne l’est à l’Assemblé nationale où ils ont deux députés ce qui n’est pas du tout en rapport avec leur puissance […]. Les gens s’expriment et ils ne sont pas représentés. La démocratie n’est pas au mieux de sa forme. […] C’est la même chose avec les écologistes, qui eux ne pèsent rien du tout mais sont surreprésentés. »
Entre un tacle à la « mégalomanie de Sarkozy » et la « fausse gauche de Pierre Bergé qui nous fait l’éloge de la location d’utérus pour les femmes pauvres », celui qui a lancé l’Université populaire de Caen en réaction à l’arrivée de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle de 2002 est ensuite revenu sur l’utilisation abusive du terme « extrême droite » par un Parti socialiste qu’il considère comme n’étant plus « de gauche » :
« Je pense que l’extrême droite elle descend dans la rue, elle est armée, elle ne reconnaît pas la démocratie, ne se présente pas aux élections, elle est dans des logiques paramilitaires donc il faut arrêter d’utiliser ce mot-là. Je sais bien que la gauche, depuis Mitterrand, depuis qu’elle a cessé d’être de gauche en 1983, a instrumentalisé le Front national et a eu besoin d’en faire un parti fasciste pour pouvoir être antifasciste à peu de frais. Et donc, on estime que quand on vote contre le Front national, on est Jean Moulin en France. Cela fait parti du folklore […]. En France, on est contre la préférence nationale sauf quand il s’agit des artiste et des cinéastes. Aurélie Filippetti, qui était une ministre de gauche, se retrouve aujourd’hui à défendre la préférence nationale, mais pour les “artistes” […], pas pour les ouvriers, pas pour les paysans, pas pour les prolétaires. Alors c’est facile de dire que l’autre est xénophobe, l’autre est fasciste, l’autre est antisémite. »
Questionné sur les négociations relatives au nucléaire iranien en cours à Lausanne, Michel Onfray explique :
« Je suis fortement opposé à la guerre qui ne fait le bonheur que des marchands d’armes, qui la plupart du temps sont aussi les gens qui soutiennent les partis politiques […] Netanyahou, qui est en relation avec les gens qui vendent des armes, a intérêt à ce que la paix ne se fasse jamais et, comme la gauche a intérêt à entretenir un Front national qu’on présenterait comme fasciste et d’extrême droite, Netanyahou a intérêt à présenter l’Iran comme l’ennemi absolu qu’il faudrait attaquer de manière préventive. »
Quelques jours auparavant, dans une longue interview parue dans le quotidien belge Le Soir, il expliquait pourquoi il n’était pas Charlie :
« Il fallait être Charlie, sous peine d’être Dieudonné ; il fallait être tolérant, sauf pour ceux qui ne pensent pas comme Valls ; il fallait éviter les amalgames et n’avoir pas entendu que les criminels avaient mis leur crime sous le signe de la vengeance du Prophète ; il fallait affirmer que l’équipe de Charlie était morte pour la liberté d’expression, mais comprendre que la liberté d’expression s’arrêtait juste après l’ânonnement du catéchisme médiatique ; il fallait défiler en masse et applaudir on ne sait quoi sous peine d’être complice des tueurs ; […] en un mot, il fallait ne plus penser et obéir, obéir à la doxa imposée par les médias qui n’ont jamais vendu autant de papier ni obtenu pareils records d’audience. C’était le but. Il faut lire ou relire Propaganda. Sous-titré : “Comment manipuler l’opinion en démocratie”, d’Edward Bernays, le neveu de Sigmund Freud, qui a publié ce texte en 1928 pour expliquer comment une poignée de gens invisibles fabrique le consentement en démocratie. Un livre qui se trouvait dans la bibliothèque de Goebbels. »