Selon un banquier de la place helvétique l’épouse d’Eric Woerth aurait, durant ces deux dernières années, géré l’évasion fiscale de Liliane Bettancourt, cela au moment où, alors ministre du budget, il brandissait une liste des 3000 noms de citoyens français soupçonnés d’évasion fiscale.
Les nouvelles révélations du quotidien suisse La Tribune de Genève pourraient également toucher l’Etat français à son plus haut niveau, puisqu’elles éclairent sur le financement pour le moins suspect de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy en 2007.
Un « Genevagate » menace les Woerth
Au fur et à mesure des révélations entourant la fortune de Liliane Bettencourt, les langues se délient à Genève. Les gérants de fortune de la place financière genevoise n’en veulent pas tellement à l’héritière de L’Oréal, qui pèse quelque 16 milliards. Mais à Eric Woerth, aujourd’hui ministre français du Travail, qui fut, il y a quelques mois encore ministre du Budget, n’hésitant pas à brandir la liste des 3000 noms de citoyens français, volée par Hervé Falciani en 2009 chez HSBC Private Bank (Suisse) à Genève.
L’un d’eux, spécialiste des « family offices » (sorte de banques privées pour très grandes fortunes) tempête : « Eric Woerth, qui avait fait de l’évasion fiscale sa priorité, nous a longtemps fustigés comme les ennemis numéro un. C’est lui aussi qui, avec Peer Steinbrück, alors ministre allemand de l’Economie, nous a conduits sur la liste grise de l’OCDE, celle des paradis fiscaux non coopératifs. Mais savez-vous qu’au même moment, sa femme Florence, l’une des gérantes de fortune de Liliane Bettencourt, était vue très souvent dans le « family office » de la milliardaire française, qui se situe à deux pas de l’Hôtel d’Angleterre ? »
Cette entité de gestion de fortune genevoise fait partie de la holding Téthys qui gère les actifs de l’héritière, à savoir principa lement les dividendes de son paquet d’actions chez L’Oréal et chez Nestlé, ainsi que ses biens immobiliers. Elle travaille main dans la main, mais depuis la Suisse (!), avec la société financière française Clymène, dirigée par l’homme de confiance Patrice de Maistre et employeur, depuis 2007, de Florence Woerth, épouse de l’ex-ministre du Budget.
Et notre financier fâché d’ajouter : « Eric Woerth, durant ces deux dernières années, ne pouvait pas ignorer que sa femme se trouvait très régulièrement à Genève. Et que ce n’était certainement pas pour voir son Jet d’eau ! »
Les enregistrements illicites faits par l’ex-maître d’hôtel de Liliane Bettencourt ont déjà mis au jour deux comptes bancaires, l’un à Vevey, de 65 millions d’euros, l’autre à Genève, de quelque 16 millions d’euros. Ces deux comptes sont tellement réels que Liliane Bettencourt et son gérant de fortune Patrice de Maistre les ont déplacés au mois d’avril dernier, selon les dernières informations, non plus à Singapour ou Hongkong, mais dans une assurance-vie en France au profit du petit-fils de Liliane et fils de Françoise, aujourd’hui en procès avec sa mère. En 2009 et 2010, le directeur de la société financière Clymène a donc fait, de son propre aveu, de très nombreux aller-retour à Genève et dans l’arc lémanique, pour « qu’on enlève ces comptes ».
Autre fait avéré des liens entre Clymène et Genève est le transfert, il y a quelque deux ans, de 280 millions d’euros des comptes français de Liliane Bettencourt chez UBS Genève. Enfin, selon des documents publiés cette semaine par l’hebdomadaire Marianne, il s’avère que la fortune déclarée en 2007 dans l’Hexagone par l’héritière L’Oréal et ses gérants s’élevaient à 2,2 milliards d’euros pour une imposition de 40 millions d’euros.
Enfin, en tant que trésorier de l’UMP, Eric Woerth, lui aussi, connaît visiblement passablement bien la route qui conduit à Genève, chez un autre de ses amis, Pierre Condamin Gerbier, responsable de l’UMP à Genève et gérant de fortune ardent défenseur des « family offices ». C’est ce dernier qui s’est chargé, notamment, d’organiser le dîner de gala au Crowne Plaza, puis au Caviar House, avec les plus grandes fortunes françaises exilées en Suisse romande, en mars 2007, lorsque Woerth était venu collecter des fonds pour la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy.
Or, comme le confiait un autre banquier genevois, lui aussi extrêmement courroucé, au Matin Dimanche en septembre 2009, « Eric Woerth ne cherchait pas alors à savoir si les chèques qu’on lui remettait étaient prélevés sur des comptes suisses non déclarés au fisc français. » La collecte finale avait rapporté, en tout, plus de 7 millions d’euros.