Dimanche soir, Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, concluait une visite de deux jours en Israël et dans les territoires palestiniens. Lors de sa rencontre avec Benyamin Netanyahu, le patron du Quai d’Orsay, venu apaiser la discorde israélo-européenne au sujet du traitement des colonies, a bénéficié d’une brève leçon d’histoire délivrée par le Premier ministre israélien en personne.
Selon le leader de la droite nationaliste, le conflit israélo-palestinien ne serait pas une cause majeure des crises survenues au Moyen-Orient depuis 65 ans mais plutôt une conséquence.
En guise d’illustration, la situation actuelle en Syrie, la question nucléaire iranienne et « l’instabilité » de l’Afrique du Nord ont été invoquées (à 3′) par Netanyahu. Les connaisseurs du langage corporel apprécieront également le visionnage de la rencontre entre les deux hommes.
(Vidéo en anglais non-sous-titrée)
En octobre dernier, dans les jours qui ont suivi l’opération militaire israélienne dénommée « Pilier de défense », le tandem s’était déjà rencontré avec la même affection déployée face caméra.
Le 29 novembre, à la date de la commémoration de la reconnaissance onusienne de l’État hébreu, Laurent Fabius accueillait avec déférence la Fondation France-Israël dans les salons du Quai d’Orsay.
Et peu visiblement lui importait que la présidente de cette organisation, Nicole Guedj, eût qualifié, dans le passé et dans les mêmes lieux feutrés, son ministère de « maison bourrée d’Arabes déguisés » (à 2’35) [1].
Dix mois plus tôt, Alain Juppé, prédécesseur de Laurent Fabius au Quai d’Orsay, avait également eu l’occasion de donner des « preuves d’amour » au régime de Tel-Aviv via la Fondation France-Israël.
Quelques semaines plus tard, cela ne l’empêchera pas de recevoir, lors de son déplacement à Jérusalem, une leçon géopolitique de la part du Premier ministre israélien : celui-ci n’avait pas hésité à l’interrompre sèchement (à 3’20) lors de son allocution pour corriger sa déclaration relative à l’amplitude géographique de la « menace terroriste ».
Il s’agissait là d’une des nombreuses manifestations du culot légendaire de Benyamin Netaynahu. L’homme qui avait qualifié les attentats du 11 Septembre de « très bonne chose » pour les relations israélo-américaines est également celui qui a entonné un chant patriotique lors d’une cérémonie dédiée aux victimes de l’affaire Merah et sous le regard d’un François Hollande poliment embarrassé.
Quant à Laurent Fabius, sa rencontre avec les dirigeants palestiniens fut visiblement plus « diplomatique » que chaleureuse, si l’on en juge par des extraits mis en ligne par le consulat de France à Jérusalem.
Sur la question syrienne, la France et Israël semblent s’exprimer au diapason. En dignes émules du discours propagé depuis deux ans par BHL, l’homme de l’axe Paris-Washington-Tel-Aviv, les dirigeants français et israéliens s’accordent sur la thèse d’un usage exclusif de l’arme chimique par le régime syrien.
Ce matin, interviewé par un Jean-Pierre Elkabbach silencieux sur les exactions commises par les « rebelles » syriens, Laurent Fabius a de nouveau laissé entendre l’imminence d’une réaction militaire élaborée par une coalition atlantiste contre Damas.
Quel que soit le dénouement de ce suspense géostratégique, une chose est certaine : sous la présidence de François Hollande, et dans l’ombre de l’ambition déployée par Manuel Valls, le Parti socialiste continuera de soutenir inconditionnellement Tel-Aviv dans la région. Quelques semaines avant l’élection présidentielle de 2012, Laurent Fabius se félicitait déjà, au micro d’une chaîne américaine, que les insurgés des pays arabes ne se soient pas encore préoccupés de la question israélo-palestinienne.
Cet aveu formulé avec délicatesse complète l’avis exprimé cyniquement par les thuriféraires les plus zélés de la mouvance sioniste hexagonale. L’un d’entre eux, dénommé Guy Millière, faisait ainsi récemment savoir (à 5’30), durant une conférence organisée par un groupuscule patronal de la droite pro-israélienne, que la bataille meurtrière entre sunnites et chiites au Moyen-Orient n’était « pas une mauvaise nouvelle » pour Israël.