Les choix philosionistes d’une certaine extrême droite remontent à la construction de l’entité proche orientale que l’on désigne communément sous le vocable d’Israël. Ces orientations émanent directement de la bipolarisation de la Guerre froide où la structure étatique imposée en Palestine depuis juin 1948 était perçue par certains comme le « poste avancé de l’Occident ». Depuis, le sionisme a imprégné une bonne partie de la droite conservatrice et atlantiste, de même qu’une partie du Front national des années 1970 et 1980.
Après l’écroulement du communisme étatique en Europe centrale et orientale et la mise en place d’un nouveau contexte international, notamment avec les conséquences de la Guerre du Golfe de 1990-1991, l’influence sioniste s’est atténuée au sein de la mouvance nationale, mais n’a pas disparue. En effet, la période de l’après 11 septembre 2001, a été propice à son retour en force dans les rangs nationaux, retour particulièrement bien préparé comme nous le verrons. Favorisée par la désinformation véhiculée par ceux qui entendent imposer leur vision du 9/11 et les choix géostratégiques qui en découlent (agression de l’Afghanistan, puis de l’Irak de Saddam Hussein), ce renouveau du philosionisme au sein des nationaux entend s’auto-justifier en mêlant, par association d’idées, l’immigration des peuples du Sud, souvent musulmans, qui progresse sur notre continent à la croisade lancée par les faucons de Washington et Tel-Aviv contre les zones géographiques riches en énergies fossiles au nom d’une pseudo lutte contre l’islamisme et le « terrorisme » ou présenté comme telle. Si les plus excités prennent clairement fait et cause, au nom d’un occidentalisme fantasmé, pour Washington et Tel-Aviv, d’autres, par prudence ou sans doute en raison d’une certaine forme de veulerie qui leur convient plus, préfèrent afficher une illusoire neutralité, oubliant ou ignorant qu’Israël, qui ne connaît pas le concept d’allié, ne possède que des auxiliaires, des mercenaires et des vassaux (1).
L’incubation virale du renouveau philo-sioniste
Comme toute pandémie virale créée de la main de l’homme, l’histoire commence dans l’ambiance feutrée de la recherche universitaire. C’est durant l’année 2001, soit plusieurs mois avant les événements du 11 septembre, que l’on observe un sérieux glissement de certains intellectuels et géopoliticiens, forts appréciés pour leurs thèmes islamophobes, en direction d’une option laissant libre cours à une certaine forme de tolérance affirmée vers le sionisme et la thématique occidentaliste. Le cas d’Alexandre Del Valle est, de ce point de vue, emblématique.
Cet universitaire au parcours alambiqué a commencé par asseoir sa réputation au sein de l’extrême droite et des milieux dits souverainistes en publiant un premier ouvrage à succès à L’Âge d’Homme, maison d’édition réputée proche de Belgrade du temps de Milosevic, Islamisme et États-Unis : une alliance contre l’Europe ; puis un autre Guerres contre l’Europe : Bosnie, Kosovo, Tchétchénie aux Syrtes. Livres où nombre d’esprits chagrins affirmèrent reconnaître le style de Guillaume Faye qui aurait été, à l’époque de leur rédaction, très proche de leur auteur…
Ces compilations, dont la problématique s’axe autour d’un dénigrement de l’islam, viennent à point nommé au lendemain des guerres civiles balkaniques des années 1990 qui ont vu, notamment, s’affronter chrétiens et mahométans en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo-Métochie, à l’occasion de séismes géopolitiques d’importance intervenant à la faveur de l’éclatement de l’ex-Yougoslavie titiste, conséquence de la chute des régimes socialistes collectivistes en Europe centrale et orientale, et de la prédation atlanto-mondialiste post-Guerre froide vers l’Est. Or, l’interventionnisme nord-américain (notamment en 1994-1995 et au printemps 1999) a permis de faire peser la balance en faveur des musulmans de Bosnie-Herzégovine, tout d’abord, puis des Albanais musulmans du Kosovo au détriment des Serbes, chrétiens orthodoxes. Aussi, Del Valle décrypte cette ultime tragédie européenne du XXème siècle à travers un prisme essentiellement islamophobe, présentant la résistance serbe comme une forme de Reconquista qui a échoué, ce qui dans les rangs de la droite nationale et radicale d’alors lui assure un succès immédiat.
Or, courant 2000, Del Valle, qui espère s’appuyer sur ses succès de librairie pour asseoir une rapide carrière universitaire, peine pour obtenir un poste. Après avoir espéré en vain succéder au professeur Yves Lacoste à l’université de Paris-VIII à Saint-Denis, il part en quête d’une structure d’accueil qui lui permette de se faire très vite une respectabilité. La chute du régime de Milosevic en Serbie-Yougoslavie, en octobre 2000, lui ferme définitivement la porte de l’université de Belgrade et l’avènement de Vladimir Poutine à Moscou ne répond pas mieux à ses attentes. Aussi, c’est en direction des milieux droitistes pro-israéliens que Marc d’Ana, vrai nom d’Alexandre Del Valle, se tourne définitivement début 2001, non sans maintenir pendant quelques temps de précieux contacts dans la mouvance radicale, puisqu’il anime encore en mars une réunion de Terre et peuple, de même que des cellules de formation à Lille et à Paris de la Fraternité sacerdotale Saint Pie X.
En tant que « chercheur », il bénéficie dès le printemps 2001 d’une page d’entretien très favorable dans Le Lien, périodique communautaire ultra-sioniste (2) et intégriste édité à Grenoble (3). Lorsque les événements du 11 septembre se produisent, Del Valle est le « chercheur » tout trouvé pour valider médiatiquement les thèses néo-conservatrices inspirées directement du « Choc des civilisations » de Samuel Huntington. Aussi, le 13 septembre, seulement deux jours après le crash ultra-médiatisé des Twin Towers, il est invité par la loge parisienne Ben Gourion du B’naï B’rith pour une conférence sur le thème : « Le syndrome du Kosovo : des Balkans au Proche-Orient. Intifada ou Guerre sainte ? » Une conférence qui ne pouvait mieux tomber… Sans surprise, on le retrouve le 12 octobre suivant comme orateur vedette du colloque organisé par le B’naï B’rith au Sénat, sur le thème « Les Nouveaux visages de l’antisémitisme ». Il est aux côtés de Mickaël Prazan du Meilleur des mondes, de Paul Kieusseian, président de l’Association arménienne Sassoun, d’Abdul Hadi Palazzi, directeur de l’Association culturelle musulmane italienne, des chercheurs Pierre-André Taguieff et Jacques Tarnéro de la LICRA, de Richard Séréro, le premier vice-président de la LICRA proche de Patrick Gaubert, de l’« écologiste » Corinne Lepage, ancien ministre chiraquien de l’Environnement et présidente de CAP 21, du ministre François d’Aubert et de Gilles-William Goldnadel, président d’Avocats sans frontière et proche de Charles Pasqua. Alexandre Del Valle commença son intervention par cette citation d’Ariel Sharon : « Est-ce que l’Occident aura le courage de refuser un Munichislamiste ? »(4).
Ainsi, avec l’aide précieuse du B’naï B’rith, le soutien de personnalités comme l’avocat Serge Klarsfeld, de La Droite libre de Rachid Kaci, en quelques mois Marc d’Ana va ainsi se métamorphoser en parfait agent d’influence du sionisme en France, touchant en priorité les milieux droitistes, voire « radicaux ». À partir de février 2002, Israël Magazine « mensuel israélien en langue française » publie régulièrement ses textes.
Depuis, son credo se résume dans sa déclaration d’octobre 2002 : « Nous avons affaire au troisième grand totalitarisme, et à un mouvement de fond mondial et durable, dont l’ambition est de soumettre la planète à l’islamisme, après avoir instauré une guerre des civilisations et des religions » (5).
Ce qu’il y a de surprenant, c’est que malgré son revirement vers des milieux ouvertement hostiles aux droites nationales et radicales françaises, il a toujours conservé un capital de sympathie au cœur de la mouvance nationale. Ses ventes et son influence intellectuelle n’y ont jamais fléchi, même s’il a parfois fallu qu’il se fasse accompagner par des gros bras de la Ligue de défense juive pour assurer sa protection lors de certaines réunions. Il faut souligner le fait qu’il a été grandement aidé dans sa démarche par la mouvance identitaire, issue de la l’éclatement d’Unité radicale et de la déliquescence de certains de ses surgeons, qui lui a constamment assuré un lectorat et une écoute attentive.
La propagation identitaire du virus
Pamphlétaire fétiche de cette mouvance, Guillaume Faye a su accompagner cette évolution depuis le début des années 2000. En publiant chez L’Aencre en 2000 La Colonisation de l’Europe. Discours vrai sur l’immigration et l’Islam, puis en 2001 Pourquoi nous combattons. Manifeste de la résistance européenne, et enfin en 2003 Avant-guerre : Chronique d’un cataclysme annoncé, Faye séduit une grande partie de la jeunesse radicale, ou prétendue telle, toute prédisposée à entendre un discours ethniciste belliqueux, occidentalo-centré et violemment anti-islam, préfigurant une approche pour le moins complaisante en direction de l’entité sioniste dans une configuration huntingtonnienne qui l’amènera à publier en 2007 aux éditions du Lore La Nouvelle question juive. Faye a su jouer auprès des naïfs de son image mythifiée d’« ancien » de la mouvance nationale, d’ex-gudard gréciste et de faux rebelle, avec, durant un temps, l’aide volens nolens de Pierre Vial et de son association Terre et peuple.
Les relais de ces thèses en direction des éléments les plus jeunes au sein des droites nationales et radicales en France se sont en premier lieu manifestés à travers la mouvance « identitaire ». Cadre d’Unité radicale, après être passé par la direction du FNJ, puis le MNR, Guillaume Luyt, responsable de la structure Coordi-Nation (6) publie au lendemain du 11 septembre 2001 ses « Réflexions libres sur Alexandre Del Valle, le sionisme et la récupération politique » sur le forum agir.fr, repris par la Lettre n°15 de Faits et Documents d’Emmanuel Ratier, le 29 septembre 2001. Luyt estime que « la droite juive […] menacée par l’islamisation de notre pays […] a décidé un virage tactique qui consiste à s’appuyer aujourd’hui sur les forces de résistance à l’immigration invasion. D’où les liens tissés avec Del Valle ». Et celui qui va devenir le président des Identitaires poursuit de façon édifiante : « la récupération politique est affaire de point de vue. Le cas Del Valle en est l’illustration. Si d’un côté de la lorgnette, on peut, légitimement s’inquiéter de la “trahison” de l’un des siens, on peut aussi bien, se féliciter de ce qu’un écrivain et conférencier de chez nous profite des failles de la rhétorique sioniste pour sonner le réveil européen sur les plateaux télés. N’insultons pas, tant qu’ils portent nos idées, ceux issus de nos rangs qui se laissent prendre au jeu médiatique, quand bien même multiplieraient-ils les professions de foi antifascistes, mais au contraire, rappelons sans cesse que c’est du terreau fécond de notre pensée insoumise qu’ils tirent leur succès et félicitons-nous de voir nos idées franchir par leur entremise, le silence du mur médiatique ». En lisant cela, on comprend alors beaucoup mieux que le président des Identitaires, fin mars 2008, se lâche dans un billet de mauvaise humeur et lance à la figure de tous : « Je ne suis pas français ! » (7)
Identitaires et métissage occidentaliste
Courant 2002, l’extrême droite radicale analyse l’acceptation de Del Valle par les correspondants politiques en France de la droite israélienne comme une main tendue à leur courant politique : dans Jeune Résistance (n° du 25 hiver 2002), Fabrice Lauffenburger sous le pseudonyme de Karl Hauffen consacre un article aux « illusions perdues de l’intégration républicaine » et aborde « le récent repli communautaire des juifs de France », soulignant que « ce repli communautaire s’accompagne inévitablement d’un discours raciste, souvent primaire, à l’encontre des Arabes. Ainsi de plus en plus de passerelles sont tendues en direction de certains intellectuels proches de la droite radicale, réputés pour leur anti-islamisme, comme Alexandre Del Valle ». Et de s’interroger : « L’islamisation des Beurs amènerait-elle nos amis sionistes à revoir leur stratégie ? » La réponse ne se fera pas attendre.
Elle apparaît sur Internet via un site inquiétant : SOS Racailles, hébergé par liberty-web.net. C’est le carrefour des activistes juifs sionistes et des droitistes islamophobes prêts à tout pour faire triompher leur haine du musulman. Car ce n’est plus l’immigration qu’il faut combattre, mais l’islam ! L’initiative fait long feu, trop provocatrice. Ce n’est qu’un essai : en mars 2003, Denis Greslin, obscur employé de La Poste dans les Pyrénées-Atlantiques, un des zélés contributeurs du site SOS Racailles et ancien du Mouvement national républicain (MNR), lance avec Gérard Cazenave, Occidentalis. C’est une association loi 1901 crée en juillet 2003, qui se donne pour mission de « défendre les valeurs occidentales et de s’opposer à l’islamisme ». Avec son site France-Échos, Occidentalis est un carrefour fédérateur entre les différentes tendances de la droite réactionnaire la plus extrême et les identitaires, au moment même où Philippe de Villiers relance son MPF en vue des élections présidentielles de 2007. Très vite des ponts sont lancés en direction de la Ligue de défense juive (LDJ). L’affaire des caricatures danoises de Mahomet permet de concrétiser ce rapprochement : lors de la petite manifestation du vendredi 24 novembre 2006 à proximité de l’ambassade du Danemark, avenue Marceau à Paris, une poignée de membres d’Occidentalis, qui s’est joint pour l’occasion à des groupuscules comme la Révolution bleue de Reichmann, Europae Gentes de Frédéric Pichon (un ancien de Troisième voie) ou encore Chrétienté solidarité et La voix des Français d’Henry de Lesquen, bénéficie de la protection rapprochée de la LDJ. Une alliance parfaitement résumée comme suit : « France-Échos, nous avons oeuvré ensemble à ce rapprochement normal entre nationalistes français et juifs de France, dans le même combat contre l’obscurantisme mahométan, et au nom de nos valeurs communes de laïcité et de liberté. […] nous sommes unis contre la barbarie. Nous sommes les héritiers communs des Lumières. […] Un proverbe yiddish dit : “Heureux comme un juif en France”. Il faut que cela perdure, pour le plus grand bien de la France et des Français » (8).
En 2006, Denis Greslin rejoignit pour finir le MPF de Villiers. Pressenti pour être candidat en juin 2007 aux législatives sous l’étiquette villiériste dans la 3ème circonscription des Pyrénées-Atlantiques, il se contenta au final d’appeler à voter dès le premier tour pour la candidate UMP. Au même moment, il lançait, avec Joachim Véliocas et, surtout, l’appui de la revue communautaire juive L’Arche, l’aide d’Ivan Rioufol du Figaro et le soutien de l’académicien Jean Dutour, l’éphémère mensuel satirique La Poule déchaînée, feuille de choux essentiellement islamophobe cherchant à singer maladroitement Le Canard enchaîné. S’il s’est depuis éclipsé du microcosme médiatique de la droite extrême, il n’en a pas moins maintenu quelques attaches : « Je respecte beaucoup le courage et les actions des Identitaires, avec qui j’ai des points de convergence » rappelait-il le 23 mai 2007 à Paul Garcin de Médias Libres.
Les émeutes d’octobre 2005 en France auront au moins été l’occasion pour cet authentique métissage philosioniste et islamophobe de promouvoir un éphémère rapprochement entre les Identitaires et Philippe de Villiers. Un forum de discussion idoine avait même été créé à cet effet : Le Vrai forum. Sans suite car, à l’évidence, le vicomte vendéen s’accommodait mal de la surenchère identitaire. Mais une dynamique s’était de fait mise en place et allait étrangement profiter à une toute petite formation syndicale de policiers jusqu’alors passée inaperçue.
Act-sion Police : les gallinacés du national-sionisme
Anciennement Syndicat CFTC de la Police nationale, Action Police CFTC est apparu en mars 2005 avec comme principaux dirigeants Michel Thooris et Jean-Christophe Carme. Issus de la FPIP, ces deux individus étaient connus pour leur vagabondage politique depuis quelques temps, à l’extrémité de la droite, allant de Pasqua à Villiers, côtoyant même un temps l’Alliance populaire de Jean-François Touzé et Roland Hélie, c’est dire… Dans le même temps, ils avaient toujours maintenu des liens étroits avec les milieux activistes ultra-sionistes. Suite à de stupéfiantes déclarations du brigadier de police Thooris, au moment des émeutes de l’automne 2005, Action Police sortit de l’ombre. En exigeant « l’intervention de l’armée dans les banlieues », Thooris s’est, en effet, vu propulsé sur l’avant scène médiatique de la mouvance nationale la plus islamophobe. On l’entendit alors à Radio Courtoisie à maintes reprises et à des heures de grande écoute, et il fut largement promotionné par Minute. Cette modeste médiatisation sembla alors lui donner quelque audace : dans un communiqué, le 5 juin 2006, Action Police CFTC franchit définitivement le seuil de l’absurde en déclarant qu’il « ne considère en aucune façon que la Ligue de défense juive (LDJ) ou le Betar créent un trouble à l’ordre public. Au contraire, ces organisations dissuadent de nombreuses personnes ou groupes de personnes hostiles à la communauté juive de passer aux actes. Les mairies se dotent de polices municipales, les supermarchés de vigiles, les manifestations sont encadrées par un service d’ordre… Pourquoi la communauté juive n’aurait-elle pas le droit de se défendre ? […] la LDJ et Betar […] accomplissent une mission de service public (sic !) en défendant les personnes et les biens ». Manifestement, ces curieux policiers syndicalistes semblaient totalement ignorer la loi de 1936 sur les groupes armés, prenant sans doute les milices sionistes pour des associations philanthropiques…
Le 15 juin 2006, en pleine affaire Ilan Halimi, Thooris reçut ses trente deniers : en tant que secrétaire général du syndicat, il était invité à une conférence débat patronnée par la loge Daniel Pearl du B’naï B’rith, qui se tenait à l’université parisienne de Censier (Sorbonne Nouvelle – Paris III), aux côtés, entre autres, de Jacques Tarnero de la LICRA, un « expert en victimologie », et Sammy Ghozlan, ex-commissaire de police adjoint de Lille, président du Conseil des communautés juives d’Ile-de-France et du Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme, le BNVCA. Pour l’insignifiant petit brigadier, c’était la gloire absolue !
Complaisamment interviewé par Novopress en août 2006, Michel Thooris accrut son capital de sympathie à la fois dans la mouvance identitaire et chez les « souverainistes », au point de devenir une référence : c’est ainsi qu’il devint conseiller sur les questions de sécurité du candidat Philippe de Villiers pour la présidentielle. Quant aux Identitaires, ils étaient sous le charme : à l’instar d’Arnaud Borella qui évoquait sur un ton particulièrement obséquieux, le 5 juin 2006 sur le site du Bloc identitaire, « nos amis d’Action police ».
Une popularité qui poussa audacieusement Thooris vers la politique étrangère et plus particulièrement le Proche Orient, osant répéter comme un perroquet les dépêches l’agence sioniste Guysen. Au sujet de l’agression israélienne au Liban sud à l’été 2006, il lançait d’un trait : « Nous apportons tout notre soutien aux forces de sécurité juives dans cette guerre juste contre le terrorisme islamiste et sommes aux côtés de tous ceux qui combattent pour la démocratie au Moyen-Orient sous l’uniforme de Tsahal… » Et de nous refaire le même coup fin décembre 2008 au sujet de la Bande de Gaza : « Israël mène ses opérations contre le Hamas en état de légitime défense. L’offensive doit être un succès, il en va de la survie de l’État hébreu face au terrorisme islamique inhumain. La liberté et le droit à la sécurité des Israéliens doivent être protégés. L’armée israélienne est bien fondée à faire usage de la force. Nous voulons rappeler notre soutien indéfectible à l’État juif dans sa lutte pour sa survie. Israël doit vaincre ».
Immédiatement après l’avènement de Sarkozy à l’Elysée, Action Police, qui à l’évidence ne servait plus à rien, fut dissous. En février 2008, Thooris et Carme furent interdits par la justice de se revendiquer de la CFTC, qui fit ainsi le ménage dans ses rangs. Depuis, Jean-Christophe Carme a démissionné de la police et Michel Thooris a repris le service en tenue, sans doute jusqu’à la fois prochaine…
Sparte et Thucydide expédiés à la cour d’Hérode
Il est intéressant de constater que l’hostilité au Front national et à son président Jean-Marie Le Pen semble être un des éléments incontournables dans la synthèse des convergences entre « occidentalistes » et identitaires. Les critiques des uns comme des autres à l’encontre de la principale formation du mouvement national se rejoignent dans tous les cas de figure. Aussi, il n’est pas étonnant de s’apercevoir que la thématique occidentaliste coïncide parfaitement avec celle qui est diffusée au sein du réseau identitaire et dont le groupe de réflexion Sparte/Thucydide faisait office de laboratoire, jusqu’à ce que cette structure disparaisse il y a quelques mois. La mission de formation serait-elle achevée ?
Afin d’accompagner leur dérive vers les rives du lac de Tibériade, la direction des Identitaire estima nécessaire de mettre en place un groupe pseudo-intellectuel qui oserait mêler, en dépit du bon sens, ce que d’autres avant eux n’avaient jusque-là jamais eu le culot de faire : l’héritage gréco-romain européen avec celui de la Galicie. Ainsi naquit Sparte, « groupe de réflexion » identitaire et authentique école de déformation, devenu par la suite le Groupe Thucydide.
Au cœur de ce « groupe de réflexion » se trouvait un homme : Jean-Baptiste Santamaria. Après un engagement d’une vingtaine d’année à l’extrême gauche ouvrière, conseilliste puis trotskiste, durant laquelle il se fit remarquer comme délégué cégétiste, l’individu s’est rapproché de la droite nationale, via le MNR de Mégret, pour finir chez les Identitaires. Avec d’autres, comme Fabrice Lauffenburger, il organisa la formation intellectuelle de la mouvance identitaire dans un esprit très néo-droitiste et occidentaliste. Non sans quelques couacs : par exemple, lors d’un séminaire de formation à l’été 2003, Santamaria tenta d’imposer une thématique intellectuelle fondamentalement occidentaliste, à la grande stupéfaction de nombre de militants qui entendaient rester sur des principes un peu plus terre à terre. Une approche que Lauffenburger résuma plus tard comme suit : « Je pense que la France est le noyau nucléaire de la décadence mondiale qui, après ses échecs idéologiques, se rétracte sur son berceau originel, en France. Je rejoins donc totalement Alain Finkielkraut quand il dit que l’antiracisme sera au siècle prochain ce que fut le communisme au XXème siècle. C’est un devoir pour nous tous de soutenir activement et sincèrement Finkielkraut ». Aussi, il estimait avoir « le devoir de prendre contact avec des gens normaux (sic !) et de ne plus [se] couper de ce qui se passe chez de nombreux intellectuels comme Finkielkraut […] mais aussi Renaud Camus, Houellebecq, Maurice G. Dantec et d’autres… » (9).
Le Meilleur des mondes est inévitablement une des références incontournables de l’approche intellectuelle du petit monde de Santamaria. Le noyau dur de cette revue, appelé pompeusement Cercle de l’Oratoire, composé d’individus comme André Glucksmann, Frédéric Encel, l’ancien responsable du Tagar de France en 1989, Pascal Bruckner ou encore Pierre-André Taguieff, s’est constitué après le 11 septembre 2001. Multipliant les interventions notamment pour soutenir la politique de Washington et Tel-Aviv, le Cercle a lancé une première pétition en faveur de l’agression de la coalition occidentalo-onusienne contre l’Afghanistan en 2001 intitulée : « Cette guerre est la nôtre » (Le Monde du 8 novembre 2001). Dans Le Figaro du 4 mars 2003, l’opération est réitérée pour, cette fois-ci, soutenir la coalition anglo-américaine dans son agression contre l’Irak de Saddam Hussein, avec un titre qui ne manque par d’air : « Avec Washington et Londres, pour le soutien du peuple irakien ». Souvent perçue comme la « Voix de l’Amérique » (10), ou encore comme un repaire de « néo-conservateurs à la française » (11), cette revue se veut à la fois un rassemblement d’intellectuels et une sorte de think-tank. Sur massorti.com, le site internet du « judaïsme moderne », en date du 15 octobre 2006, la ligne directrice du Meilleur des mondes est précisée en ces termes : « C’est l’antitotalitarisme car nous pensons que la question est toujours d’actualité. Certains pensent que le totalitarisme s’est arrêté avec la chute du mur de Berlin, ils n’imaginent pas que l’islamisme radical représente un vrai danger. Il n’y a jamais eu autant de propagande anti-juive. Nous sommes rentrés dans une période de chaos et la démocratie doit être défendue ». Comme par grand hasard, voilà une approche que l’on croise assez souvent dans les écrits de Santamaria ou Lauffenburger depuis 2002.
Rien d’étonnant, en somme, à ce que les réactionnaires chrétiens sionistes de la vieille extrême droite française trouvent à s’entendre avec les Identitaires. L’inénarrable Alain Potier dit Sanders (12), interrogé sur le site des Identitaires, résume parfaitement ce point de convergence : « Le drame avec les américanophobes de chez nous, c’est qu’ils ne connaissent pas un mot d’anglais et qu’ils considèrent les États-Unis avec une cervelle de vieux birbes style Troisième République. Les États-Unis, je les connais très bien. Avec leurs défauts. Mais aussi leurs immenses qualités. Contrairement à ce que vous semblez croire, l’Amérique de John Wayne, des pionniers, des petites gens de la Bible Belt, une Amérique qui n’a rien à voir avec les crânes d’œuf de la côte Est et de la côte Ouest, est toujours vivante. Attaquer les États-Unis aujourd’hui c’est tout simplement, consciemment ou inconsciemment, se faire les complices de l’islam. Je suis, sur ce plan-là, entièrement, complètement, intégralement en phase avec Maurice G. Dantec. Et avec les néo-conservateurs, et les new born christians américains. L’Amérique reste le dernier bastion de souveraineté - et d’identité - occidentale et je crois à l’importance stratégique du royaume d’Israël “dans la lutte contre l’Antéchrist coranique”. Je ne suis pas “pro” ou “anti” américain car le problème ne se pose déjà plus en ces termes moisis et hors de saison. Et si vous voulez, en deux mots, m’étiqueter, disons que je suis reagano-papiste ».
Il n’est pas non plus étonnant de retrouver cette thématique nauséeuse au cœur d’une certaine presse militaro-droitiste qui a encore un succès certain au cœur de la mouvance nationale, et dont les magazines Raids et surtout le petit dernier d’Yves Debay, Assaut, sont les illustrations les plus caricaturales.
Sans parler de la promotion faite par Novopress à Guy Millière, autre phénomène de foire national-sioniste, qui a eu droit à une pleine page Internet le 5 septembre 2008 afin d’expliquer, de façon pour le moins perspicace, « pourquoi Obama ne sera pas élu » !
Ravages et conséquences de la pandémie
Dans la revue ID Magazine à l’été 2006, Lauffenburger, résumait en ces termes l’approche nationale-sioniste qui est désormais le fil directeur de la pensée identitaire : « nous nous réjouissons de voir enfin les juifs comprendre que l’Europe multiculturelle sera encore plus antisémite que ne le fut l’Europe blanche » (13).
Nicolas Lebourg, auteur d’une étude universitaire sur la mouvance nationaliste révolutionnaire en France, souligne à juste titre que « l’évolution est grande depuis le temps où Fabrice Robert distribuait dans les banlieues des tracts négationnistes rédigés en arabe, ou, avec des militants tout à la fois maghrébins et communistes, contre la Guerre du Golfe. À l’époque, les NR [nationalistes-révolutionnaires] considéraient que “des rapprochements/collaborations avec des cercles arabes ou musulmans anti-impérialistes (a priori les futurs facteurs de déstabilisation du Système) sont probables et souhaitables” » (Le Banquet, n°19, 2004/1). La crise d’identité intellectuelle que connaissent Robert et ses amis a pris une sérieuse ampleur au lendemain du 9/11 : de « ni keffieh, ni kippa », les Identitaire en sont venus progressivement à prendre fait et cause pour la kippa. Non sans causer quelques remous au sein de leur microcosme. En témoigne le texte vengeur d’Anne Kling publié le 5 juillet 2007 sur son blog : « J’ai appris que certains qui se prétendent identitaires avaient craint de me recevoir pour présenter mon livre La France Licratisée. Bon. Ils auraient estimé que le bouquin n’était pas bon et n’attirerait personne, j’aurais admis. Après tout, c’était leur droit. Mais la raison est tout autre, et pour tout dire, elle m’inquiète beaucoup. En gros, c’est : “on a de bons rapports avec la communauté juive, on ne veut pas d’histoires, etc, etc.” Vous avez compris, pas la peine de vous faire un dessin. Ne pas faire 3% aux élections et déjà s’engager dans une démarche de pseudo respectabilité, je trouve ça navrant. Et surtout inquiétant pour l’avenir. C’est quand même trop facile de confondre causes et conséquences. De taper sans arrêt sur les immigrés et de faire volontairement le black out sur ceux qui leur ont ouvert les portes. Parce qu’ils sont forts, puissants et qu’on préfère ne pas leur chercher noise. Parce qu’ils font peur, en un mot comme en cent ». Et de qualifier les Identitaire d’idiots utiles, insulte suprême ! Réponse immédiate de Fabrice Robert, par courriel en date du 5 juillet 2007 à 23h03 et 09’’ : « Ne plus parler d’Anne Kling sur Novo jusqu’à nouvel ordre ! » Dès lors la prose d’Anne Kling s’est éclipsée un temps, la consigne de Robert levée, les cicatrices se sont refermées de part et d’autre et tout semble être rentré dans l’ordre, si l’on peut dire.
Et, après les courbettes aux lobbies, les Identitaire en viennent systématiquement à valider non seulement toutes les thèses néo-conservatrices, mais aussi et surtout la désinformation permanente qui s’y agrège. Ainsi, Fabrice Lauffenburger dans le numéro 8 d’ID Magazine (hiver 2006, pp. 16-17) reprend le mythe, sans vérification aucune de l’information au préalable, des « éléments d’al-Qaida » qui « auraient passé la frontière libanaise » et qui « prépareraient dores et déjà des attaques contre la FINUL » au lendemain de l’agression israélienne de l’été 2006 contre ce pays. Est-il nécessaire d’ajouter qu’aucun attentat d’« al-Qaida » contre la FINUL n’a été jusqu’ici constaté… ?
Ce naufrage intellectuel prend directement ses racines dans le sionisme pur et dur. Ainsi, Vladimir Jabotinsky, fondateur du sionisme « révisionniste » et du Betar dans les années 1920, considérait que l’Occident incarnait « progrès et démocratie » alors que l’Orient signifiait pour lui « arriération et despotisme ». De semblables raisonnement sont clairement identifiables chez les « têtes pensantes », si l’on peut dire, des Identitaire qui estiment avoir « plus d’affinités avec Israël » qu’avec d’autres pays des Proche et Moyen Orient (Novopress, 1er février 2009) ! Étonnant pour les individus qui s’autoproclament à grands cris « Européens » !
Et que dire des déclarations à ce point judéophiles qu’elles en deviennent suspectes, faites à l’occasion en octobre 2009 de la dernière Convention identitaire à Orange (Vaucluse), ville où le maire n’est autre que Jacques Bompard, un passionné de krav’maga et opposant farouche à Jean-Marie Le Pen, notamment à l’occasion de ces dernières régionales ? Entre un Richard Roudier (14) vendeur, via le site du CEPE, de cartes postales de Brasillach ou du maréchal Pétain, qui tenait des propos alambiquées condamnant l’anti-sionisme ; un Fabrice Robert qui se déclarait « pas nationaliste », cherchant à faire oublier maladroitement un passé judiciaire négationniste voire antisémite (15) ; et un invité de marque tel Yves-Marie Laulan, ultra-libéral atlantiste, mondialiste de droite et ancien engagé volontaire dans Tsahal lors de la Guerre des six jours, on est en droit de s’interroger sur la bonne santé mentale et psychique de cette mouvance ô combien sarko-compatible, qui part à la dérive depuis bientôt une décennie.
Aussi, ils sont nombreux à afficher un philo-sionisme se confond très vite avec une obséquieuse et servile judéophilie, comme par exemple un Lauffenburger qui fut, en 1988, membre du groupe de RAC (rock anti-communiste) Ultime Assaut, groupe musical aux chansons sans ambiguïté concernant l’anti-sionisme et certains épisodes de la deuxième guerre mondiale.
Alsace d’abord ou Yiddish zuerst ?
L’exemple alsacien est particulièrement caractéristique de ce type de mutation idéologique. L’éloignement de Robert Spieler de la direction du groupuscule euro-régionaliste Alsace d’abord, dans un contexte de déconvenues politiques en 2007 puis 2008, a permis d’accélérer cette dérive. En attestent les entrevues de Jacques Cordonnier et Fabrice Lauffenburger, publiées dans l’éphémère mensuel Transeurope en mars 2006. Témoignages essentiels puisque ce sont justement Cordonnier et Lauffenburger qui ont été désignés pour coordonner la Fédération identitaire en Alsace, structure en lien étroit avec le Bloc identitaire. Il ne faut, néanmoins, pas sous-estimer l’influence de l’idéologie occidentaliste chez Spieler : en témoigne son intervention à Metz en Lorraine, le 5 mars dernier afin de soutenir la liste anti-FN « Non aux Minarets » où il vanta sa proximité avec Gilles-William Goldnadel, avocat d’extrême droite sioniste, conseil d’Anne Kling et président de l’association France-Israël.
En 2007, dans un contexte de profanations de sépultures juives dans des cimetières alsaciens, en guise de programme politique solide, Jacques Cordonnier proposait une « rupture totale avec l’antisémitisme » (sic). N’ayant jamais appartenu à aucun parti de « l’extrême droite française » (alors que son prédécesseur fut successivement membre d’Ordre nouveau, puis du Parti des forces nouvelles, puis du Front national, puis d’Espace nouveau), Cordonnier voulait très clairement qu’Alsace d’abord assume une évolution comparable à celle du post-néofasciste Gianfranco Fini, devenu en quelques années l’homme politique italien le plus apprécié des Israéliens.
Et Jacques Cordonnier d’insister en direction du communautarisme juif, qui n’était, et n’est toujours, pourtant pas demandeur : « La population juive fait intégralement partie du substrat alsacien. Ils sont là depuis mille ans… Nous n’avons aucun ressentiment à leur égard […] Nous appartenons à la même civilisation ». Et de prôner un rapprochement avec ses « compatriotes juifs » qui « ont le même adversaire que nous » : l’islam ! Avant d’annoncer la stratégie à suivre pour Alsace d’abord : « J’espère que nous pourrons faire chacun un pas vers l’autre et nous rencontrer… c’est urgent », lançait-il en direction des responsables communautaires juifs d’Alsace et d’ajouter sur un ton presque gémissant : « Je connais des militants d’Alsace d’abord qui meurent d’envie d’aller à une sortie de synagogue rencontrer des juifs alsaciens pour les supplier de nous croire… » Un discours très politiquement correct qui sonne comme une supplique pleurnicharde largement réitérée quelques lignes plus loin par Lauffenburger, responsable de Jeune Alsace, qui voulait déjà, là encore, « opérer une rupture totale » par « l’accomplissement d’une révolution intellectuelle majeure » : « Je ne suis pas antisémite parce que je ne crois pas à la théorie du grand complot, martelait-il. Les juifs sont seulement un peuple politique, un peuple cérébral, voilà tout. En revanche, je crois à la puissance du courant idéologique de la gauche qui est, elle, un réseau qui existe et agit vraiment. Je ne suis pas antisémite parce que je n’ai pas de vision monolithique de la communauté juive ».
On comprend mieux, maintenant, pourquoi le signe de ralliement des Jeunes Alsaciens n’est autre que le poing tendu de la fête des Purim, fête de la vengeance chez les Hébreux anciens, fête plus nationale que religieuse « qui a toujours suscité la fierté raciale des Hébreux et leur haine envers les oppresseurs passés et présents » (La Terre Sainte, mars-avril 2001). Et le chef de file des Jeunes Alsaciens d’enfoncer le clou : « Moi, quand j’ai vu qu’Israël était le meilleur et dernier allié de l’Afrique du Sud blanche, je me suis dit que vraiment, l’idée du complot juif contre les Européens était une vaste connerie. On ne s’en sortira pas si on continue à nourrir de tels délires… Il faut tout remettre à plat, comme le font nos camarades flamands qui impriment des affiches en yiddish… Moi, je suis prêt à le faire, ici en Alsace… »
Limiter l’action du Vlaams Belang à leurs affiches en yiddish pourrait sembler quelque peu réducteur mais, à Alsace d’abord, on semble particulièrement y tenir, comme le fait que les politiciens flamands du VB clament leur solidarité avec les diamantaires juifs d’Anvers, allant même jusqu’à exposer « humblement » leurs positions devant le Congrès juif mondial.
La LDJ ? « Un mouvement identitaire juif »… rien de plus !
Bien que la collaboration entre le Vlaams Belang et la communauté juive soit désormais un fait avéré, nombre de militants ont été surpris d’apprendre que Marc Joris, membre du comité d’étude du parti, conseiller communal de Gand et principal « spécialiste de l’islam » au sein du VB, collaborait sous pseudonyme à l’hebdomadaire juif anversois Belgisch Israëlitish Weekblad. En France, nous n’en sommes pas encore là. Mais plagier la méthode flamande, semble être devenu une obsession chez les Identitaires. Une obsession qui a amené certains d’entre eux, comme à Nice, à vouloir se rapprocher des ultras du sionisme et même de la Ligue de défense juive lors des municipales de 2008. Un rapprochement que la direction de la LDJ avait alors tôt fait de considérer comme abusif ; mais sans doute motivé par un communiqué de l’organisation juive en date du 25 novembre 2007 : « Félicitations à Novopress ! Pour avoir repris l’article du Parisien du 21 novembre sur les tensions antisémites au cœur du 10ème arrondissement de Paris ». Des félicitations qui semblent avoir échappées aux fins limiers de L’Express, puisque cet hebdomadaire classait encore dernièrement Novopress parmi « les nouveaux réseaux antisémites », ce que le site de la LDJ n’a pas manqué de s’empresser de rectifier le 26 février 2009 : « Signalons une " erreur" : Novopress n’a rien à voir avec les sites antisémites cités. Un amalgame qui révèle une ignorance du sujet traité ». Un simple petit service entre amis…
Ces rapports de bon voisinage entretenus par la direction des Identitaires avec les milices activistes juives se sont répétés à de multiples reprises ces dernières années. À tel point qu’ils se sont parfois transformés en une collaboration de fait contre l’ennemi commun : le Front national. Ainsi, par exemple, lors de la campagne municipales à Nice en février-mars 2008, le permanent chargé de mission pour mener à bien cette entreprise électorale, fut menacé de mort de façon particulièrement virulente de la part d’individus se réclamant des Identitaires. Une hostilité farouche dont le site de la LDJ se fit très vite l’écho, relayant une désinformation délirante ; alors que le Front national se voyait obligé de dépêcher une protection spéciale sur place pour parer à toute éventualité.
On retrouve ainsi cette attitude pour le moins complaisante à l’égard des nervis sionistes lors du barbouillage plus ou moins anonyme de la devanture de l’ambassade du Venezuela en France (« UEJF », « Israël vaincra »), rue Copernic dans le XVIème arrondissement de Paris, avec en outre quelques vitres brisées, suite à la décision du président Chavez de renvoyer dans son pays l’ambassadeur israélien pour protester contre l’opération militaire de Tsahal dans la Bande de Gaza. Sitôt le délit effectué, Novopress répercuta l’info avec diligence, photos inédites à l’appui. Dans la foulée, l’association niçoise Nissa Rebella de Philippe Vardon (dont la LDJ tresse des lauriers sur son site entre deux insultes contre Jean-Marie Le Pen), prévoyait une contre-manifestation face à la démonstration de rue pro-palestinienne prévue à Nice, au mot d’ordre : « Maîtres chez nous ! » Une action qui résonnait alors comme un soutien à peine voilé à la politique d’Israël, puisque ces mêmes Iidentitaires n’avaient pas cru bon de dénoncer la « manifestation de soutien à Israël » du dimanche 11 janvier à Marseille.
Et les exemples de ce type foisonnent depuis quelques temps déjà.
Le déjà ex-secrétaire général du tout nouveau groupuscule de Carl Lang, le Parti de la France, Michel Hubault, ex-conseiller régional FN, proche du « judéo-chrétien » Bernard Antony, grand habitué des rassemblements d’aigris, résuma sur internet la motivation profonde qui motive chaque adepte du national-sionisme, expression d’une rare servilité : « L’islamisme constituant aujourd’hui une menace aussi grave pour notre identité et nos libertés que le communisme dans les années 1980, tous ses adversaires sont des alliés objectifs, comme ils l’étaient face à l’URSS ». Un réflexe, plus qu’un raisonnement, motivé par un rejet irrationnel de la religion musulmane, une haine pavlovienne permettant de justifier toutes les reculades, toutes les petites lâchetés quotidiennes, tous les reniements politiques, philosophiques et civilisationnels.
Cette aberration intellectuelle, fruit d’égarements politiques et philosophiques condamnables, était déjà clairement discernable au tout début des années 2000 dans la propagande mégretiste. Il s’agissait à l’origine pour le tout nouveau MNR de mettre en avant une surenchère destinée à concurrencer le FN, devenu parti rival, sur la question migratoire, quitte à remplacer la lutte contre l’immigration par celle contre l’islamisation, dans sa quête perdue d’avance d’un espace politique en peau de chagrin entre le lepénisme et la droite chiraco-sarkozyste.
L’expansion politique potentielle du national-sionisme est, en effet, particulièrement réduite, puisqu’au final, il apparaît bien incapable de se distinguer fondamentalement, donc de se trouver un espace politique viable, de l’aile la plus droitière du sarkozysme depuis l’avènement du président de l’UMP à l’Elysée.
Si, dans la crise économique mondiale se conjuguant aux tensions internationales orchestrées par les idéologues du « Choc des civilisations », cette tendance politique en France peut encore avoir quelques beaux jours devant elle, il n’en demeure pas moins qu’elle est appelée à dépérir tôt ou tard. Mais, telle un virus, elle aura contaminé une bonne partie de la mouvance nationale, affaiblissant une partie de ses défenses immunitaires, rendant partiellement inopérantes les forces nationales dans leur ensemble, dans la lutte à mort qu’elles doivent livrer quotidiennement aux véritables ennemis civilisationnels du continent européen. En ce sens, cette redoutable pandémie aura atteint une partie de ses objectifs.
Notes :
1 - Voir à ce sujet : Thomas Demada, « Le sionisme, seul nationalisme antagoniste », voxnr.com, 20 nov. 2002. 2 – Paul Giniewski, figure connue du Likoud, en est l’un des principaux rédacteurs. 3 –Faits et documents n°108, 1er-15 avril 2001. 4 – Faits et documents n°120, 1er-15 novembre 2001. 5 - Le Figaro, 16 octobre 2002. 6 – La Coordi-Nation fut une tentative d’Unité radicale de créer un « front élargi » autour de lui pour avoir une influence sur les éléments modérés du mouvement national. 7 – Repris sur le blog de Synthèse nationale, le 28 mars 2008. 8 - Commentaire de Francis Percy-Blake, pseudonyme d’un des responsables d’Occidentalis, le 6 janvier 2009 sur le site de la LDJ. 9 - Transeurope, n°1, mars 2006, p. 32. 10 – Le Monde des livres, 24 mars 2006. 11 – Marianne, 10 juin 2006 et Le Monde diplomatique, juin 2006. 12 - Rédacteur en chef de Présent. 13 - Karl Hauffen, « Blacks contre Feujs, chronique d’une discorde », ID Magazine n°6, été 2006, pp. 17-19. 14 - Selon Jean-Yves Camus, relatant une confidence qu’Eliahou Nataf de la LDJ lui aurait faite à Paris en novembre 2007, Richard Roudier aurait pris contact avec celle-ci dès 2005 par l’intermédiaire de Daniel Bensoussan, fils d’un dirigeant du CRIF. 15 - Fabrice Robert a été condamné en 1992 pour négationnisme et ce jugement fut confirmé en janvier 1993 à Aix-en-Provence. Il avait distribué des tracts révisionnistes à la sortie de lycées niçois et écopa ainsi de un mois de prison avec sursis et de 10.000 francs d’amende.