Le Figaro Magazine – Dans L’Arnaque du siècle * que vous publiez, vous livrez une vision catastrophiste de l’avenir. N’y allez-vous pas un peu fort ?
Nicolas Dupont-Aignan -Mais il faut avoir le courage d’être lucide, contre ceux qui nous bercent des promesses non tenues de l’euro. On nous avait promis la croissance, le plein emploi, une Europe sociale généreuse… Résultat : en dix ans, à force de délocalisations massives, la France a perdu 500 000 emplois industriels, nous avons un chômage de masse et nous assistons au détricotage de nos services publics. Pourtant, nous avons de nombreux atouts en main, mais la France d’aujourd’hui est dans une situation similaire à celle de l’entre-deux-guerres, sous Laval, étouffée par une monnaie trop chère.
Selon vous, les politiques actuelles nous mènent droit dans le mur ?
La crise de l’euro est inéluctable parce que les plans de sauvetage qui ont été mis en œuvre ne traitent pas la cause des problèmes, à savoir une monnaie trop chère qui pénalise la production en France et dans les pays du Sud. Les dirigeants européens se sont contentés de sauver les banques en transférant le risque sur le dos des contribuables. Est-ce que les Français savent que les engagements qui ont été pris sur la Grèce et qui seront pris pour d’autres pays en difficulté vont leur coûter une fortune ? On a fait la réforme des retraites pour économiser 20 milliards d’euros et en une nuit le Parlement a donné 17 milliards d’euros à la Grèce, que les Français ne reverront jamais.
Mais sortir de l’euro, n’est-ce pas faire courir un risque encore plus grand à nos économies déjà fragilisées ?
On cherche à faire peur aux Français en leur faisant croire qu’on ne peut pas sortir de l’euro. Mais aujourd’hui, on est train de tuer les différents pays d’Europe et l’idée d’Europe, pour sauver quelque chose qui ne marche pas et qui ne peut pas marcher. On ne peut pas avoir la même monnaie pour des économies différentes. L’euro, c’est une nouvelle religion qui ne profite qu’à une petite oligarchie. Pire, c’est une pure escroquerie. Dans mon livre, je détaille les mécanismes de cette arnaque. J’explique comment la dette nourrit les banques, comment l’euro est l’instrument d’un enrichissement d’une très petite minorité et d’un appauvrissement général de l’économie réelle. L’euro est la clé pour comprendre la perte de compétitivité de notre économie et la clé pour en sortir et redonner une bouffée d’air à notre économie. Les économistes et les politiques qui continuent de défendre l’euro me font penser à ces médecins qui défendaient le Mediator. Ce médicament que tout le monde savait dangereux mais que l’on a conservé pendant des années. L’euro, c’est la même chose.
C’est-à-dire ?
Vous connaissez l’affaire du Mediator ? Vous allez adorer le scandale France Trésor. Cette agence dépend de Bercy. Elle a pour mission de gérer la dette et la trésorerie de l’Etat au mieux des intérêts du contribuable et dans les meilleures conditions. Auprès de France Trésor, il y a un comité stratégique. On pourrait imaginer que dans ce comité stratégique, il y ait des parlementaires, des capitaines d’industrie, des syndicalistes, pourquoi pas un banquier ? Curieusement, ce comité est le summum du conflit d’intérêt puisque ceux qui y figurent ne sont que des représentants de la banque internationale. Il est surréaliste que ceux qui conseillent la France pour le placement de leurs obligations d’Etat soient ceux qui y souscrivent. Le conflit d’intérêt est ahurissant. C’est ce petit monde qui profite en permanence de la dette. C’est eux que les plans de sauvetage au niveau européen vont sauver. J’ajoute que ce sont les mêmes qui se voient confier des missions d’études pour le placement des obligations des emprunts français. On est entré dans un cercle vicieux de surendettement de l’Etat : euro cher, croissance lente, déficits publics et sous-investissement dans l’avenir. Je rappelle qu’avant la loi de 1973, la Banque de France finançait le Trésor public pour les grands investissements et on ne payait pas d’intérêts. L’Etat, et donc le peuple, a abandonné son pouvoir monétaire à des banques privées.
Mais l’idée d’une sortie concertée de l’euro ne semble pas prendre corps chez nos partenaires européens ?
N’oubliez pas que beaucoup d’entre eux n’ont pas l’euro et s’en portent d’autant mieux. Quant aux autres, cette idée va faire sens très vite parce que les peuples grec, portugais, espagnol et même français ne vont pas supporter plus longtemps le traitement de choc auquel ils sont soumis. Si les dirigeants européens n’ont pas la lucidité de choisir une autre politique pour relancer la croissance et donc pour satisfaire les besoins sociaux de leur peuple, ce seront les révolutions qui s’en chargeront. C’est une question de temps.
* L’Arnaque du siècle. L’euro, les banquiers et la mondialisation, Editions du Rocher, 160p., 13€. En librairie le 31mars.