À l’occasion du putsch militaire au Niger, les intérêts français sortent de l’ombre. Macron considère que le Niger est son jardin, avec une position stratégique dans le Sahel et un sous-sol plein d’uranium, que l’entreprise française Orano exploite depuis les années 70, pour le bon fonctionnement de nos centrales nucléaires, enfin, celles que le pouvoir socialiste a maintenues en vie.
Mais pas que, puisque nos deux principales sources de ce combustible sont l’Australie et le Kazakhstan, relativement stables du point de vue politique. Si le Niger entre pour 20 % dans nos importations d’uranium, il n’est donc pas archi-vital. Mais Macron et le Quai, qui en 6 ans ont quasiment tout perdu (ou tout délégué à l’UE et aux USA) sur la scène internationale, font de la menace du nouveau pouvoir nigérien – soutenu opportunément par les services russes – sur nos intérêts un véritable casus belli.
En gros, « vous touchez à nos ressortissants ou à nos entreprises, on attaque ». Mais la France, qui cache sa possible intervention avec l’Union africaine derrière la pseudo-légitimité du pouvoir démocratique de l’ex-président Bazoum, a-t-elle les moyens de ses ambitions postcoloniales ?
Derrière les mouvements de menton de Macron, le réel est revenu par la bouche de Catherine Colonna, l’européiste à la tête de nos Affaires étrangères : la seule priorité de la France, c’est la sécurité de ses ressortissants. Elle répondait aux dirigeants burkinabé et malien qui accusent la France de vouloir intervenir militairement, soutiennent le nouveau gouvernement nigérien et menacent de se retirer de la CEDEAO (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest) !
On l’a dit, sur la scène internationale, Macron a tout perdu : crédibilité, indépendance et, en conséquence, pouvoir de décision. Arrimé au cul du trio maléfique Biden-Scholz-Leyen, il ne pèse plus rien. Un par un, les derniers satellites ou soutiens français en l’Afrique s’éloignent de notre politique qui est à la fois antiraciste dans l’esprit, et néocolonialiste sur le terrain, soit le pire des deux camps. Le réalisme gaulliste, avec un monsieur Afrique, qui a perduré pendant des décennies, était beaucoup plus efficace. L’influence se pratique, elle ne se dit pas, et se crie encore moins, comme le fait notre président.
D’une certaine façon, la perte de l’Afrique sahélienne n’est pas une mauvaise chose, car une mauvaise politique nous coûte cher. Ce mardi 1er août 2023, sur le modèle algérien mais avec moins de fracas, la France prépare le départ de ses ressortissants, sous les acclamations de la foute qui manifeste devant l’ambassade de France à Niamey. Au moment où Macron menace le général putschiste de tous les feux tricolores, il fait partir ses ressortissants : simple effet de menton ou préparation d’une intervention, sachant que les troupes de Wagner se sont bien installées dans le Sahel ?
Comme par hasard, Prigojine, que tout LCI-LCU croyait en camp de concentration ou en HP, a, depuis Saint-Pétersbourg, salué le coup d’État. Si l’histoire a de l’ironie, Poutine est derrière l’histoire.
En réactivant le discours anticolonial au Sahel et en Centrafrique, la Russie a réussi, par un joli coup de billard, à accélérer la dissipation de l’influence française. C’est un coup subtil, efficace, qui ne coûte rien. Et comme par hasard, au moment du coup d’État (qui est plus une affaire intérieure qu’une manipulation russe), 20 chefs d’État africains (sauf le Kenya, malgré les efforts de Lavrov) étaient réunis à Saint-Pétersbourg, une horlogerie bien huilée. Qu’on soit patriote ou pas, on ne peut qu’applaudir ce billard à trois bandes.
La grande question qui se pose, après l’annexion officieuse du Soudan, de la Centrafrique, du Mali, du Burkina et du Niger par les Russes, c’est la réaction des Américains, dont l’influence reflue aussi dans toutes les parties du monde, et là, on ne reviendra pas sur le retrait du Proche-Orient, où les Russes sont venus remettre de l’ordre en 2015. Les Français, avec l’Africom – le commandement des États-Unis pour l’Afrique –, avaient déjà en partie été remplacés ou évincés au Sahel.
Mais l’influence russe ne s’arrête pas au Sahel : depuis Poutine, la Russie a réactivé ses partenariats avec l’Égypte, l’Algérie et l’Angola, soit l’axe africain de l’ancienne politique extérieure soviétique. On peut y ajouter la Libye, mais le pays est en plein déchirement.
N’oublions pas que les deux grands partenaires économiques des pays africains restent les États-Unis et la Chine, la Russie ne pesant que 18 milliards en exportations. Et dans ce domaine, les Chinois (95 milliards de dollars en 2023) sont en train de distancer les Américains (65 milliards) à grande vitesse. Il y a donc un grand jeu sino-américain au-dessus du jeu franco-russe.