Ça bouge sur plusieurs cases de l’échiquier du Grand jeu et, comme souvent, la Russie est au cœur des événements.
Les sanctions de dernière minute décidées par le Congrès américain contre le Nord Stream 2 sont la dernière pierre d’une politique qui vient de très loin. En juin 2017, nous rapportions :
Si quelqu’un doutait encore que les Américains tentèrent, tentent et tenteront de torpiller l’intégration de l’Eurasie et d’isoler énergétiquement la Russie, une membre du comité des Affaires étrangères du Congrès a rappelé fin mai les fondamentaux de la politique étrangère de son pays :
Les États-Unis devraient agir contre le projet russe de gazoduc afin de soutenir la sécurité énergétique de l’Union européenne [défense de rire ; qui eut cru que la novlangue pouvait être amusante ?] L’administration Obama et l’UE ont travaillé contre le Nord Stream 2 (...) L’administration Obama a fait de la sécurité énergétique européenne une question de haute priorité de la politique étrangère américaine. L’administration Trump serait bien avisée de continuer sur cette voie.
Las. Ces sanctions visant les compagnies qui aident à la pose du tube viennent beaucoup trop tard et, comme l’admet crûment Bloomberg, les États-Unis concèdent la défaite sur le Nord Stream 2.
Dans sa conférence marathon annuelle, Poutine a eu des mots intéressants sur l’Ukraine, ménageant intelligemment la chèvre et le chou. Il a ouvert la porte à une poursuite du transit gazier (réduit) par le territoire de son voisin, désamorçant les dernières réticences européennes alors que le tube baltique entre dans la dernière ligne droite. En évoquant un prix raisonnable, il offre aussi un biscuit à Zelensky alors que les relations bilatérales se réchauffent tout doucement.
Dans le même temps, il a toutefois balayé d’un revers de main tout changement des accords de Minsk et insisté sur un statut spécial du Donbass. Pour Moscou, un conflit gelé et/ou un Donbass autonome au sein d’une Ukraine fédérale tuera dans l’œuf la marche de Kiev vers l’euro-atlantisme. Comme nous l’avons expliqué à de nombreuses reprises, c’est l’objectif premier du Kremlin depuis 2014 et c’est devenu la hantise des think tanks impériaux.
En Syrie, l’interminable feuilleton de la reprise d’Idlib entame une nouvelle saison. Après des bombardements non-stop de l’aviation syro-russe (140 en trois jours) sur les défenses barbues, l’armée syrienne a bougé et commencé l’offensive. À la pointe du combat, les fameuses Tiger Forces bien connues de nos lecteurs et désormais renommées 25e division des forces spéciales. Les premiers gains territoriaux n’ont pas tardé...
Assiste-t-on à une campagne générale contre Idlib ? Pas si vite... Il semble que, dans un premier temps, l’objectif soit l’autoroute M5 et la ville de Ma’arat al Numan. Nous avions expliqué son importance il y a quelques mois, après la reconquête de Khan Cheikhoun :
Hama est maintenant définitivement sécurisée tandis que le moral des rebelles modérément modérés en a pris un (très) sérieux coup. Il se murmure d’ailleurs que Jaysh al-Izza, groupe qui avait bénéficié pendant longtemps des largesses de la CIA en missiles anti-tanks TOW, est en voie de dissolution après avoir perdu un nombre considérable de combattants et la plupart de son matériel de guerre.
Surtout, la reconquête de Khan Cheikhoun pourrait ouvrir la voie à une offensive plus générale et la réduction d’un autre saillant, plus vaste, centré sur Ma’arat al Numan :
Que cette protubérance soit liquidée et c’est Idlib elle-même, capitale djihadiste entre toutes, qui serait directement sous les feux de l’actualité et, plus prosaïquement, des tirs loyalistes.
Relation de cause à effet ? Des rumeurs font état d’un possible et énième false flag chimique en préparation tandis que le public new yorkais de Times Square est soumis à une propagande aussi ahurissante qu’imbécile (voir cette vidéo). En cas de provocation chimique des modérément modérés, la réaction de la MSN occidentale sera intéressante alors que la manipulation de Douma sort au grand jour...