Spécialiste français des religions, Odon Vallet démonte les idées reçues sur l’islam et estime que les relations entre autorités publiques et représentants de ce culte se « banalisent ».

France-Soir - Est-ce un symbole fort de voir un Premier ministre à l’inauguration d’une mosquée ?

Odon Vallet - Des ministres se sont déjà déplacés pour l’inauguration de bâtiments cultuels : des églises, des temples protestants… Pourquoi un ministre n’irait-il pas dans une mosquée ? C’est une tradition républicaine, et cela ne donne aucune indication sur ses croyances. On sent un grand désir de permettre l’émergence d’un culte musulman français. On le voit avec la formation d’imams à l’Institut catholique de Paris, avec le projet d’un institut des cultures d’Islam. Les relations entre les autorités publiques et l’islam sont en train de s’améliorer et de se banaliser.

F.-S. La France est le pays d’Europe où la communauté musulmane est la plus importante. Pourquoi ?

O. V. Dans l’empire français de 1939, il y avait 100 millions d’habitants, et parmi eux, 30 millions de musulmans. Mais la plupart vivaient en Afrique alors qu’aujourd’hui ils sont en France. Ils ont émigré en tant qu’ouvriers et ont bénéficié ensuite du regroupement familial. Ceux qui étaient hier à Bamako, Tunis ou Casablanca sont aujourd’hui à Lyon, Paris ou Marseille.

F.-S. Faut-il doubler le nombre de mosquées en France, comme le réclamait hier dans nos colonnes le recteur de la Grande Mosquée de Paris ?

O. V. Il ne faut pas exagérer le problème, il y a quand même beaucoup de nouvelles mosquées et de lieux de prière depuis dix ans, même si, localement, il subsiste des manques. Quant au fait de prier dans la rue, il peut être parfois une forme de protestation afin de rendre l’islam plus visible.

F.-S. L’islam est-elle une religion plus violente que les autres ?

O. V. La population musulmane est surreprésentée à la prison de Fleury-Mérogis. Cela ne veut pas dire que l’islam soit criminogène ! Cela signifie que cette population vit dans une configuration économique et sociale où la violence a statistiquement plus de probabilités de se développer. La violence est historiquement présente dans de nombreuses religions, il suffit de relire les ouvrages sur les croisades de l’Eglise catholique par exemple. Aujourd’hui, la violence dans l’islam est portée par une minorité et liée à l’exploitation religieuse de la pauvreté et de l’ignorance. Mais l’islam n’est pas en soi une religion plus violente que les autres.