Dans le sillage des bourses européennes et sur fond de crise de la dette, Wall Street a clôturé une journée noire, ses indices phares chutant jusqu’à 5%. Tous les indices sont en deçà de leurs niveaux du 1er janvier.
Le rebond observé la veille à New York n’aura donc guère duré. À la différence de leurs cousines nord-américaines, et avant de rebondir à leur tour ce jeudi matin, les bourses européennes ont de nouveau touché des plus bas annuels, minées par les dettes souveraines américaines et européennes, déprimées chaque jour davantage par les statistiques d’activité révélatrices d’une croissance toujours plus molle.
En attendant de revenir, dimanche, sur une analyse globale de cette restructuration de l’économie mondiale et ses conséquences, nous vous proposons un article très instructif de nos amis de Horizons & Débats.
Et si l’Islande montrait la voie ?
Il n’y a pas une seule manière pour les gouvernements et les peuples d’Europe de réagir à la crise financière. Un pays de l’UE, l’Irlande, a, sans consulter le peuple, repris les dettes dues aux spéculations hasardeuses de ses grandes banques et a plongé dans la crise des dettes souveraines. Elle a ensuite été enfermée par l’UE dans une cage politique, économique et financière appelée « plan de sauvetage ». L’Islande, quant à elle, qui n’est pas membre de l’UE, a choisi une autre voie.
A la suite de la crise économique et financière de 2008, les trois banques islandaises Kaupthing, Glitnir et Landsbanki avaient été emportées dans le tourbillon de la débâcle financière américaine. Pendant des années, louées vivement par les analystes et les politiques responsables de l’économie, elles avaient participé à d’incroyables spéculations financières qui avaient atteint un volume énorme.
Et cela, comme c’était l’habitude jusque-là, avec très peu de fonds propres. En quelques jours, ces trois banques étaient devenues insolvables. Leurs faillites figuraient parmi les 10 plus importantes du monde. En tout, elles avaient accumulé 100 milliards de dettes, une somme représentant trois fois le PIB de l’Islande qui compte quelque 311 000 habitants. Le gouvernement n’eut pas d’autre solution que de nationaliser les trois banques afin de maintenir au moins les transactions financières.
De nombreuses PME firent également faillite et le chômage quadrupla pour atteindre 8%. Les Islandais pensaient qu’un changement de gouvernement et une adhésion prochaine à l’UE allaient les sortir de leur situation catastrophique. Par bonheur, la Norvège et la Suède, pays voisins, leur accordèrent des crédits à long terme. Et il fallut demander l’aide du FMI.
Tout d’abord, le nouveau gouvernement social-démocrate fut dans l’incapacité de se porter garant des dettes des trois banques surdimensionnées et les spéculateurs européens, avant tout de Grande-Bretagne et des Pays-Bas, exercèrent des pressions sur lui.
Pendant des années, ils avaient, avant tout grâce à l’Icesave, banque en ligne filiale de la Landsbanki, empoché de juteux intérêts et ne voulaient pas admettre qu’ils devaient supporter les conséquences de leurs spéculations. Ils avaient une telle influence en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas que ces deux pays leur remboursèrent leurs mises et réclamèrent cet argent à l’Islande. Ils voulaient empêcher l’adhésion de l’Islande à l’UE si elle ne remboursait pas les 3,8 milliards des spéculateurs.
La Grande-Bretagne est même allée jusqu’à se servir de la loi antiterroriste pour menacer de bloquer les transactions financières internationales de l’Islande et de saisir les avoirs islandais. Le gouvernement et le Parlement islandais ont cédé, prêts à rembourser l’argent.
Cela signifie que chaque Islandais se serait endetté de 18 000 euros plus les intérêts courus. Ces 3,8 milliards d’euros correspondaient à environ 40% du PIB et dépassaient le budget total du pays. 90 000 Islandais adressèrent une pétition au gouvernement et réclamèrent, avec succès, un référendum sur la question. En mars 2010, 93% des citoyens refusèrent de cautionner les dettes occasionnées par les spéculations étrangères.
La Grande-Bretagne et les Pays-Bas lâchèrent alors un peu de lest, baissèrent le taux d’intérêt à 3,2% et prolongèrent les échéances jusqu’en 2046. Malgré le résultat du référendum, le gouvernement et le Parlement islandais cédèrent une nouvelle fois et acceptèrent cette offre, toujours dans l’intention d’adhérer à l’UE.
Le peuple islandais était en ébullition, des personnalités en vue s’opposaient à cette solution malgré les menaces du gouvernement social-démocrate qui agitait la menace du chaos économique et social. L’écrivain Einar Már Gudmundsson, notamment, protesta contre la décision du gouvernement prétendument inévitable : « Nous ne pouvons pas nous permettre de jeter dans la gueule du capital international nos ressources telles que les pêcheries et l’énergie thermale.
Le 5 janvier 2010, de manière tout à fait inattendue, le Président Olafur Ragnar Grimmsson surprit le gouvernement en refusant de ratifier la nouvelle loi sur le remboursement des clients étrangers de la banque Icesave adoptée par le gouvernement et le Parlement.
Il exigea la tenue d’un nouveau référendum qui eut lieu en avril 2011. La perspective de devoir, sous le diktat de l’UE, vendre les pêcheries et les ressources énergétiques trouva, malgré les promesses et les menaces, peu d’écho dans la population et 60% des Islandais réitérèrent leur « non ».
La Grande-Bretagne et les Pays-Bas continuèrent de soutenir les spéculateurs et menacèrent alors de porter plainte contre l’Islande devant la Cour de justice de l’AELE. L’affaire est en cours. Jusqu’ici, aucun document n’a pu être produit qui prouverait que l’Etat a offert des garanties aux spéculateurs.
La situation économique de l’Islande s’améliore peu à peu, le chômage baisse, les pêcheries et le tourisme sont en plein boom. La chute du taux de croissance qui avait atteint, en 2010, son point le plus bas, -7%, a pu être freinée.
Le taux d’inflation, qui était monté à 19% en 2001, est redescendu à 1,9% en février dernier. La production industrielle également a augmenté de 19% en 2009 l’année dernière. Les économistes parlent déjà du « miracle de l’après-crise ». Une des raisons en est que l’Islande a sa propre monnaie.