S’intéresser de près au "patriotisme inclusif" d’Emmanuel Macron, c’est s’intéresser d’abord à la novlangue qu’anticipait avec une inquiétante justesse George Orwell. Mais c’est aussi s’intéresser de près à un homme, Yascha Mounk.
Tout d’abord, qu’est-ce donc qu’un patriotisme qui inclut ? Ce serait un patriotisme ouvert sur le monde, qui inclurait les hommes et femmes de toutes races, qui digérerait toutes les cultures, les religions, les mœurs, les us et les coutumes ? N’est-ce pas l’exact inverse d’un patriotisme qui rassemble un peuple et une culture autour d’une certaine cohérence géographique et avec une logique plutôt exclusive, justement ? Ne sommes-nous donc pas entrés dans le monde dystopique d’Orwell où la guerre c’est la paix, la liberté c’est l’esclavage, l’ignorance c’est la force, et... le nationalisme c’est l’internationalisme ?
Mais tout s’éclaire lorsqu’on s’intéresse au créateur du concept de "nationalisme inclusif". On notera déjà que le président Macron s’est bien gardé de prononcer le mot interdit "nationalisme" (sauf s’il s’agissait de le vilipender) mais lui a préféré le plus édulcoré "patriotisme". Le concept, donc, de "nationalisme inclusif" est un concept inventé par un certain Yascha Mounk dont nous avons déjà parlé dans nos colonnes. Mais qui est cet étrange Mounk ?
Yascha Mounk est né en 1982 à Munich, fils d’une émigrée polonaise ayant émigré avec ses parents en 1969 après avoir été autorisés à partir suite à la purge des Juifs de l’appareil communiste. En raison de ses origines, il se sentait toujours comme un étranger dans son pays de naissance, et bien que l’allemand soit sa langue maternelle, il ne s’est jamais senti accepté comme un « véritable Allemand » par ses pairs.
Source : Wikipedia
Visiblement malheureux en Allemagne, il émigre aux Etats-Unis puis y prend la nationalité en mars 2017.
Evidemment anti-nationaliste – ce qui semble cohérent avec son nomadisme malheureux mentionné ci-dessus – il se met à changer d’avis sur la périlleuse question :
Yascha Mounk défend un renouveau du libéralisme politique à même de contrer ce qu’il perçoit comme le danger du "populisme". Dans une interview au Süddeutsche Zeitung, il a déclaré en février 2018 que sa position avait changé face au nationalisme. Il voyait cela comme une relique du passé, qu’il fallait surmonter par un « nationalisme inclusif », car sinon, ce terrain pouvait être occupé par un nationalisme agressif.
Source : Wikipedia
L’on comprend alors en filigrane (et même en clair) que puisque nationalisme et populisme ont le vent en poupe, il est temps de les récupérer au profit de ceux qui les ont stigmatisés et même combattus pendant des décennies. Les miracles de la récupération et du recyclage à l’oeuvre !
Mais, à E&R, nous avons comme un doute sur ce nouveau nationalisme bien suspect. Nous devons être par trop complotistes. Sûrement.
Pendant sa conférence de presse du 25 avril, Emmanuel Macron a musclé son discours sur plusieurs thématiques, notamment l’immigration ou la laïcité. Peu avant les élections, le président chasserait-il sur les terres du Rassemblement national ?
Si le discours d’Emmanuel Macron lors de la conférence de presse du 24 avril n’a pas marqué par ses annonces, il a été malgré tout saupoudré de quelques éléments de langage pouvant surprendre, d’autant qu’ils concernaient des sujets totalement étrangers au grand débat national. À moins d’un mois des élections européennes, ces petites allusions dont le chef de l’État a semble-t-il tenu à agrémenter son adresse aux Français révèlent-ils une stratégie électorale ?
Le Président a par exemple promis d’être « intraitable » face à « l’islam politique qui veut faire sécession avec notre République », en plaidant notamment pour « renforcer les contrôles des financements qui viennent de l’étranger ». Des termes qui peuvent laisser penser que le Président se méfie du score potentiel du Rassemblement national et prend soin de ne pas se laisser déborder sur ces thèmes qui lui sont chers.
« Aujourd’hui, nous ne devons pas nous masquer : quand on parle de laïcité, on ne parle pas vraiment de laïcité mais du communautarisme qui s’est installé dans certains quartiers de la République (...), on parle des gens qui au nom d’une religion poursuivent un projet politique, celui d’un islam politique qui veut faire sécession avec notre République », a déclaré le chef de l’État précisant : « La loi de 1905 est notre pilier, pertinente, fruit de bataille, doit être renforcée et appliquée. » Emmanuel Macron a ciblé l’islam politique, mais aussi indirectement certaines mosquées, en esquissant son futur projet : « Le renforcement du contrôle sur les financements venant de l’étranger. »
Signe de l’ancrage de ce discours dans une frange précise du spectre politique : la tête de liste de La France insoumise pour les élections européennes, Manon Aubry, s’en est aussitôt indignée. Pour elle, Emmanuel Macron « oppose la laïcité et l’islam, comme le Rassemblement national ».
Emmanuel Macron affirme en outre vouloir un débat annuel au Parlement sur la politique migratoire, en défendant « les frontières » et un « patriotisme inclusif ». Il dénonce le « détournement très profond du regroupement familial et du droit d’asile ». « Nous devons profondément refonder notre politique migratoire », argumente-t-il. Il ajoute vouloir une réforme de l’espace Schengen où la « responsabilité [irait] avec la solidarité » : « Je crois à l’Europe souveraine, qui repense sa coopération de développement à l’égard de l’Afrique pour éviter l’immigration subie. Mais c’est aussi une Europe qui tient ses frontières, qui les protège, qui a un droit d’asile réformé commun. »
À moins qu’Emmanuel Macron ne se soit inspiré des discours de l’un de ses prédécesseurs, Nicolas Sarkozy ? Une idée pas si fantasque, puisque les deux hommes s’estiment et se sont déjà rencontrés à plusieurs reprises, l’actuel locataire de l’Élysée ayant d’ailleurs chargé Nicolas Sarkozy de le représenter, le 16 décembre dernier, à l’investiture de la nouvelle présidente géorgienne Salomé Zourabichvili.
Quelle que soit leur inspiration, ces éléments de langage d’Emmanuel Macron ne sont pas vains ni dus au hasard dans le contexte électoral actuel. À l’heure où la France apparaît particulièrement divisée, le Président a souhaité jouer la ferveur nationale, en rappelant son soutien au service national universel – autre thème déconnecté du grand débat : « Nous ne sommes pas une société d’individus mais une nation de citoyens. Le service national universel est la matrice indispensable, vers ce qui fait très précisément cette nation citoyenne. »
Une intervention validée par le mage de l’euro-mondialisme Jacques Attali, au grand dam de Jean-Pierre Elkabbach :