Dans une récente interview à l’Express, Philippe Val, directeur de la publication de Charlie Hebdo revient sur les sujets essentiels traités dans son dernier ouvrage Reviens Voltaire, ils sont devenus fous : l’affaire des caricatures de Mahomet, la polémique après le dessin de Siné mais aussi sur la question antisémite au sein de la gauche politique.
Il y affirme ainsi qu’il est impossible d’être antisioniste sans être antisémite : « Israël est une démocratie et le sionisme est l’expression partagée par la droite et la gauche, du patriotisme israélien. ‘Sioniste’, c’est le mot pour dire patriote. Il n’y a qu’aux juifs qu’on refuse le droit au patriotisme. On peut légitimement se dire opposé à la politique du gouvernement israélien, mais se dire antisioniste, c’est se dire antijuif. »
Puis il dénonce la nébuleuse rouge-brun : « Elle est disparate. Je ne pense pas qu’aujourd’hui elle puisse faire bloc autour d’un leader, mais elle empoisonne notre démocratie. C’est un toxique qu’on refuse d’attaquer, car on craint qu’elle ait, comme un iceberg, une importance cachée. Les politiques sont timides, prison- niers de l’idéologie de l’AOC, l’appellation d’origine contrôlée : comme s’il y avait aussi, derrière le « rouge-brun », une tradition à préserver ! Cela donne aujourd’hui, en France, une paranoïa antiaméricaine de type chaveziste, ou cette ahurissante mode de Cuba. Cuba est une horrible dictature, mais elle est AOC ; le juif, lui, est nomade, pas AOC. »
Enfin, il affirme : « C’est au coeur de la gauche que se joue l’affrontement décisif, parce qu’il y a une gauche antieuropéenne, antidémocrate et surtout antiaméricaine qui prône les mauvais choix. (...) Etre de gauche, c’est approuver la mutation, accepter de se fondre dans un idéal collectif plus grand que la nation, de perdre une dose de souveraineté, d’accroître le partage démocratique. Je me demande donc ce que Jean-Pierre Chevènement ou Jean-Luc Mélenchon font à gauche, alors qu’ils défendent ces thèses de droite. Tout à fait honorables, mais de droite. »
Ces prises de positions lui ont valu une réponse cinglante de Georges Sarre qui n’hésite pas à écrire dans un billet que nous reproduisons ci-dessous : « Val n’est plus à gauche, il est à l’ouest… »
« Philippe Val chansonnier m’a fait rire ; pas toujours subtile, pas toujours léger, pas toujours si impertinent qu’il en avait l’air, il avait toutefois l’humour caustique, le verbe libre, et parfois même des paroles émouvantes.
Philippe Val rédacteur en chef m’a fait réfléchir : j’ai notamment interrogé le principe de laïcité, que je garde chevillé au cerveau, pour me demander si la publication des caricatures de Mahomet par Charlie Hebdo était pertinente ou non. A l’époque, j’ai soutenu que Val n’avait pas nécessairement eu raison mais qu’on n’avait pas le droit de lui reprocher d’avoir eu tort ; car si la laïcité est une éthique de responsabilité (et qu’à ce titre cette publication n’était peut-être pas des plus pertinentes), elle pose quoi qu’il en soit, comme consubstantiel à la séparation de l’espace public et de la sphère privée, le droit au blasphème.
Mais Philippe Val, « militant à l’ouest », m’inquiète. Son dernier entretien, dans l’Express, avec Christophe Barbier, résume bien le court-circuit intellectuel qui a frappé ce gauchiste sympathique pour en faire un avocat du néo-conservatisme. Tout est dit lorsque Val vilipende cette gauche « antieuropéenne, antidémocrate et surtout antiaméricaine qui prône les mauvais choix ». Cette gauche là, on le lit plus loin, c’est « Chevènement et Mélenchon ». Cette gauche là est « de droite ». Pourquoi ? Parce qu’elle est « républicaine avant d’être démocrate ».
Val est à ce point « à l’ouest », qu’il analyse les mots et les clivages à l’aune du paysage politique des Etats-Unis d’Amérique : les républicains à droite, les démocrates à gauche ! Il est à ce point « à l’ouest » qu’il ne voit aucun problème au « partage démocratique » entre « Occidentaux » : aucune spécificité - aucun acquis social, aucun service public, aucune vertu environnementale, aucune éducation à l’émancipation individuelle - rien, en France, ne mérite donc, selon Philippe Val, d’être défendu, et ceux qui défendent une vision française de la République sociale sont des disciples de « Maurras », pas de Jaurès : Val perd la tête.
Il perd la tête parce qu’il mélange la Nation citoyenne, ouverte, internationaliste, et la Nation ethnique et romantique. Il perd la tête car il oublie que la gauche se définit à l’aune de l’émancipation individuelle, de la justice sociale, de la fraternité républicaine, et non de « l’approbation de la mutation » pour la mutation, du « bougisme » en somme.
Il perd la tête parce qu’il est tout à son nouveau schéma : l’Occident contre les islamistes, qu’il amalgame volontiers avec les Musulmans, et avec les Arabes (on n’est pas à un raccourci près dans le cerveau en court-circuit du citoyen Val). Le choc des civilisations… Dans ce schéma, pas de place pour le débat sur le contrat social, la République, la démocratie. On est pour l’Occident, donc pour Washington, donc pour Bruxelles, ou bien on est contre. A peine concède-t-il qu’on puisse être contre parce que pro-islamiste, ou contre parce que conservateur d’un autre temps, de droite donc.
Val n’est plus à gauche, il est à l’ouest… C’est ainsi, mais c’est dangereux. Dangereux pour la gauche, qui n’est pas près, si elle suit Val, de se distinguer du sarkozysme autrement que sur la forme. Dangereux pour le monde, car le choc des civilisations pourrait finir par être une prophétie auto-réalisatrice. »
Source : http://www.voxnr.com
Il y affirme ainsi qu’il est impossible d’être antisioniste sans être antisémite : « Israël est une démocratie et le sionisme est l’expression partagée par la droite et la gauche, du patriotisme israélien. ‘Sioniste’, c’est le mot pour dire patriote. Il n’y a qu’aux juifs qu’on refuse le droit au patriotisme. On peut légitimement se dire opposé à la politique du gouvernement israélien, mais se dire antisioniste, c’est se dire antijuif. »
Puis il dénonce la nébuleuse rouge-brun : « Elle est disparate. Je ne pense pas qu’aujourd’hui elle puisse faire bloc autour d’un leader, mais elle empoisonne notre démocratie. C’est un toxique qu’on refuse d’attaquer, car on craint qu’elle ait, comme un iceberg, une importance cachée. Les politiques sont timides, prison- niers de l’idéologie de l’AOC, l’appellation d’origine contrôlée : comme s’il y avait aussi, derrière le « rouge-brun », une tradition à préserver ! Cela donne aujourd’hui, en France, une paranoïa antiaméricaine de type chaveziste, ou cette ahurissante mode de Cuba. Cuba est une horrible dictature, mais elle est AOC ; le juif, lui, est nomade, pas AOC. »
Enfin, il affirme : « C’est au coeur de la gauche que se joue l’affrontement décisif, parce qu’il y a une gauche antieuropéenne, antidémocrate et surtout antiaméricaine qui prône les mauvais choix. (...) Etre de gauche, c’est approuver la mutation, accepter de se fondre dans un idéal collectif plus grand que la nation, de perdre une dose de souveraineté, d’accroître le partage démocratique. Je me demande donc ce que Jean-Pierre Chevènement ou Jean-Luc Mélenchon font à gauche, alors qu’ils défendent ces thèses de droite. Tout à fait honorables, mais de droite. »
Ces prises de positions lui ont valu une réponse cinglante de Georges Sarre qui n’hésite pas à écrire dans un billet que nous reproduisons ci-dessous : « Val n’est plus à gauche, il est à l’ouest… »
« Philippe Val chansonnier m’a fait rire ; pas toujours subtile, pas toujours léger, pas toujours si impertinent qu’il en avait l’air, il avait toutefois l’humour caustique, le verbe libre, et parfois même des paroles émouvantes.
Philippe Val rédacteur en chef m’a fait réfléchir : j’ai notamment interrogé le principe de laïcité, que je garde chevillé au cerveau, pour me demander si la publication des caricatures de Mahomet par Charlie Hebdo était pertinente ou non. A l’époque, j’ai soutenu que Val n’avait pas nécessairement eu raison mais qu’on n’avait pas le droit de lui reprocher d’avoir eu tort ; car si la laïcité est une éthique de responsabilité (et qu’à ce titre cette publication n’était peut-être pas des plus pertinentes), elle pose quoi qu’il en soit, comme consubstantiel à la séparation de l’espace public et de la sphère privée, le droit au blasphème.
Mais Philippe Val, « militant à l’ouest », m’inquiète. Son dernier entretien, dans l’Express, avec Christophe Barbier, résume bien le court-circuit intellectuel qui a frappé ce gauchiste sympathique pour en faire un avocat du néo-conservatisme. Tout est dit lorsque Val vilipende cette gauche « antieuropéenne, antidémocrate et surtout antiaméricaine qui prône les mauvais choix ». Cette gauche là, on le lit plus loin, c’est « Chevènement et Mélenchon ». Cette gauche là est « de droite ». Pourquoi ? Parce qu’elle est « républicaine avant d’être démocrate ».
Val est à ce point « à l’ouest », qu’il analyse les mots et les clivages à l’aune du paysage politique des Etats-Unis d’Amérique : les républicains à droite, les démocrates à gauche ! Il est à ce point « à l’ouest » qu’il ne voit aucun problème au « partage démocratique » entre « Occidentaux » : aucune spécificité - aucun acquis social, aucun service public, aucune vertu environnementale, aucune éducation à l’émancipation individuelle - rien, en France, ne mérite donc, selon Philippe Val, d’être défendu, et ceux qui défendent une vision française de la République sociale sont des disciples de « Maurras », pas de Jaurès : Val perd la tête.
Il perd la tête parce qu’il mélange la Nation citoyenne, ouverte, internationaliste, et la Nation ethnique et romantique. Il perd la tête car il oublie que la gauche se définit à l’aune de l’émancipation individuelle, de la justice sociale, de la fraternité républicaine, et non de « l’approbation de la mutation » pour la mutation, du « bougisme » en somme.
Il perd la tête parce qu’il est tout à son nouveau schéma : l’Occident contre les islamistes, qu’il amalgame volontiers avec les Musulmans, et avec les Arabes (on n’est pas à un raccourci près dans le cerveau en court-circuit du citoyen Val). Le choc des civilisations… Dans ce schéma, pas de place pour le débat sur le contrat social, la République, la démocratie. On est pour l’Occident, donc pour Washington, donc pour Bruxelles, ou bien on est contre. A peine concède-t-il qu’on puisse être contre parce que pro-islamiste, ou contre parce que conservateur d’un autre temps, de droite donc.
Val n’est plus à gauche, il est à l’ouest… C’est ainsi, mais c’est dangereux. Dangereux pour la gauche, qui n’est pas près, si elle suit Val, de se distinguer du sarkozysme autrement que sur la forme. Dangereux pour le monde, car le choc des civilisations pourrait finir par être une prophétie auto-réalisatrice. »
Source : http://www.voxnr.com