Le prince Laurent sous haute surveillance. Mais Philippe, tout seul comme un grand, sans besoin de permission, parmi les puissants de ce monde : l’héritier du trône revisite ainsi à huis clos la planète parmi la crème des élites politique, financière et médiatique du groupe Bilderberg ou de la Trilatérale. Et visiblement, personne ne s’en soucie.
Moche : faire ainsi faux bond à sa sœur Astrid, en faisant l’impasse sur la fête qu’elle organisait début juin pour ses 50 ans. Philippe de Belgique était tout excusé. Une autre famille l’attendait, loin des siens : celle des puissants de ce monde, qui se donnaient rendez-vous outre-Atlantique du 31 mai au 3 juin [2012, ndlr]. Boulot-boulot : un séjour studieux, en compagnie de dirigeants politiques, d’industriels, de financiers et de patrons de presse qui prenaient leurs quartiers à Chantilly, en Virginie. Une invitation à la réunion annuelle du groupe Bilderberg, est un grand honneur qui ne se refuse pas. Dans la galaxie des cénacles privés et informels qui comptent à l’échelle de la planète, Bilderberg, c’est « the place to be ». L’héritier du trône de Belgique a donc répondu présent. Sans formalités. Sans assistance. Sans contrôle.
Or, le prince Philippe est devenu accro à la chose : sa présence à une conférence annuelle de Bilderberg a déjà été signalée à plusieurs reprises. Le prince aime et en redemande. Il est bien le seul dans le cas, au sein de la famille royale belge. « Philippe apprécie beaucoup ce genre de réunions au sommet. Contrairement à la réputation qu’on lui fait, il s’intéresse énormément aux grands problèmes sociétaux », assure un proche du Palais. Du coup, l’image d’un prince qui subit stoïquement sa charge s’en retrouve toute brouillée. L’héritier du trône de Belgique a donc retrouvé l’agréable sensation de côtoyer du très beau linge dans les salons du Westfield Mariott Hotel de Chantilly : 145 participants, réunis sous la présidence d’Henri de Castries, patron d’Axa Group. Européens aux deux tiers, hommes d’affaires aux deux tiers, dirigeants politiques pour le dernier tiers. Les cartes de visite glissées à l’entrée des lieux valent leur pesant d’or et d’argent.
Côté business, c’était encore Byzance. Belle brochette de CEO et de Chairman des plus grandes multinationales : Unilever, Fiat, Airbus, Siemens, Saint-Gobain, Dow Chemical, Norsk Hydro, Telecom Italia, Vodafone Turquie, Enel, Nokia, Shell, BP, Michelin, Citigroup, Novartis, Alcoa, Lazard, Google, on en passe et des meilleurs. Egalement en force, des gros bras de la finance mondiale : Goldman Sachs, Barclays, Deutsche Bank, TD Bank Group, Caixabank, BANIF, HSBC, etc.
Du beau monde aussi du côté des leaders d’opinion : les grands patrons du Monde, du Washington Post, d’El Pais, les éditorialistes des grands journaux anglo-saxons.
Dans la catégorie politique, une assistance tout aussi relevée. Pêle-mêle : le Premier ministre hollandais Mark Rutte ; les ministres finlandais, polonais et irlandais des Finances ; le ministre turc des Affaires financières ; le sénateur américain John Kerry, candidat démocrate malheureux à la présidence en 2004 ; un vice-ministre des Affaires étrangères chinois. Sous leur casquette de commissaires européens : Nelly Kroes, Joaquin Almunia, Karel De Gucht. Pas très loin d’eux : Pascal Lamy, directeur général de l’OMC. Repérés dans l’assemblée : le chef de file de l’opposition russe, Gary Kasparov ; deux représentants de l’Agence nationale de sécurité US ; Richard Perle, conseiller politique américain sous l’ère Reagan et Bush.
Last but not least : l’inusable Henry Kissinger, 89 ans, l’homme-clé de la diplomatie américaine durant les années 1960 et 1970, reconverti dans la consultance spécialisée dans les relations entre multinationales et gouvernements. Un abonné de très longue date au Bilderberg dont il est une cheville ouvrière.
Et au beau milieu de cette mer d’huiles, Philippe de Belgique. Le seul, cette année, à porter les couleurs nationales au Bilderberg. Si l’on excepte Karel De Gucht, présent sous l’étiquette de commissaire européen. Philippe de Belgique, qui était également la seule tête presque couronnée à être de la partie à ce sommet de Chantilly, mis à part la reine Beatrix de Hollande.
La souveraine des Pays-Bas est une autre fidèle de ces rencontres. Logique : c’est à son père, le prince Bernhard des Pays-Bas, que le groupe doit d’avoir vu le jour à l’hôtel Bilderberg d’Oosterbeek, en mai 1954. Qu’y fait Philippe, en toute liberté ? Qu’y dit-il ? Que lui dit-on ? Qu’en retient-il ? Avec quel impact possible sur son futur règne ? Pourquoi ses activités à Bilderberg restent-elles aussi secrètes et semblent-elles ne soucier ni le Palais ni le gouvernement ?