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Pompier pyromane

Alain Finkielkraut : "La société multiculturelle porte en elle une extrême violence"

Alain Finkielkraut insiste sur la préservation d’un héritage culturel qui devrait être transmis aussi bien aux autochtones qu’aux nouveaux arrivants.

Fils unique de deux orphelins juifs polonais arrivés en France dans les années 1930, Alain Finkielkraut, dont le père survécut à Auschwitz, est né à Paris le 30 juin 1949. Reçu à l’École normale supérieure en 1969, puis à l’agrégation de lettres modernes en 1972, versé depuis toujours dans l’histoire des idées et la philosophie politique, et tôt bercé par les influences d’Emmanuel Levinas, Hannah Arendt ou Charles Péguy, le philosophe n’a jamais cessé, au fil de ses livres, de développer une critique de la modernité et du progressisme, vénérant l’héritage et la transmission au détriment du relativisme, de la bien-pensance, de la repentance et de la mauvaise conscience qui dominent l’air du temps.

Farci d’humour mais d’un naturel extrêmement tourmenté, il manque rarement une occasion de monter au créneau et de soulever la polémique, avec le talent « aristocratique » – comme dirait son vieil ami Pascal Bruckner – d’aller seul contre tous. Lui-même animateur de l’émission Répliques sur France Culture, il est invité désormais sur tous les plateaux qui comptent, où il dispense une parole continûment en mouvement, lucide, brillante et limpide, à défaut d’être tempérée.

S’il a le don de susciter d’innombrables animosités, il peut exciper en revanche de solides amitiés, celles d’Élisabeth de Fontenay ou de Milan Kundera entre autres. Fort d’un soutien inconditionnel à Israël, il est le cofondateur, avec Benny Lévy et Bernard-Henri Lévy, de l’Institut d’études lévinassiennes à Jérusalem. Son maître ouvrage, jusqu’ici, demeure probablement La Défaite de la pensée, paru en 1987, où devait débuter un combat sans merci contre la barbarie du monde moderne.

Propos recueillis par Éric de Bellefroid.

 

Pourquoi le débat suscité en France autour de votre dernier livre, L’identité malheureuse, est-il si vif ?

Parce que la France a peur de son ombre. Elle ne s’est jamais vraiment remise de l’épisode de la collaboration, et s’attache à prévenir le retour de ses vieux démons, ayant beaucoup de mal à penser ce que notre situation a d’inédit. L’intelligentsia progressiste ne croit plus au progrès mais à l’éternel retour, convaincue que le ventre est toujours grand ouvert, d’où a surgi la bête immonde. Elle pense sincèrement que les musulmans aujourd’hui tiennent le rôle des juifs dans les années 1930. Elle pense aussi que l’inquiétude identitaire relève de la peur de l’étranger et que, dans un contexte de crise économique, on cherche un bouc émissaire. Ce seraient donc les immigrés qui font les frais de cette régression. Je ne sous-estime pas cette menace, mais je pense que nous vivons une situation inédite, non une réédition. Il n’y avait pas, dans les années trente, de territoires perdus de la République ; pas de quartiers sensibles où les pompiers étaient accueillis à coups de pierres, les pharmaciens obligés de fermer boutique, les médecins contraints de déménager pour leur sécurité, et les professeurs victimes d’agressions, lorsque l’injure « sale Français » rejoint le « sale juif » d’autrefois.

Le vivre-ensemble, dites-vous, est en crise. À quoi est-ce imputable ?

La crise actuelle de l’intégration n’est pas imputable au nationalisme français. On me reproche essentiellement de dire cela. On dit que je contribue à la lepénisation des esprits parce que je me refuse à ramener la réalité que nous vivons au schéma classique du fascisme et de l’antifascisme. La France est le théâtre de deux crises conjointes : une crise de l’intégration et celle de la transmission. Ce pays semble se démettre de son héritage au moment où toute une partie de la population refuse de le faire sien. Je crois d’ailleurs que ce problème, s’il est très aigu en France, ne lui est pas propre. L’Europe est devenue un continent d’immigration malgré elle, et elle hésite entre le modèle assimilateur et le modèle multiculturel. Si l’on en croit les instructions de la Commission européenne, elle a choisi le second modèle ; or, celui-ci ne fonctionne pas mieux que le premier. La tension est à son comble dans tous les pays européens.

Vous doutez profondément de l’entrée dans une ère post-nationale.

C’est dans les nations, dans le cadre national qu’a pu, en Europe, s’épanouir la démocratie. Une démocratie post-nationale est-elle donc possible ? J’en doute en effet. Même avec son Parlement, l’Union européenne ne peut être une démocratie, mais bien en revanche une bureaucratie. Dans une société multiculturelle, chacun risque de se déterminer en fonction de son identité régionale ou religieuse. C’en sera fait, dès lors, de la communauté des citoyens. Je pense donc que nous avons tout à perdre à sortir de la nation.

Quelle identité l’Europe doit-elle par conséquent affirmer ?

Il faudrait que l’Europe ait le courage d’affirmer une identité. Pour s’extraire une fois pour toutes des ornières de sa belliqueuse histoire, elle voudrait se constituer autour de valeurs universelles. Ainsi oublie-t-elle qu’elle est une civilisation particulière, qui doit transmettre l’essentiel aux générations futures. J’invite l’Europe à revenir sur terre et à accepter son identité. Elle a beaucoup de mal à le faire, notamment lorsque se pose la question de l’entrée de la Turquie dans l’Union. L’Europe, face à la Turquie, ne veut pas assumer sa différence. Peu importe la spécificité de l’histoire, la cohérence de l’héritage commun aux nations qui la constituent, seul compte à ses yeux le respect des droits de l’homme. Mais raisonner ainsi, c’est dire que n’importe quel pays démocratique a vocation à devenir européen, quelle que soit son histoire ou sa situation géographique. Pourquoi pas le Japon ?

Il faut donc se méfier du multiculturalisme ?

D’abord, il faudrait rendre justice à l’assimilation. Assimiler, ce n’est pas éliminer la différence, ni soumettre tous les individus à un modèle unique. Je ne me suis personnellement pas assimilé à la culture française, il m’a été donné par l’école de m’y assimiler et de m’enrichir de cet héritage. Aujourd’hui, on voudrait remplacer cette assimilation non plus seulement par l’intégration, mais par l’inclusion – un nouveau concept qui circule dans les ministères. Autrement dit, il n’y a plus de dissymétrie entre la culture d’origine et la culture des nouveaux arrivants ; tout est mis à égalité. Je pense que ce n’est plus vivable.

Une nation n’est pas un aéroport ou une salle des pas perdus, et il est normal que ceux qui y vivent depuis longtemps puissent continuer de se sentir chez eux. Il est légitime aussi que le mode de vie majoritaire s’impose aux nouveaux arrivants, il en va de la survie même de la civilisation française. La coexistence des cultures n’est harmonieuse que dans les magasins : toutes les cuisines, toutes les musiques peuvent cohabiter. Dans la vie, c’est autre chose. Les modes d’existence entrent en collision. Cette société multiculturelle risque d’être beaucoup plus violente que la nation qu’elle vise à remplacer.

Comment tenir ce discours sans être traité de réactionnaire ou de fasciste ?

Il me semble que c’est une folie de vouloir criminaliser l’appartenance à un peuple ou à une nation. Cette folie fait le jeu, en France, du Front national. L’inquiétude identitaire doit être prise en compte par les partis républicains, la gauche notamment parce qu’elle touche le peuple. Si celle-ci veut continuer à être hospitalière, elle doit concevoir l’hospitalité comme le fait de donner ce qu’on a et non selon la doctrine en vogue, celle de l’effacement ou de l’oblation de soi afin de permettre à l’Autre d’être pleinement ce qu’il est.

 

En complément

Extrait d’un entretien paru dans le magazine Nouvelles d’Arménie n°202 (décembre 2013) :

 

Approfondir le sujet avec Kontre Kulture :

 






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43 Commentaires

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  • #621976
    Le 9 décembre 2013 à 10:00 par liz
    Pompier pyromane

    j’ai encore ma mère qui a vécu la 2éme guerre :: :: et si il y a encore autant de juifs en vie, c’est bien parce que les français en ont sauvé beaucoup..... d’ailleurs ces mêmes français ont souffert de cette putain de guerre : la faim, la peur etc, ma mère se souvient de français exécutés sur les places comme otages ou représailles à la résistance : 1 allemand tué= 10 français exécutés. bref j’abrège.... d’ailleurs les donneurs de leçons de la communauté dominante et extrémement nombreuse... d’aujourd’hui sont les mêmes (enfin leurs parents) qui ont fomenté et financé cette fameuse guerre... la vérité est sur la place publique.....

     

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  • #622054
    Le 9 décembre 2013 à 11:13 par hanane
    Pompier pyromane

    Pompier-pyromane.

    Un art qui s’exerce depuis fort longtemps mais où la plupart des gens sont bluffés.

    Deux idées mises en parallèle sont opposées mais si on élève notre point de vue, ont découvre qu’elles sont complémentaires.

    A part A.S., personne ne fait le boulot pour le démontrer.

     

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  • #622072
    Le 9 décembre 2013 à 11:27 par NARKOZY
    Pompier pyromane

    VOILA : c’est dit, c’est clair et net ! Y en a marre de ce que l’on nous sert depuis 50 ans et du merdier dans lequel le Gaulois moyen se débat !

     

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  • #622073
    Le 9 décembre 2013 à 11:28 par abdel
    Pompier pyromane

    Désolés me finkie, vous ne nous aurait pas ! On peux lire en filigrane dans vos parole un appel à la stratégies de la tansion pour opposez musulman et françait de souche !

     

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  • #622232
    Le 9 décembre 2013 à 13:49 par montmirail
    Pompier pyromane

    Mais en fait, il n’invente rien, ce n’est pas nouveau son analyse, c’est du front national tout craché. Seulement il ne veut pas le dire, et comme il parle bien, il disserte, mais finalement le résultat est le même. Echec de l’immigration forcée, un ras le bol des français de souche. Magma de population qui doit se taire. Un livre de plus, mais quand j’entends que l’on va donner des visas aux turcs, que les rooms vont avoir portes ouvertes en 2014, qu’il faut plus d’étudiants chinois, etc... Je me dis qu’il parle dans le vent.

     

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  • #622297
    Le 9 décembre 2013 à 14:57 par Anders
    Pompier pyromane

    "L’Europe est devenue un continent d’immigration malgré elle"

    Aahahahahhaahah.
    Et j’ajoute : LOL.

    J’aime quand il évoque l’assimilation par le seul mariage entre musulmans et non-musulmans : ce gars définit l’individu par sa seule appartenance religieuse ("quel est ton dieu ?", pur réflexe tribal), les athé(e)s devant être une sous-race à ses yeux et sa propre communauté intouchable.

    Un beau sophiste, si vous voulez mon avis...

     

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    • #622803
      Le Décembre 2013 à 22:15 par GOYZILLA
      Pompier pyromane

      J’aime quand il évoque l’assimilation par le seul mariage entre musulmans et non-musulmans



      il a qu’a demnder a ses enfants d’épouser des roms afin de les integrer.

       
  • #622558
    Le 9 décembre 2013 à 19:19 par tetsuo
    Pompier pyromane

    On se casse beaucoups la tete, mais, et si le problème de la France etait tout simplement Alain Finkielkraut ? Et à tout problème il y a une solution.

     

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    • #622996
      Le Décembre 2013 à 01:52 par thomas
      Pompier pyromane

      Finkiellraut a par certains aspects une position proche de Zemmour à deux différences prêt....A l’inverse de Zemmour il est très communautariste il ne supporte pas qu’on critique la communauté juive (style crif, licra...) et deteste presque toute critique sur Israël(alors que pour Zemmour lui il pense qu’on en fait trop des deux côtés....Sionistes et antisionistes....Zemmour est plus cohérent)....Car lui comme Zemmour fait beaucoup de dérapage....Mais à l’inverse de Zemmour qui est pour une grande liberté d’expression (il à reçu le prix en 2011 de la part de jean Robin....Le deuxième étant Dieudo....Et la troisième l’islamophobe Tasin).....Lui Finki ne réclame la liberté d’expression que pour lui et son courant de pensé...Sinon il est pour la censure (type Ramadan, Siné, Dieudo, Soral...).....Je lui reconnais cependant une certaine lucidité sur les illusions du pédagogisme type IUFM....

       
  • #622786
    Le 9 décembre 2013 à 21:57 par kevorkian
    Pompier pyromane

    ...convaincue que le ventre est toujours grand ouvert, d’où a surgi la bête immonde.

    C’est plus possible, je me suis arrêté là. Et vous ?

     

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    • #623959
      Le Décembre 2013 à 23:30 par Mojo Risin
      Pompier pyromane

      Il a tenté la variation que lui a permis son talent : "ouvert" à la place de "fécond". Mais effectivement passée cette phrase, je me suis détendu, j’ai repris une pistache, j’ai compté les wagons du train qui passait, je me suis posé de graves questions : demain, est-ce que je vais à la déchetterie ou pas ? Et le petit Jésus, faudrait pas que je tarde à remettre la main dessus si je veux pouvoir le mettre dans la crèche au matin du 25.

      Bref l’effet Fincky, l’effet nuit et brouillard.

       
  • #622931
    Le 10 décembre 2013 à 00:13 par Doudou
    Pompier pyromane

    Si on enlève la fin, où il retombe pusillanimement dans les bras des "partis républicains", c’est un discours parfaitement patriote, contre le multiculturalisme anglo-saxon, à la Zemmour : du genre qu’un francais de souche n’aurait jamais le droit de tenir. Il dit qu’il faut décriminaliser le patriotisme et la fierté d’être Français, et tourner la page paralysante de la collaboration : ça me va. Ca fait peut-être mal de l’accepter, mais il faut que ce soit des Juifs qui ouvrent la voie pour qu’on ne puisse plus traiter de facho ou nazi les Francais de souche qui tiennent ce discours... Au final c’est la parole de tous les patriotes qu’on ne peut plus censurer, et une fois cette voie ouverte, on pourra toujours citer les patriotes Juifs pour répondre aux insultes "facho, antisémite" etc...
    J’espère que vous ne censurerez pas mon post pour "philosémitisme" ! Car c’est pas du tout de ça qu’il s’agit, la cause de la France doit passer avant tout.
    Salut à tous !

     

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  • #623168
    Le 10 décembre 2013 à 09:57 par Gwadloupet1
    Pompier pyromane

    D’abord, ceux qui donnent des leçons aux français en ayant un :"soutien inconditionnel à l’Etat d’Israel" me font rires. D’autant plus qu’ils sont :"invité sur tous les plateaux de télévision" sans que ceci soit mentionné. Ensuite je serais curieux de savoir quelle France, ce monsieur représente : la France de l’élite ou la France véritable ?

     

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