#tpmp
Jordan Bardella vs Louis Boyard
Une émission, 2 ambiances. pic.twitter.com/97NqlhxoHA— Caisses de grève (@caissesdegreve) November 11, 2022
Ce montage en miroir rappelle ceux de CopyComic, mais la comparaison s’arrête là. Pour les gauchistes, Hanouna, qui obéit à Bolloré, a choisi son camp : le fascisme ! Pourtant, on en est loin. L’animateur est plus proche d’un populiste, qui choisit toujours le haut de la vague, c’est-à-dire l’opinion dominante. En matière d’insécurité, il tient toujours le discours de « pas d’amalgame », mais il enfonce bien les partisans de l’immigration massive en diffusant ses sondages directs qui donnent 80 % de ses téléspectateurs contre l’invasion de leur pays.
Hanouna, c’est ce mélange subtil – ou pas subtil, pour ses détracteurs – entre le macronisme libéral, le positionnement de Bolloré, et la pression populaire. Sachant que Macron et Bolloré s’opposent en apparence sur de nombreux champs (l’Afrique, la pensée unique, le RN, le catholicisme), ils se retrouvent quand même sur le libéralisme et le culte de la puissance financière.
Hier, Hanouna ne voulait pas que Louis Boyard parle de Vincent Bolloré.
C’est donc le moment d’en parler…pic.twitter.com/O1YtW4HPNB— Marcel (@realmarcel1) November 11, 2022
Et puis les deux hommes (Bolloré et Macron) sont « soupçonnés » de faire partie de l’ensemble rothschildien, Bolloré y étant lié par sa famille, Macron par son parcours pré-politique en entreprise.
Il n’est donc pas nécessaire de chercher des ressemblances entre le Président et les rejetons Rothschild, puisque Macron a été formé par le duo Minc-Attali et par son passage dans la banque de fusions-acquisitions rotschildienne.
En tant que populiste, Hanouna joue sur les deux tableaux : la gauche et la droite, puisque le populisme n’a théoriquement pas de couleur politique selon les champs classiques. Il est le populisme : préférence nationale, méfiance envers les élites, goût de la tradition, défense des valeurs, choix de l’ordre et de la sécurité, admiration des tribuns ou des hommes providentiels.
Le supplément trimestriel Manière de voir a consacré un numéro à la montée du populisme au printemps 2019. Il y est évidemment critiqué, puisque les gauchistes du Monde diplo y voient la résurgence d’une droite nationale et surtout la captation par une cette droite populaire du principe actif et de l’avantage-produit de la gauche : son combat contre l’oligarchie. Avant, quand la gauche critiquait les puissants, c’était socialiste. Aujourd’hui, quand la droite critique les puissants, c’est antisémite. C’est un peu le résumé du changement politique actuel.
Cette nouvelle force politique fait très mal au gauchisme, qui se retrouve quasiment sur le banc des remplaçants à faire de la figuration politique. La gauche, malgré le succès en demi-teinte de la NUPES et de LFI à l’Assemblée, ne pèse plus qu’un tiers de l’électorat, alors qu’elle a détenu les clés du camion pendant quatre décennies. Nous dirons qu’elle s’est auto-laminée.
Dans le même numéro, et dans l’article suivant, Serge Halimi revient sur la convention du Parti populiste en 1890, 130 ans avant l’avènement de Donald Trump.
En 1890, la convention du Parti populiste américain (le People’s Party) fut l’occasion d’entendre Mary Elizabeth Lease, militante du Kansas, expliquer : « Wall Street possède le pays, nous n’avons plus un gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, mais un gouvernement de Wall Street, par Wall Street et pour Wall Street. Nos lois sont le produit d’u système qui pare les fripons d’une robe de juriste et qui habille l’honnêteté de guenilles. Le peuple est aux abois : que les limiers de l’argent qui nous harcèlent prennent garde ».
Au départ, les populistes s’adressent aux millions de petits fermiers américains que la guerre civile a ruinés alors que de grands groupes industriels et financiers prennent leur envol grâce au boom économique consécutif à la fin des hostilités. Coalitions d’outsiders, voire de perdants, ils rêvent du retour à un idéal harmonieux et pieux souvent associé à un passé fantasmé. Ils se méfient des intellectuels, des urbains, piliers d’une « progrès » dont ils se sentent les victimes désignées.
Jolie présentation ! À part le fait qu’on sent une pointe de mépris social pour ces catégories réellement victimes du capitalisme financier naissant, on ne changerait pas une virgule. La suite est encore meilleure :
Déjà, l’union des forces horizontales, au-delà des schémas de fracturation sociale établis par les dominants – les Blancs contre les Noirs et les Noirs contre les Blancs –, contre la verticalité financière. Les populistes américains étaient sacrément lucides, et trouveront, un bon siècle plus tard, l’incroyable Trump pour les incarner. Et au vu des dégâts infligés au peuple américain par le démocratisme, ou la direction financiariste du pays, on peut estimer que les troupes populistes ne feront que croître. La révolution américaine se fera, et pas forcément par la gauche.
Hanouna, qui a d’ailleurs pensé à se présenter – l’effet Trump a donné des idées et des ailes à bien des opportunistes – à l’élection présidentielle, incarne donc cette nouvelle intersection politique : comme Zemmour, il en a le droit, non seulement par sa protection communautaire, mais parce qu’il incarne aussi un contrôle du populisme montant en France. Le populisme, à côté d’une gauche laminée par ses trahisons (mesurez le chemin en un siècle de Jaurès au couple Hollande & Hidalgo), a un boulevard vers le pouvoir.
Naturellement, et c’est de bonne guerre (haut/bas), les agents du pouvoir profond essayent d’en prendre la direction, sinon de contrôler la puissance de ce fleuve qu’ils ont eux-mêmes, par leur propre violence économico-sociale (la prédation sans limites), déchaîné.
De l’autre côté de l’Atlantique, la transformation du rappeur Kanye West en contre-attaquant du pouvoir profond est encore un signe de changement. « Ye » incarne une libération de la parole des dominés. Même quand on est multimillionnaire, on peut prendre conscience d’avoir été dominé. Et ça énerve.
Le rappeur américain KanYE West, aujourd'hui en disgrâce de ce monde, parle-t-il ici de sacrifices rituels et de contrôle mental basé sur les traumatismes ? Bientôt une conférence de presse ultra-explosive ? pic.twitter.com/6fm851o2zX
— Alexandre Lebreton (@mk_polis) November 13, 2022
Il se passe quelque chose de nouveau en Amérique et le barrage anti-populiste érigé par les forces du Système, on le voit avec cette nouvelle élection des midterms, est en train de se fissurer de toutes parts. La guerre contre la Russie sera-t-elle le chant du cygne pour l’Empire ? Ou sera-t-il mis à terre par le réveil du véritable patriotisme américain – le populisme ! –, celui dont parle Trump et qui n’est pas tourné contre les autres pays ?