Fin septembre, le prince héritier Mohammed Ben Salmane a annoncé la réforme du royaume en instaurant un islam ouvert et modéré. Des lois ultraconservatrices ont ainsi été assouplies et notamment la loi interdisant aux femmes de conduire. Peu après, le prince héritier ordonnait l’arrestation d’au moins onze princes et de centaines d’hommes d’affaires et d’officiels gouvernementaux soupçonnés de corruption.
Le DailyMail.com a publié le témoignage d’une source anonyme affirmant que les princes et les milliardaires saoudiens arrêtés à l’occasion d’un violent coup de filet début novembre sont torturés par des agents de sécurité privés américains. Ces derniers auraient été engagés par le prince Mohammed Ben Salmane, aujourd’hui l’homme le plus puissant du royaume.
Le prince héritier aurait saisi des actifs et plus de cent quatre-vingt-quatorze milliards de dollars sur les comptes bancaires des personnalités arrêtées. En instaurant la peur et la répression, le prince Mohammed Ben Salmane (communément appelé MBS) aurait la volonté de mettre à jour un présumé réseau d’officiels étrangers ayant soudoyé les princes saoudiens.
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Blackwater, aujourd’hui connu sous le nom d’Academi, dont la présence en Arabie saoudite a été attestée par des réseaux sociaux arabes ainsi que par le président du Liban, fournirait les mercenaires pour diriger les interrogatoires et les séances de tortures. MBS participerait aux interrogatoires les plus importants et aurait sollicité ces mercenaires venus d’Abu Dhabi, les estimant plus fiables que les forces de sécurité régulières qui côtoient depuis longtemps les personnes arrêtées.
Le porte-parole d’Academi, filiale de Constellis, a démenti toute présence en Arabie saoudite, mais également toute sous-traitance de séances de tortures ou d’interrogatoires, que ce soit pour le compte de gouvernements ou pour le compte de particuliers. Academi se réclame d’une éthique et d’une morale conformes au droit américain ou au droit de tout autre pays.
Cependant, le nom de Blackwater a été évoqué sitôt après les arrestations. Sur Twitter, le président libanais Michel Aoun avait annoncé que le Premier ministre libanais Saad Hariri était détenu à Riyad par des agents de Blackwater, avant d’effacer son tweet et de relayer le démenti des autorités libanaises.
Le lanceur d’alerte saoudien Ahdjadid avait lui indiqué que le premier groupe de mercenaires de Blackwater était arrivé en Arabie saoudite une semaine après le renversement du précédent prince héritier Ben Nayef. Ils auraient été environ cent cinquante combattants et MBS en aurait employé une partie pour surveiller le lieu de détention du prince déchu Ben Nayef, et l’autre partie pour veiller à sa propre sécurité.
Le New York Times a également relayé des accusations d’abus évoquées par un médecin d’un hôpital de Riyad et un officiel américain. Ces derniers ont déclaré qu’au moins dix-sept détenus avaient nécessité des soins médicaux.
Mme Fatimah Baeshen, porte-parole de l’ambassade saoudienne à Washington, a de son côté assuré que les accusations ne concernaient que des délits de « cols blancs » et que le procureur général saoudien s’était assuré que les arrestations avaient été menées en conformité avec la loi.
Parmi les personnes soupçonnées de corruption figure le prince Alwaleed Ben Talal, neveu du roi saoudien, qui pèse plus de dix-sept milliards de dollars selon Forbes, et qui possède des parts de Twitter, Lyft et Citigroup.
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Selon la source du DailyMail.com, MBS aurait attiré le prince Ben Talal sous prétexte d’une rencontre dans son palais d’Al-Yamamah. La veille de la rencontre, durant la nuit, les gardes du prince Ben Talal auraient été désarmés par des mercenaires qui auraient ensuite menotté et enlevé le prince dans un SUV. Il aurait été interrogé et pendu par les pieds en guise de message.
Une photo des détenus royaux dormant sur de fins matelas dans la salle de bal du Ritz Carlton à Riyad a été envoyée au DailyMail.com.
Une source du département d’État américain a déclaré au New York Times que le comportement de MBS était imprudent, sans considération pour les éventuelles retombées négatives sur les intérêts américains.
À l’inverse, Donald Trump a approuvé ces arrestations, et a fait part sur Twitter de sa confiance dans le roi Salman et dans le prince héritier d’Arabie saoudite après l’épisode de répression d’actes de corruption.
Un seul citoyen américain a été condamné pour actes de torture dans un pays étranger.
En 2008, le fils du président du Liberia, Charles Taylor, né à Boston, avait été reconnu coupable par une cour américaine d’horribles tortures. Le tribunal de Miami avait reconnu Charles « Chuckie » Taylor Jr. coupable des huit chefs d’accusation retenus contre lui, y compris celui l’accusant, lui et ses complices, d’actes de tortures au Liberia : chocs électriques sur les parties génitales, brûlures avec des fers à repasser et du plastique fondu, application de sel sur les blessures ouvertes.
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À ce moment-là, Sigal Mandelker, sous-procureur général adjoint au bureau d’enquêtes criminelles du département de la Justice des États-Unis, avait déclaré : « Il s’agit d’envoyer un message fort à ceux qui ne respectent pas les droits de l’homme à travers le monde, pour leur dire qu’ils ne sont pas les bienvenus ici. »
Taylor avait été arrêté à l’aéroport international de Miami en 2006. Il plaida coupable pour l’accusation de mensonge sur l’identité de son père dans un formulaire de demande de passeport.
Par la suite, il fut inculpé pour actes de tortures lorsqu’il était commandant d’un groupe de sécurité paramilitaire nommé Antiterrorist Unit – connu sous le nom de « Demon Forces » – qui assurait la sécurité de Taylor père durant son mandat de président du Liberia.
Article traduit par le pôle Traduction d’E&R