Il y a une vingtaine d’années, lors d’une conversation avec un organisateur bangladais, nous avons abordé le sujet des ONG [1]. Il a craché avec dégoût : « Je déteste les ONG. » À l’époque, je n’ai pas vraiment compris pourquoi il était si véhément sur le sujet. Je savais que les ONG avaient des aspects négatifs, comme le fait qu’elles détournent une partie de l’énergie révolutionnaire des masses, mais je croyais encore à moitié leurs affirmations selon lesquelles leur travail était plus utile que nuisible. Ne fallait-il pas être une espèce de crétin dogmatique pour dénoncer les soins gratuit et les programmes de lutte contre la pauvreté ? Je ne comprenais pas encore à quel point elles sont en réalité une catastrophe.
Depuis cette conversation, les ONG ont proliféré comme des champignons dans le monde entier. D’abord déployées dans les formations sociales dominées par l’impérialisme, elles occupent aujourd’hui aussi la scène politique des pays qui sont la base du capitalisme. Elles sont devenues la nouvelle forme à la mode d’accumulation du capital, avec une portée mondiale et des milliards de revenus. Tout se prétendant « à but non-lucratif », elles servent de source de revenus importants pour ceux d’en haut, tout en gavant de larges couches de la petite bourgeoisie, leur permettant de s’étaler sur la classe ouvrière comme une couverture chauffante humide, mettant ainsi en sourdine ses revendications.
Après beaucoup d’observations et d’expériences directes et indirectes, je comprends aujourd’hui et partage la haine de cet organisateur d’autrefois envers les ONG. Quel est leur degré de nuisance ? Permettez-moi d’énumérer quelques réponses :
I. Les ONG sont une des nombreuses armes de domination impérialiste
Aux côtés des invasions militaires et des missionnaires, les ONG aident à ouvrir les pays comme on craque des noix, en préparant le terrain pour des vagues d’exploitation et d’extraction plus intenses, comme l’agrobusiness pour l’exportation, les ateliers de misère, les ressources minières et les sites touristiques.
Haïti en est l’exemple le plus extrême. Appelé par nombre d’Haïtiens eux-mêmes « la république des ONG », le pays avait déjà été infesté par 10 000 ONG avant le tremblement de terre de 2010, le nombre d’ONG par habitant le plus élevé du monde. 99% des aides d’après le tremblement de terre ont été acheminées par des ONG et autres agences, qui ont gagné des sommes colossales, en volant la majeure partie de l’argent que les gens avaient donné de bonne foi en pensant qu’il aiderait réellement les masses affectées par la catastrophe.
Cette merde n’est pas récente. Il y a des décennies, l’USAID et la Banque mondiale imposaient déjà des économies orientées vers l’exportation et les programmes d’ajustement structurel concomitants en Haïti et ailleurs. Il y a 20 ans, 80% de l’argent de l’USAID finissaient par revenir dans les poches des entreprises US et des « experts ». Au fil de la maturation de ce processus, les ONG sont devenues l’entité préférée de cette forme parasitaire d’accumulation, en capitalisant et alimentant la misère créée par « l’aide » au départ.
Dans de nombreux pays dominés, les directeurs d’ONG sont devenus un segment de la bourgeoisie bureaucratique, utilisant l’État comme leur source première d’accumulation de capital. Sur les dernières 20 années, environ, en Haïti, nombre de ceux qui avaient créé et dirigé des ONG ont fini aussi par occuper des postes politiques, de président à premier ministre ou membre du parlement, comme Aristide, Préval, et Michèle Pierre-Louis.
Maintenant que le capitalisme est dans une crise structurelle mondiale croissante, l’ajustement structurel est également imposé à ses formations sociales centrales. Comme des canetons conditionnés, les ONG suivent dans le sillage. 30 nouvelles ONG sont créées chaque jour au Royaume-Uni, et 1,5 million d’ONG infestent les USA. Elles sont devenues l’option de survie du jour pour les diplômés au chômage navigant à travers une crise économique mondiale.