La doctrine actuelle des institutions internationales telles que l’OMC, le FMI ou la banque mondiale prônent un libre-échange sans concessions s’appuyant sur des démonstrations anciennes comme celles d’Adam Smith ou de Ricardo.
Chaque pays ayant un avantage à échanger en se spécialisant dans des secteurs, des marchés où il serait le plus compétitif. Dans cette logique, comment expliquer que le tiers-monde ne possède pas de grandes compagnies exportatrices dans des domaines qui lui sont propres, rattrapant ainsi les pays du nord.
Dans un premier temps, il est clair que les habitants de ces pays ne sont pas propriétaires de leurs moyens de productions. Il est question en particulier ici du capital foncier, c’est-à-dire de la terre et ses richesses. Les multinationales sont des entités privées qui reversent une rente au dirigeant en échange de la privatisation énergétique. Ce dernier ne s’empressant pas d’investir dans les services publics.
Mais ce qui est une tartufferie politique l’est aussi au niveau du raisonnement économique. En effet, les conditions d’une industrialisation dépendent de la capacité du secteur agricole à générer un flux d’épargne disponible pour financer les premiers investissements dans le secteur industriel. Ce flux d’épargne doit être conséquent. Cependant, les rendements en matière agricole sont décroissants. Il y a une finitude des ressources. Les terres arables ne sont pas infinies ainsi que les minerais. Cela a pour conséquence une augmentation du prix des unités produites supplémentaires car elles sont de plus en en plus rares.
Face à cette spécialisation dans le secteur agricole, les pays développés quant à eux obtiennent grâce à l’industrie manufacturière des rendements croissants. En effet, le produit peut être reproductible et il est de moins en moins cher à fabriquer car les coûts fixes c’est-à-dire les coûts de départ (infrastructures, machines) sont de plus en plus rentabilisés par l’augmentation des ventes. La production d’automobiles devient de plus en plus rentable ce qui est le contraire pour un bien fini. Cette tendance est encore plus importante s’il s’agit d’un logiciel informatique. Cela ne coûte rien à Microsoft de fabriquer une unité supplémentaire du produit.
Un pays baignant dans le commerce international a donc intérêt à se spécialiser dans une industrie aux rendements les plus croissants. Dans cette configuration, on voit bien que l’excédent d’épargne issu de l’agriculture n’est pas assez important en volume pour affronter directement des industries manufacturières étrangères. En conséquence, seul un gouvernement par des mesures protectionnistes peut faire générer des industries naissantes sur son territoire.
Actuellement, pour vaincre la pauvreté, le FMI et la banque mondiale prêtent à des pays qui vont générer des infrastructures et des services publics. Cependant, ceci n’est pas corrélé avec une politique industrielle stratégique de long terme. Les fonds servent en fait à faciliter l’exploitation des ressources par les multinationales. Les citoyens sont cantonnés au salariat dans ces entreprises ou dans les maigres administrations crées à cet effet. De plus, les écoles servent finalement à former des individus pour ces compagnies ou à générer une émigration vers les pays occidentaux recherchant des travailleurs qualifiés. Cela a pour conséquence une absence de rentes fiscales puisqu’il n’y a pas d’industries nationales donc de production nationale.
Le budget de l’État est déficitaire ainsi que la balance commerciale. Les citoyens consomment majoritairement des biens importés. L’État n’arrive pas à rembourser son emprunt et réemprunte donc à un taux d’intérêt plus important, un cercle vicieux s’opère. La population subit des impôts de plus en plus lourds pour payer des intérêts qui sont bien souvent issus de créanciers étrangers.
Un État dans un contexte de commerce international doit par conséquent avoir une politique industrielle stratégique qui vise à préparer une croissance endogène avant de s’élancer dans une libéralisation abusive. Les coûts fixes et les notions de rendements croissants et décroissants sont autant de phénomènes exclus des débats publics et de la pensée unique. Le protectionnisme en compagnie de la création monétaire reste un tabou économique bien profond.