Décidément, ce mois de décembre 2018 nous offre une savoureuse libération de la parole des deux côtés de la barrière sociale. Il n’y a plus de tièdes, on est soit noir soit blanc, ou plutôt soit jaune soit complice du pouvoir. La zone grise s’est dissipée telle la fumée d’une grenade lacrymogène, et il ne reste plus que deux camps : celui d’en bas et celui d’en haut, celui de la France et celui de l’anti-France, ce qui facilite le travail des analystes de la situation. Gérard Collomb avait raison : « aujourd’hui on vit côte à côte, je crains que demain on vive face-à-face ». Il avait raison sur le conflit, mais pas sur son horizontalité : c’est un conflit vertical qui a explosé le 17 novembre 2018.
Toute la France attend la journée du 8 décembre, l’acte IV de l’an 1, comme il y en a eu beaucoup dans notre révolutionnaire France. Gébé, du temps où Charlie était encore vraiment Charlie, avait pondu en 1972-1973 le film et la BD L’An 01, sorte de bréviaire de l’utopie post-68. Ce gars d’en bas avait débuté comme dessinateur industriel pour la SNCF. Libertaire mais non libéral, il a disparu avant la déchéance du Charlie de Philippe Val, qui ramènera le canard dans le giron atlanto-sioniste.
Pourquoi revenir en arrière, alors que l’avenir nous tend les bras et que le changement se passe sous nos yeux ? Parce que l’utopie.
Le péril jaune
C’est toujours la même, la magnifique, l’increvable utopie qui renaît phénix tous les 50 ans chez nous et qui réveille cette vieille bête qu’on croyait définitivement endormie qu’on appelle le peuple de France, et que ses maîtres appellent la Bête immonde.
Oui, c’est bête mais c’est comme ça, les maîtres haïssent la bête qui les fait vivre grassement et s’ils la haïssent c’est qu’ils en ont une peur viscérale, éternelle. une peur bleue, et maintenant une peur jaune. Tous les demi-siècles environ, la vieille bête s’ébroue et désarçonne ses maîtres qui se retrouvent les quatre fers en l’air, pas loin d’être piétinés. Panique.
Stupéfaits de tant d’insolence, les maîtres redoublent de mépris, d’insultes et de coups mais depuis le temps, la Bête ne sent plus rien. La répression féroce contribue même à la réveiller. Elle n’écoute plus ses maîtres, elle les voit comme un corps étranger, parasite, mortel. C’est le prix à payer pour la dominance.
On a eu un violent aperçu de ce pack mépris-insultes-coups lors de l’émission spéciale de BFM TV du 5 décembre 2018 sur les Gilets jaunes et intitulée « Sortir de la crise ». De la crise provoquée par les Gilets jaunes hein, pas de la crise économique, qui fait vivre très grassement nos maîtres. Ne rêvons pas !
Chacun peut le constater : la violence n’était pas du côté des Gilets jaunes, mais bien du juge Ruth Elkrief et de son assesseur Bruce Toussaint, le pachyderme des matinales au QIP (quotient intellectuel politique) d’ourson. La sorcière de Sion y fait étalage de toute sa morgue, et incarne parfaitement la dominance qui ne veut en aucun cas partager le pouvoir.
Déjà, le dispositif de l’émission plaçait les Gilets en accusés. Accusés de « violences », avec une image de casse en fond d’écran. Pour bien rappeler au téléspectateur qui sont les méchants et qui sont, par opposition, les bons.
« Tout le monde a vu les images, il y a un CRS qui s’est fait poursuivre par les Gilets jaunes et qui a été tabassé », hurle François de Rugy à 1’43’50.
Le moment d’anthologie
La ficelle est grosse, et Goebbels peut aller se rhabiller en chemise brune dans son bunker berlinois. Pendant qu’on est dans la 2e Guerre mondiale, on va y rester un peu, car le compteur de points Godwin s’est affolé à 1’43’41, quand un Gilet jaune a marché sur une mine :
Jeune Gilet : « Nous on reçoit des lacrymos. Est-ce que vous étiez dedans ? »
Rugy : « Ben la place de l’Étoile samedi dernier tout le monde a vu les images, il y a un CRS qui s’est fait poursuivre par un groupe de Gilets jaunes et qui a été tabassé ! »
Vieux Gilet : « À l’inverse monsieur, combien ont été lynchés ? Quand on gaze nos grands-mères, c’est normal qu’on gaze nos grands-mères ? »
Schiappa : « “On gaze nos grands-mères”, mais vous vous rendez compte ? »
Elkrief : « Le mot gazé est assez difficile à utiliser hein ! Non non le mot gazé, ce sont des grandes lacrymogènes c’est très désagréable, c’est très désagréable, c’est très désagréable... »
Jeune gilet : « On arrive à 8 heures du matin on voit déjà de la fumée au loin. On n’a rien fait encore ! Les gens sont là à demander aux CRS de poser leurs casques et on se reçoit des lacrymogènes. De 8 heures à midi c’est comme ça, ça énerve les gens c’est normal. »
Schiappa : « Mais monsieur j’ai envie de dire si samedi vous appelez à ce qu’il y ait des centaines de personnes des milliers de personnes qui veulent envahir l’Élysée, il y aura des forces de l’ordre pour vous en empêcher et c’est normal et je voudrais saluer leur grand sang-froid et leur travail parce que ce sont des citoyennes et des citoyens qui gagnent pas des mille et des cent... Y a pas de justice sociale sans ordre public dans la République française. »
On voit bien là toute la rouerie des féministes, qui en appellent à la matraque masculine dès que leur petit confort est menacé. Au fait, Schiappa, combien de femmes parmi les CRS qui cognent les retraités appauvris par Macron et la Banque ? La parité n’est pas respectée dans la répression et la ministrelle du Sexe faible ne dit rien ? Allo ? Que dit Osez le féminisme ? Les Chiennes de gardes ? Les Femen ?
Même plateau, sauf que les Gilets jaunes un peu amateurs et faciles à rouler dans la farine oligarchique sont remplacés par Natacha Polony, Xavier Mathieu (un ancien ouvrier licencié devenu acteur) et Alexis Corbière. Les juges oligarchiques eux ne sont pas remplacés : c’est la théorie de la continuité de l’État, avec un pouvoir profond immuable. Il y a ceux qui passent et ceux qui restent...
À 31’24 Xavier s’énerve contre les deux juges qui trônent au-dessus des trois nouveaux accusés. Le pauvre Toussaint, le larbin de la sorcière de Sion, exprime tout son mépris de classe à l’encontre de Mathieu... Et Ruth ose lancer :
Elkrief : « Vous vous rendez compte que vous confisquez quand même le débat ? »
Mathieu : « Ça va, ça va, c’est bon. »
Toussaint : « Non ça va pas, parce que vous ne respectez pas nos règles ! »
Mathieu : « Mais vos règles on les connaît vos règles. »
Celles-là, « vous confisquez le débat » et « vous ne respectez pas nos règles » on va les mettre de côté dans un coffre et les ressortir en temps voulu. Elles vont servir dans le genre aveu inconscient du pouvoir.
Pugnace, Xavier réagit parfaitement au mépris de classe de la sorcière :
Notre conclusion
Bravo à tous les accusés du couple vipérin Elkrief-Toussaint d’avoir réussi à garder leurs nerfs face à tant de haine (de classe). Des Français moins bien élevés auraient sauté à la gorge de leurs maîtres. Heureusement, le débat est resté globalement plutôt courtois et nous nous en réjouissons.
Il serait quand même bien qu’un jour ce soient les Gilets à la place des juges et les juges sur le banc des accusés. Mais ça viendra, car tout se retourne. Rendez-vous samedi pour la Bataille de Paris.