Pour la majorité des Français, Patrick Buisson est ce conseiller occulte de Nicolas Sarkozy (2007-2012) qui a fait pencher le président très à droite, et qui a enregistré de nombreuses réunions à l’Élysée. Malgré son classement à l’« extrême droite » par une presse mainstream politiquement limitée, Buisson demeure un très fin connaisseur [1] de la vie politique et du peuple. Ce féru d’histoire est le grand spécialiste des études d’opinions cachées au public, et destinées aux états-majors des partis pour élaborer leurs stratégies de campagne [2].
Jeudi 9 février 2017, Patrick Buisson est « l’invité surprise » de L’Émission politique de France 2 consacrée à Marine Le Pen, et animée par le tandem Pujadas-Salamé. C’est Michel Field, à la direction de l’info sur France 2, qui a validé ce choix : il tient Buisson – « le trotskiste de droite » – en haute estime. Il a aussi animé avec lui l’émission Politiquement show sur LCI de 2005 à 2007. Cette préférence a choqué les « éditorialistes » habituels. Ainsi, Claude Askolovitch, éditorialiste à Slate, a-t-il craché son inévitable venin :
« Pour qui veut comprendre, cet homme n’est pas venu là pour rien. Il s’agit d’autre chose. Une soumission, selon ce mot utilisé surtout en islamophobie, au vent dominant de ce pays. Une allégeance de fait à l’atmosphère d’extrême droite, qui devient non pas la norme, mais le point de départ des raisonnements et des dialectiques. »
Askolovitch, ce sioniste dépassé par la nouvelle carte politique du pays, aurait sans doute préféré être à la place de Buisson, mais le niveau n’est pas le même entre un radoteur pénible et un esprit pénétrant. Personne n’a jamais rémunéré Askolovitch 10 000 euros par mois pour ses conseils politiques, au contraire de Buisson, que tout le monde s’arrache à droite [3].
Après avoir sondé Marine Le Pen sur le patriotisme des candidats Mélenchon et Fillon, Patrick Buisson analyse la stratégie de campagne du FN :
Patrick Buisson : Marine le Pen, on a compris que c’était la candidate du premier tour qui s’exprimait, maintenant je vais m’adresser peut-être à la candidate du second tour que vous envisagez être. J’ai regardé les chiffres des études d’opinions ce soir…
Marine Le Pen : On ne se refait pas.Et je vois que la moitié de l’électorat de Jean-Luc Mélenchon se déclare prêt à voter pour vous au second tour, et que la moitié de l’électorat de François Fillon se déclare prêt à voter pour vous au second tour. Duquel vous sentez-vous le plus proche, et quelle va être votre campagne finalement ?
Mais vous retombez, pardon monsieur Buisson, dans ce clivage gauche/droite que vous le savez je nie.Alors d’accord mais si le clivage pour vous est entre les souverainistes et les libéraux, vous classez Mélenchon et Fillon dans la même rubrique, les libéraux les mondialistes ?
[…] Non on ne peut pas dire que monsieur Mélenchon soit un libéral quoique, quoique l’ultralibéralisme c’est en même temps l’ultralibéralisme économique et en l’occurrence l’immigration… La mondialisation par le haut, la mondialisation financière, et la mondialisation par le bas, la mondialisation par l’immigration… Et j’accueillerai l’ensemble de ces électeurs pour peu qu’ils comprennent qu’il n’y a pas de protection sociale, économique, culturelle, politique, s’il n’y a plus de nation…Donc ce sera non pas ni droite ni gauche mais droite et gauche, votre campagne au second tour.
Ma campagne, c’est les patriotes contre les mondialistes. Comme je l’ai dit dans mon discours, c’est la France du peuple contre la droite du fric et la gauche du fric.
Quand Buisson parle de « droite et gauche » à Marine Le Pen, il lui tend la perche de la droite des valeurs et de la gauche du travail, que sont censés incarner Fillon (pour la droite des valeurs) et Mélenchon (pour la gauche du travail).
Il indique, fort du résultat surprenant de son étude d’opinion, que l’axe potentiellement gagnant de la campagne, pour le FN, consiste en une union des patriotes sur la ligne soralienne.
Marine Le Pen, par prudence ou ignorance, ne saisit pas la perche. Mais la campagne est encore longue. On dit que le choix du peuple se décante dans les trois dernières semaines. Le président d’un jour n’est pas celui du lendemain...