Egalité et Réconciliation
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Quels sont les liens du Mossad avec les juifs de la diaspora ?

Nul doute que la question provoquera, comme à chaque fois que nous traitons un sujet en rapport avec la communauté juive, sont lot de réprobations, d’insultes et de menaces.

Pourtant, à la lecture du livre de Jacob Cohen, Le Printemps des Sayanim, on est en droit de s’interroger à propos des liens étroits qui existent entre les services de renseignements israéliens et la diaspora juive. L’auteur a bien voulu nous faire parvenir le texte de présentation que nous vous proposons sur cette page, ainsi qu’un extrait de son livre.

Le Printemps des Sayanim Par Jacob Cohen

Les sayanim – informateurs en hébreu – sont des Juifs de la diaspora qui, par « patriotisme », acceptent de collaborer ponctuellement avec le Mossad, ou autres institutions sionistes, leur apportant l’aide nécessaire dans le domaine de leur compétence.

L’Etat d’Israël possède ainsi un réservoir extraordinaire et inépuisable d’agents bien introduits dans tous les domaines et pratiquement tous les pays. Il suffit d’évoquer le Bnaï Brit (franc-maçonnerie juive internationale) et ses 500 000 membres, tous prêts à défendre Israël à n’importe quel prix. Il y aurait 3000 sayanim en France. Imaginons la contribution de plusieurs milliers de sayanim aux Etats-Unis, ne serait-ce que dans les domaines financier et cinématographique.

Le premier intérêt du récit, c’est de mettre en lumière cette nébuleuse aussi mystérieuse qu’efficace. Car à moins de se référer à quelques livres écrits par des spécialistes – en particulier anglo-saxons – du fameux Mossad, on ne trouve nulle trace de ces sayanim. Même leur nom n’apparaît pratiquement jamais. Pourtant leur rôle est primordial dans les entreprises d’espionnage et/ou de manipulation médiatique du Service qui les emploie. Cette occultation peut déjà être considérée en soi comme une victoire de ces réseaux. Ils peuvent ainsi agir dans l’ombre, évitant de fait toute contre-attaque, ou même une tentative de créer des réseaux hostiles pour les contrer. On peut aussi se poser des questions sur les médias français qui ont réussi l’exploit de parler d’Israël et du Mossad sans jamais mentionner cette espèce de 5e colonne.

Il va sans dire que l’auteur n’a eu aucun accès ni à des documents confidentiels ni à des témoignages directs. Mais le fait de connaître l’existence des sayanim, et leur dévouement exemplaire à Israël, lui a permis une lecture particulière de certains événements.

Un exemple significatif : L’auteur a été approché par des francs-maçons juifs du Grand Orient, sur la base de son identité évidente. En 2002, alors qu’Israël réprimait violemment la seconde intifada, ces frères français voulaient créer une loge juive et sioniste (en violation des règles du GODF) pour aider leur patrie de cœur. Il était évident qu’ils agissaient pour le compte de structures sionistes. D’ailleurs, les conditions d’installation et de fonctionnement de cette loge montrent à quel point celle-ci a bénéficié de la complaisance des instances supérieures de l’obédience de la rue Cadet.

Le Printemps des Sayanim met également en scène des personnages connus médiatiquement, dont l’influence est considérable, tant par leurs moyens financiers que par leurs réseaux, et qui, sans relâche, défendent la politique israélienne. On l’a vu récemment avec l’attaque brutale de la « flotille humanitaire ». Il s’est trouvé un grand philosophe pour évoquer « la pureté des armes sionistes », et un autre humaniste pour déplorer les « attaques antisémites ».

Il est impossible de tout citer. Mais on ne peut passer à côté de ce fait longuement détaillé dans le récit : Comment SOS Racisme est devenu un auxiliaire des institutions sionistes françaises, notamment l’UEJF, avec qui il travaille main dans la main.

Jacob Cohen

Le Printemps des Sayanim est édité chez l’Harmattan

Né en 1944 à Meknès, Jacob Cohen obtient une licence en Droit (Casablanca) et le diplôme de Sciences-Po (Paris). Il vit à Berlin et Montréal avant de revenir à Casablanca, où il est maître-assistant à la faculté de Droit, de 1978 à 1987. Il vit depuis à Paris. Il a déjà publié Les noces du commissaire, Moi, Latifa S., Du danger de monter sur la terrasse, L’espionne et le journaliste.

Extrait du livre :

Uri Sulitzer le reçut promptement, et commanda du café. Le cardiologue jeta à peine un coup d’œil au décor.

Mauvais signe, pensa le diplomate. D’habitude, les Juifs séfarades se pâmaient d’admiration devant les photos et les drapeaux. La moitié du travail était déjà accomplie. Mais on l’avait prévenu.

- Je suis très heureux de faire votre connaissance.

Zerbib inclina la tête, en signe de réciprocité. Sulitzer comprit qu’il devait d’abord lever une ambiguïté.

- C’est MST qui m’a donné votre numéro privé.

Le visiteur eut un mouvement d’étonnement, vite maîtrisé.

- Sans trahir un secret médical, MST ne jure que par vous. Il paraît que vous êtes un magicien. Un jour ou l’autre, il faudra que je me fasse examiner. On vit dans un tel stress.

Le cardiologue posa sa carte de visite sur le bureau.

- Je ne vous aurai pas dérangé pour cela. Merci quand même. MST m’a dit que je pouvais compter sur vous. Je sais qu’il est dans la loge Hatikvah, et que la direction du Bnaï Brit estime beaucoup votre contribution. Le poste de président en est la preuve.

- MST m’honore effectivement de son amitié.

- Savez-vous ce qu’est un sayan ? demanda abruptement Sulitzer.

- Non !

- Dans un sens, cela me fait plaisir. Cela montre qu’on peut l’être dans la plus totale discrétion. Certains membres de la loge Ben Gourion le sont. Pour vous exprimer ma confiance, je peux vous révéler que MST l’est aussi. Je le fais avec son autorisation, bien entendu.

Richard Zerbib attendit patiemment la suite.

- Le sayan est un informateur qui peut, dans le cadre de ses diverses activités, nous aider, dans la mesure de ses possibilités.

- Qui, « nous » ?

- Je ne peux pas entrer dans les détails pour le moment. Mettons les services de l’ambassade.

- Je me vois mal dans cet exercice.

- Vous serez le premier étonné. Tenez par exemple, en tant que président de la loge Ben Gourion, vous pourriez parrainer une rencontre sportive entre jeunes israéliens et palestiniens, et contribuer à sa réussite.

- Volontiers.

- Ce genre d’événement peut faire avancer la paix.

- Certes. Mais comment ?

- Je vous indiquerai. L’essentiel est d’abord d’avoir votre accord.

- Et c’est tout pour être considéré comme… euh…

- Sayan. C’est un pas important. Mais on pourrait vous demander autre chose.

Sulitzer ne sentait pas son interlocuteur envahi par un enthousiasme délirant.

- Vous aimez Israël, n’est-ce pas ?

- Bien entendu.

- Y êtes-vous déjà allé ?

- Une fois.

- Quelles ont été vos impressions ?

- C’est un pays dynamique, moderne, puissant.

Le diplomate soupira. Il triturait son paquet de cigarillos.

- Vous permettez ?

- Vous êtes chez vous.

- Je vous remercie. Ce que j’ai à vous dire est très important.

Il alluma un cigarillo, et souffla plusieurs fois.

- Vous savez, Israël donne cette impression de force indestructible. Tant mieux, nous sommes forts. Mais la menace est permanente. Nos ennemis sont de plus en plus déterminés. Toutes les occasions sont bonnes pour nous nuire, nous porter le coup fatal. La guerre ne se gagne pas que sur le front militaire. Notre seule chance de survie réside dans notre unité, l’unité du peuple juif tout entier. Sans elle, c’est le début de la fin.

Sulitzer l’observait à travers les volutes de fumée. À son grand soulagement, le visiteur finit par demander :

- Qu’attendez-vous réellement de moi ?

Il se redressa et reposa le cigarillo.

- Monsieur Zerbib, j’aimerais que vous compreniez. Nous sommes en guerre. C’est eux ou nous. Nous devons frapper à toutes les portes. Tout soutien nous est indispensable. L’évolution du milieu médical nous inquiète. Surtout au niveau international. Les congrès se transforment en tribunes politiques pour condamner une soi-disant occupation inhumaine. Le sort des populations civiles palestiniennes tourmente les bonnes âmes. Et c’est Israël qu’on montre du doigt, n’est-ce pas ?

- Evidemment.

- Il semble que êtes assez lié avec le docteur Pearson.

- C’est exact. Mais je ne vois pas le rapport.

- Le docteur Pearson est un des dirigeants de l’association internationale de cardiologie. Son autorité morale est très grande. Nous n’aurions eu que des louanges à lui adresser s’il ne s’était mis en tête de visiter les territoires palestiniens et de prendre des positions politiques contraires à l’éthique médicale. Il a visité la Cisjordanie il y a six mois. Il vient de faire un séjour à Gaza. Le saviez-vous ?

- Il m’en avait informé.

- D’après nos renseignements, il aurait fait des déclarations d’une violence déplacée. Est-ce qu’il faisait de la politique ?

- À ma connaissance, non.

- Vous voyez où mène la propagande de nos ennemis ? Transformer un savant en militant. C’est indigne. Il ne faut pas mélanger les genres. Probablement un cardiologue arabe ou un Anglo-Saxon illuminé qui lui aurait fait tourner la tête.

Le diplomate prit un nouveau cigarillo. Zerbib ne se demandait plus d’où il tenait ces informations.

- Il y a bien un congrès à Marbella dans quelques jours ?

- Exact.

- Vous y serez ?

- Bien sûr.

- Il est vrai que vous faites partie du bureau de l’association. J’aimerais que vous notiez les interventions du docteur Pearson, et d’autres éventuellement, surtout celles qui vous paraissent les plus virulentes, ou qui contiennent des propositions anti-israéliennes. Les noms des orateurs et leurs titres.

- Que leur ferez-vous ?

La question jaillit spontanément, avec un soupçon de crainte. Sulitzer sourit, un sourire particulier qui aurait fait le bonheur de son ami Gilles Talibani.

- Voyons ! Nous ne recourons plus à ce genre d’expédients. Nous essaierons de les faire changer d’avis.

- Comment ?

- Par la persuasion, Monsieur Zerbib. Par la persuasion. Ah, encore une chose. C’est le plus important. Si une résolution anti-israélienne venait à être soumise, faites tout votre possible pour qu’elle ne soit pas adoptée. Et soyez sans crainte. Votre nom ne sera jamais mentionné.

Richard Zerbib se sentait pris au piège. Il aurait voulu dire : « Vous faites erreur sur la personne. Adieu ! », sortir de l’ambassade, et tourner la page. Mais il était trop impliqué maintenant. Comme son épouse. Toute une partie de leur vie sociale tournait autour de ces organisations. Il ne pouvait même pas repousser cette offre en particulier. Les informateurs de sa loge, et d’autres, auront vite fait de répandre des rumeurs sur sa « trahison ». Il ne craignait rien pour lui-même, mais sa femme risquait d’en pâtir.

Il tenta une diversion, qui lui fit presque honte.

- Vous savez, je ne suis pas bon à ce genre de choses. Je risque de vous induire en erreur.

Magnanime, le diplomate réfuta l’objection.

- On ne vous demande pas de jouer les James Bond. Soyez naturel. Vous verrez, c’est assez facile, et même excitant. On finit par y prendre goût.

- C’est contraire à l’éthique médicale, mais vues les circonstances…

- Je vous remercie, Monsieur Zerbib. Votre patriotisme vous honore.