L’essayiste d’extrême droite Alain Soral, jugé jeudi à Paris pour avoir publié une photo le montrant au Mémorial de l’Holocauste à Berlin en train de faire une "quenelle", s’est défendu en plaidant manipulation et méprise, face à d’anciens déportés indignés.
Fin 2013, la photo d’Alain Soral faisant ce geste controversé dans les allées de la fondation commémorative des juifs assassinés en Europe avait commencé à circuler sur plusieurs sites internet.
Alertées, l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) et l’association J’accuse ont saisi le tribunal correctionnel sur citation directe afin qu’Alain Soral y comparaisse pour injures publiques à caractère racial.
Jeudi, à l’audience, M. Soral a affirmé que ce n’était pas lui mais un ami qui avait posté le cliché sur la page Facebook privée de l’essayiste. Il ne voulait pas « que cette photo circule au-delà d’un cercle d’amis », a-t-il assuré.
Selon lui, elle a été récupérée par un pirate informatique pour être ensuite diffusée sur le site d’opinion israélien en français JSS News, puis par d’autres médias.
Des arguments nuancés par le parquet, qui a souligné qu’Alain Soral avait reproduit, par la suite, la photo à plusieurs reprises sur son site.
Quant au geste, il a soutenu l’avoir d’abord fait en signe de ralliement au « fist-fucking », pratique homosexuelle, car le Mémorial serait, selon lui, un lieu de rendez-vous homosexuel.
Au-delà de cette interprétation « privée », une interprétation « publique » de cette « quenelle » est également possible, toujours selon lui : celle d’« un geste d’insoumission envers les manipulateurs sionistes de la Shoah ».
« Tant de malheur »
Pour son créateur, le polémiste Dieudonné, qui s’était constitué partie civile en début d’audience, la « quenelle » est « un geste d’émancipation », celui « de l’esclave des champs qui dit : “Je m’en vais” ».
La « quenelle » n’est pas, ont-ils tous deux martelé, un geste antisémite ou un « salut nazi inversé », selon l’expression du président de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), Alain Jakubowicz.
M. Soral a une nouvelle fois contesté avoir voulu s’en prendre à la mémoire des victimes juives du nazisme.
« J’aurais été désolé de faire de la peine à des gens qui ont souffert dans leur chair », a-t-il expliqué, appelant à faire le distinguo entre antisionisme et antisémitisme.
[...] « Je n’aurais jamais pensé (que) quelqu’un dans ce lieu puisse faire autre chose que de penser, de se recueillir », a dit d’une voix forte Isabelle Choko (86 ans), déportée au camp d’Auschwitz-Birkenau. [...]
« Nous avons affaire à un nazi et je pèse mes mots », a plaidé le conseil de l’UEJF, Stéphane Lilti.
« Il y a un moment où il faut s’extraire de ce geste et se pencher sur le propos habituel de son auteur », a estimé le procureur, Annabelle Philippe.