Il est, actuellement, de bon ton chez certains blogueurs ou militants du monde virtuel d’affubler leurs adversaires ou ennemis politiques de divers qualificatifs diffamatoires et stigmatisants. Parmi ceux-là, les termes « confusionniste », « rouge-brun », « conspirationniste » ou « antisémite » ont le vent en poupe. Ces étiquettes sont autant de termes destinés à salir et à discréditer ceux que l’on vise, tout en faisant l’économie d’une critique politique construite.
Quitter le champ politique pour les rivages de la réprobation morale permet de se poser, à peu de frais, en gardien d’une orthodoxie imaginaire, de cacher ses propres faiblesses d’analyse et ses incohérences.
Si le fait d’essayer de poser des lignes de partage idéologique nettes entre son combat et celui de ses ennemis est une intention louable et une nécessité politique, il faut reconnaitre que, derrière cette volonté se cache bien souvent des desseins moins honorables. Cela permet d’exister dans un petit monde politique marginal en distribuant les bons et les mauvais points. Il s’agit alors d’une posture morale davantage que politique.
L’antiracisme et l’antifascisme moral des années 80 et 90 n’ont jamais stoppé le Front national, et l’emploi de l’étiquette de « facho » pour désigner tout et n’importe qui a été contre-productif.
Reprenons une à une les catégories de ces chasseurs.
Depuis le 11/9, le qualificatif « conspirationniste » est employé à tort et à travers. Cette étiquette infamante couvre d’opprobre les auteurs de textes présentant des doutes et des critiques légitimes autant que les faiseurs de récits délirants fondés sur une idéologie plus que douteuse. Depuis le début des années 2010, certains militants « antifascistes de sensibilité libertaire » se sont autoproclamés experts en conspirationnisme « de gauche ».
Animés par une logique relevant du soupçon policier, ils considèrent que tout relais de texte ou d’information depuis une source « suspecte » implique obligatoirement une adhésion idéologique totale, même lorsque cela est fait en toute ingénuité. Ainsi, l’utilisation d’un texte venant d’un site conspirationniste, fait forcément de vous un conspirationniste, quand bien même le texte seul ne permettrait aucunement de le laisser croire, et malheur à vous si une de vos productions est reprise par ce genre de sites : cela est la preuve irréfutable de vos accointances avec la « bête immonde ».
Il n’est pas question de nier l’existence de thèses conspirationnistes et de leur impact politique auprès des classes populaires et au-delà, mais de mettre en garde contre une propension à l’accusation généralisée contre toute forme de discours critique.
Cette chasse aux sorcières conspirationnistes aboutit à la disqualification de toute remise en cause des discours officiels et institutionnels, ne faisant que délégitimer les critiques contre certains états et organismes financiers. Les doutes ou le scepticisme deviennent suspects contribuant ainsi à faire croire que nous vivons dans un monde libre de toute désinformation, manipulation ou collusion d’intérêts. Cette critique généralisée du « conspirationnisme » ne repose sur aucune analyse politique et provient souvent d’une méconnaissance totale du phénomène. Elle ne fait que jeter l’anathème sur une partie des gauches radicales et des discours critiques qu’elles peuvent porter, servant en cela les intérêts de ceux qui nous dirigent.
Une telle vision des choses aurait conduit, en d’autres temps, à taxer de conspirationnistes ceux qui remettaient en cause la propagande américaine autour des armes de destruction massive irakiennes, ceux qui dénonçaient l’implication de la CIA et du Pentagone derrière nombre de coups d’état militaires en Amérique latine et ailleurs, ceux qui dévoilaient les expérimentations pharmaceutiques sur les populations africaines et ceux qui révélaient les ententes secrètes entre multinationales ou l’existence de certaines coteries commerciales ou politiques .
Étrange posture pour des militants « libertaires » qui rejoignent ainsi des positions similaires à celles des néo-conservateurs et fait cause commune avec des propagandistes néo-libéraux et les gardiens du temple républicain.
Confusionnisme et rouge-brunisme
Ces qualificatifs stigmatisants, ne répondent jamais à une définition claire tout comme les termes « confusionniste » et « rouge-brun », très appréciés de ces mêmes chasseurs de confusionnistes. Ils renvoient à l’idée d’une stratégie d’infiltration des droites radicales dans les mouvements de gauche pour le premier et à l’« aile gauche » de la révolution conservatrice allemande et du nazisme pour le second. L’emploi de ces étiquettes fourre-tout relève de la pure et simple escroquerie intellectuelle. Ils laissent entendre que les croyances et engagements politiques seraient simples, cohérents et sans ambiguïté, ou que des idéologies opposées ne pourraient se mobiliser sur des combats similaires, et ce même lorsque les raisons de ces engagements n’ont strictement rien de commun.
Selon ces représentants auto-proclamés d’une inquisition « libertaire », la gauche non gouvernementale serait donc infiltrée par d’horribles rouge-bruns visant à promouvoir des thèses d’extrême droite et à soutenir des régimes « malfaisants » (Russie, Chine, Iran, Venezuela). Cette gauche serait le masque de l’Axe du Mal en France.
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