Le président burundais, Pierre Nkurunziza, (photo ci-contre) a été réélu sans surprise dès le premier tour pour un troisième mandat après avoir plongé, par sa candidature, ce petit pays des Grands Lacs dans sa pire crise depuis la guerre civile.
Élu en 2005 et réélu en 2010, M. Nkurunziza a obtenu 69,41 % des suffrages exprimés lors du scrutin de mardi, selon les résultats proclamés vendredi par le président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Pierre-Claver Ndayicariye.
Aussitôt dénoncés par l’opposition qui avait appelé à boycotter le scrutin, ces résultats n’ont suscité aucune réaction dans la capitale, Bujumbura, théâtre de manifestations quasi quotidiennes jusqu’à la mi-juin et où continuent des violences politiques.
La mission d’observation de la Communauté est-africaine a jugé vendredi que le scrutin n’avait pas répondu « aux normes » d’une « élection libre, équitable, pacifique, transparente et crédible », et dénoncé le climat « d’angoisse » et les restrictions aux libertés.
La communauté internationale avait estimé que les conditions n’étaient pas réunies pour des élections crédibles. L’Union européenne avait retiré sa mission d’observation.
Crise et violences
La candidature de M. Nkurunziza à un troisième mandat, que ses adversaires jugent contraire à la Constitution, a plongé le pays dans une crise émaillée de violences, qui ont fait plus de 80 morts depuis fin avril et poussé plus de 160 000 Burundais à fuir dans les pays voisins.
Principal opposant, Agathon Rwasa, qui représentait une coalition d’opposition, arrive en deuxième position avec 18,99 % des suffrages. Il gagne d’une courte tête dans les provinces du Bujumbura rural, son fief, et de Rumonge (sud-est).
Pascal Nyabenda, président du CNDD-FDD, le parti du chef de l’État, a invité l’opposition au dialogue, mais exclu qu’y soient discutées l’organisation de nouvelles élections ou la légitimité du troisième mandat.
L’opposition ne dira « jamais qu’il y a eu des élections crédibles. Nous n’acceptons pas les résultats et les institutions qui en seront issues », a réagi un de ses dirigeants, Jean Minani, crédité de 1,36 % des voix, malgré le retrait de sa candidature.
« Nous appelons la communauté internationale à ne pas reconnaître ces résultats et à continuer à faire pression pour qu’il y ait de véritables négociations » en vue de nouvelles élections, a-t-il lancé.
Difficultés à venir
Cette victoire acquise, les difficultés ne font que commencer pour M. Nkurunziza. En s’obstinant à briguer ce troisième mandat, le président a profondément divisé son pays, qui se relevait péniblement des traumatismes d’une longue guerre civile (300 000 morts entre 1993 et 2006).
Après avoir déjoué une tentative de coup d’État militaire, les autorités ont finalement maté en juin six semaines de manifestations, au prix d’une brutale répression, parfois à balles réelles. Mais des combats ont récemment opposé l’armée à des rebelles dans le Nord, alors qu’attentats à la grenade et assassinats politiques se poursuivent, notamment à Bujumbura.
M. Nkurunziza s’est en outre mis à dos ses partenaires internationaux, dont l’aide est cruciale pour le Burundi, classé parmi les dix nations les moins développées.
Jugeant que Bujumbura n’avait pas pris les mesures pour garantir des élections aux « résultats représentatifs », l’UE, premier partenaire du pays, a annoncé jeudi vouloir lancer la longue procédure en vue d’une possible suspension de sa coopération et a menacé d’imposer des sanctions contre certains responsables.
Washington a estimé la présidentielle « non crédible » et avait averti dès mercredi vouloir « attentivement réexaminer tous les aspects de [son] partenariat ».
Les principaux partenaires du Burundi ont déjà gelé une partie de leur aide.