Le conseil des ministres britannique s’est délocalisé à titre exceptionnel en Ecosse dans le port pétrolier d’Aberdeen, lundi et en a profité - sous prétexte d’un point sur l’or noir en mer du Nord - pour intensifier sa campagne contre l’indépendance de cette région.
C’est la troisième fois en un siècle que le gouvernement britannique se réunit en Ecosse, territoire britannique riche en hydrocarbures.
Ce conseil se veut un symbole politique fort à sept mois du référendum sur l’indépendance, alors que la campagne électorale s’est accélérée ces dernières semaines, avec des débats enflammés sur la monnaie et l’intégration d’une Ecosse indépendante dans l’Union européenne, en cas de victoire du oui.
Illustration du fossé qui sépare les autorités britanniques et écossaises, les deux gouvernements se réunissaient le même jour à une dizaine de kilomètres l’un de l’autre pour discuter de la manne pétrolière : le secteur a généré 7 milliards d’euros de revenus en 2012-2013, et emploie directement et indirectement 450 000 personnes.
Le Premier ministre écossais Alex Salmond, qui rêve d’une indépendance dopée à l’or noir, a dénoncé cette situation incongrue. "Puisqu’on est tous les deux au même endroit et à peu près au même moment, pourquoi n’avons-nous pas un débat ?", a demandé le leader nationaliste à l’adresse du chef du gouvernement britannique, David Cameron.
"Il y a une différence entre débarquer en jet en Écosse, et avoir un vrai débat démocratique sur l’avenir de l’Écosse", a-t-il ajouté à son arrivée en bus à Porthlethen, petite ville située au sud d’Aberdeen, la capitale pétrolière de l’Europe.
Alex Salmond réunissait son cabinet alors qu’il se retrouve sur la défensive après avoir été récemment visé par le ministre britannique de l’Économie George Osborne et le président de la Commission européenne José Manuel Barroso : le premier a rejeté l’idée d’une union monétaire en cas d’indépendance de l’Écosse et le second a sérieusement mis en doute la possibilité d’intégrer l’UE en cas de victoire du oui.
Cameron sur une plateforme pétrolière
Les réunions des deux conseils des ministres coïncident avec la publication lundi d’un rapport sur la nécessité d’importantes réformes pour maximiser la production d’hydrocarbures en mer du Nord. Les bénéfices pétroliers pourraient représenter jusqu’à 242 milliards d’euros sur les 30 prochaines années, selon ce rapport.
Avant de présider le conseil, David Cameron s’est rendu symboliquement sur une plateforme BP off-shore située à quelque 200 km des côtes écossaises. Lors de cette visite, j’ai pu voir combien les larges épaules du Royaume-Uni assurent la stabilité nécessaire à l’industrie pour qu’elle puisse investir, a déclaré le Premier ministre qui a rencontré le responsable régional de BP Trevor Garlick.
Les champs pétroliers et gaziers en Écosse s’épuisent, la production s’est effondrée de 50% ces dix dernières années, et les dernières réserves sont de plus en plus difficile à exploiter.
Les rentrées fiscales provenant du pétrole et du gaz en 2012-2013 ont ainsi été inférieures de 5,7 milliards d’euros par rapport à l’année précédente, selon les services de M. Cameron. Ce manque à gagner représente plus d’un tiers du budget de la santé de l’Ecosse ou deux-tiers de ses dépenses en matière d’éducation, a mis en garde la même source.
Le Royaume-Uni est bien placé pour absorber les chocs de la volatilité du prix du pétrole qui affecteraient considérablement l’économie d’un petit pays, a fait à cet égard valoir Downing Street, dans le cas où l’Écosse accéderait à l’indépendance.
Une indépendance qui reste loin d’être acquise : selon un sondage publié dimanche, 37% des Écossais comptent voter oui au référendum du 18 septembre, contre 49% pour le non.
Une victoire du oui signerait l’éclatement du Royaume-Uni actuel composé de l’Angleterre, du Pays de Galles, de l’Écosse et de l’Irlande du Nord.