Il est clair que la naissance du Média de Mélenchon – même s’il prétend que ce support audiovisuel n’est pas lié à son parti politique La France insoumise – a fait flipper les médias de gauche bien-pensants... ou pro-sionistes.
On pourrait dire que Le Média est aussi de gauche bien-pensante, mais il penche plus du côté du social que ses grandes sœurs. Et ses grandes sœurs n’ont pas exactement été des fées qui se sont penchées sur le berceau du petit : aussitôt après les vagissements de l’enfant du couple Miller & Chikirou, Mediapart a tiré à boulets rouges sur le futur concurrent. Dans la savane, les prédateurs tuent généralement les petits des autres prédateurs : les lions tuent les bébés léopards, les hyènes tuent les lionceaux, histoire de limiter la casse due à la concurrence montante.
Après Mediapart, qui flinguait le Média sous prétexte d’information (elle a bon dos, l’info, quand on déglingue un concurrent), Arrêts sur image de Schneidermann s’y est mis, toujours sous prétexte d’informer les ignorants, puis Le Monde avec l’inénarrable Ariane Chemin, la porte-flingue de la direction qui fait un peu le sale boulot politique. C’est une commissaire politique déguisée en journaliste.
Tous les médias de gauche qui ont eu peur de la montée de la tendance France insoumise ont donc mis une pièce sur la mort du Média car en politique, tout peut aller très vite : Mélenchon, qui était hier la risée du PS, est devenu son fossoyeur. En Italie, le petit leader d’un parti groupusculaire est devenu le maître du pays. C’est pourquoi les agents du Système tuent ou essayent de tuer dans l’œuf tout ce qui ressemble à une concurrence inquiétante. On en sait queque chose, sur E&R.
Voici le long préliminaire de l’article à charge (multiple) de Mediapart sur Le Média :
« La crise a été violente, début juillet. Congés aidant, en attendant le lancement de la saison 2 en septembre, Le Média espérait retrouver un peu de sérénité après le départ précipité de l’une de ses cofondatrices, Sophia Chikirou. Sur fond de désaccord financier, c’est le contraire qui se produit. Deux clans s’affrontent. L’ex-conseillère de Jean-Luc Mélenchon et ses alliés d’un côté, dont la majorité a désormais quitté l’aventure, et le nouveau trio à la tête du Média, Gérard Miller et Henri Poulain, également cofondateurs, et la journaliste Aude Lancelin.
À l’issue d’un séminaire interne mouvementé au début de l’été (que Mediapart avait documenté), qui a révélé des fractures au sein des équipes et des divisons quant à la stratégie à adopter pour pérenniser la webtélé alternative, Sophia Chikirou avait démissionné de son poste de présidente de l’entreprise de presse du Média (EDPLM), qui salarie les journalistes, pour laisser la place à Aude Lancelin, ancienne de l’Obs, le 10 juillet. Sophia Chikirou avait conservé la tête de la société de production (SDPLM), qui gère tous les aspects techniques.
Mi-juillet, nouveau coup de théâtre dans la vie plus que tourmentée de la jeune chaîne de télévision, diffusée depuis le 15 janvier 2018 : Sophia Chikirou, qui avait déjà rejoint la plateforme européenne des Insoumis dans la perspective des prochaines élections, laisse finalement son mandat à la tête de SDPLM. Elle est officiellement remplacée par Stéphanie Hammou, précédemment directrice de production. Dans le même temps, Gérard Miller, autre cofondateur, abandonne la présidence de l’association Le Média, qui chapeaute les deux sociétés. Il est remplacé par Hervé Jacquet, associé d’Henri Poulain, l’un des initiateurs du projet.
Simple jeu de chaises musicales comme il en existe dans tant d’entreprises ? Bien plus que cela. Car, tout au long du mois de juillet, la crise s’est incrustée. Nouveaux départs, guerre de clans, découverte de bizarreries comptables : le Média a continué d’être chahuté. C’est ainsi que le 31 juillet, les deux cofondateurs que sont Henri Poulain et Gérard Miller ont dû faire une mise au point auprès des socios, dans leur groupe Facebook privé, pour tenter de faire cesser une campagne contre la nouvelle direction.
Mediapart a pu rassembler de nombreux éléments du puzzle qui ont mené Le Média à cette situation explosive et obligé la nouvelle équipe à réorienter le projet de cette télévision “humaniste, progressiste, écologiste et féministe”. »
Le pure player de Plenel se réjouit de la tension qui fait exploser Le Média, en se basant sur des documents financiers et des coups de balance, c’est de bonne guerre. C’est de ça que vit (très bien) Le Canard enchaîné, ce bureau des pleurs et des vengeances qui rapporte.
- Aude à la télé mainstream, avant son virage à gauche (sociale)
- Sophia, la brune qui murmure à l’oreille du boss
Il y a deux façons de traiter le sujet, si l’on sort du registre affectif concurrentiel : le premier, c’est la blonde contre la brune, Lancelin contre Chikirou. Les deux sont d’ailleurs très jolies. Ça c’est le traitement presse féminine.
L’autre c’est le traitement politique, qui se fonde sur l’union pas très sacrée entre deux formes de gauche, qui sont selon nous irréconciliables : la gauche sioniste à la Miller, et la gauche plus sociale, donc moins sionarde (c’est mathématique), à la Lancelin. Avec Mélenchon au milieu ou à la pointe du triangle qui essaye de faire tenir l’attelage. Il est certain que les oscillations du leader de LFi autour de la ligne de démarcation française – la ligne sioniste qui partage le champ politique en deux camps vraiment opposés – ont créé quelques remous au sein du CRIF, ce cabinet noir qui fait office de ministère de la Justice et de l’Intérieur bis.
On n’essaye pas de sous-entendre que c’est le CRIF qui donne ses ordres pour faire éclater Le Média – faut pas exagérer non plus – mais la césure entre les gauches se retrouve immanquablement chez Mélenchon, pas vraiment opposant profond mais opposant quand ça l’arrange. Le refus de se poser en ennemi déclaré du CRIF malgré deux ou trois saillies calculées n’a pas permis au leader de clarifier sa position face au Système, car le CRIF, c’est le Système. Du coup, Mélenchon a bêtement laissé filer les patriotes, malgré là aussi quelques discrètes mains tendues (aussitôt contredites par ses lieutenants Obono et Corbière), du coup il se retrouve avec un électorat à la fois limité et de nature incompatible : les uns orphelins du socialisme bon enfant, les autres désireux d’en découdre avec l’oligarchie.
Ces deux gauches, la gauche sioniste et la gauche antisioniste, sont aujourd’hui plus opposées entre elles qu’hier la droite et la gauche. En face, la droite sioniste qui bénéficie de toute la puissance du pouvoir profond, avance ses pions, raflant une partie des patriotes crédules. En face de cette droite sioniste, il faut une gauche antisioniste assumée. Mélenchon ne pourra pas toujours tourner autour du pot, s’il veut passer de 20 à 30% au premier tour de la prochaine échéance présidentielle...
Situation toujours aussi « explosive » au Média, détaille ce vendredi [10 août 2018] Mediapart, qui révèle que Sophia Chikirou, laquelle avait abandonné en juillet sa double casquette à la tête de l’entreprise de presse et de sa société de production, était rémunérée comme prestataire via sa société Mediascop.
« En résumé : via sa société Mediascop, dont elle est l’unique actionnaire, la consultante Sophia Chikirou donnait des conseils à la présidente Sophia Chikirou », écrit Mediapart, qui évoque deux virements pour un total de 130 000 euros [et non pas deux virements de 130 000 euros chacun, NDLR] dont des « prestations de direction conseil et stratégique » à 400 euros la journée entre janvier et juillet 2018. Une révélation qui intervient dans un contexte de guerre intestine entre l’ancienne et la nouvelle équipe de direction, au sujet, entre autres, de la sincérité des comptes de l’entreprise présentés en juin dernier.
Sophia Chikirou assure que
« tout le monde au Média était informé de ces prestations, surtout les fondateurs puisque les trois sociétés des fondateurs fournissaient des prestations de communication et audiovisuelles pour lesquelles le Média n’avait pas les compétences en interne. »
Ce que la nouvelle direction conteste. Par ailleurs, Sophia Chikirou avait toujours expliqué qu’elle exerçait sa mission à la tête du Média de façon bénévole.
« Volonté de tuer le Média »
Le 27 juillet dernier, alors que l’ancienne spin doctor de Jean-Luc Mélenchon était censée laisser les rennes à la nouvelle direction du Media, « Sophia Chikirou a demandé au Crédit du Nord de faire trois virements : les deux premiers à deux des six autoentrepreneurs ayant travaillé pour le Média, le troisième à sa propre société, Mediascop, d’un montant de 67.146 euros ». Le virement a été bloqué par la banque mais deux jours plus tôt, un chèque de 64.119 euros avait été débité du compte du Média au profit de la société Mediascop. Les documents publiés par Mediapart montrent que dès le 13 juillet, Sophia Chikirou avait présenté par courrier la facture à la direction du Média et exigé un paiement à réception.
« J’ignorais que la société de Sophia Chikirou était prestataire du Média », explique la journaliste Aude Lancelin, nouvelle directrice du Média, qui dit considérer « cette facture comme une volonté de tuer le Média, par dépit, alors même que Sophia m’avait personnellement demandé de prendre sa succession et avait tenu à se féliciter publiquement de mon élection ».