je ne sais pas comment tu fais pour voir les mains sales sur des images en noir et blanc en elle-même très sales, mais dans tous les cas oui on ne prenait pas une douche une fois par jours à l’époque, c’est sûr.
quant aux figures, il faut se rappeler que pour ces gens-là, une photo c’est un moment solennel, et que sourire "figé" pour ces gens-là donne l’air d’un nigaud, ou d’un enfant. C’est la même chose pour les peintures, vous en avez vu beaucoup sourire sur les toiles de maître ? si la jeune fille a la perle avait sourit, elle aurait quand même eu l’air un peu nunuche, et on n’aurait pas pu réellement la regarder, cachée derrière son sourire et sa séduction.
C’est comme ça, à l’époque on ne se fait pas prendre le portrait tous les jours, alors mieux vaut ne pas se rater : les notables se donnent des airs redoutables, les gens communs, eux, ne se donnent pas d’air, relâchent les muscles, parce que l’image fixe de l’humanité pour eux, c’est le portrait ou la statue, et ces choses-là ne sourient pas. Elles ont autre chose à révéler, à quoi le sourire leur ferait manquer.
Aujourd’hui dans notre civilisation très photogénique, très couleur, très solaire, angoissée à se rendre aimable, les visages peuvent se confondre dans une débauche de sourires marqués, dans les plis et surplis, l’agitation, le mouvement. Le sourire appartient au temporel, il est de circonstance, renvoie à la courtoisie, la salutation, la séduction, ce n’est pas l’impression d’une âme qui se voudrait permanente dans la matière.
De nos jours, ce n’est pas très grave de manquer cette permanence. Une photo ratée, mille photos ratées, il y en aura d’autres. Avec un sens de l’économie à la 1900, peut-être ferions-nous plus attention devant l’objectif, et, naturellement, reviendrions vers un sens plus antique et plus "sacré" de l’image ?
parce que, franchement, je ne crois pas que notre génération soit plus gaie que les précédentes. ce n’est pas eux qui se demandaient si "enculé" ne risquait pas d’être vexant pour un pauvre sodomite.