Bruno Bilde, élu du Pas-de-Calais, est accusé par plusieurs anciens assistants parlementaires de harcèlement sexuel. Le Front national tente de minimiser l’affaire.
Un après-midi d’octobre, dans sa chambre d’étudiant. Alexandre, 22 ans, se repose un instant sur son lit entre deux révisions, fait un tour sur Twitter, déroule le fil d’actu sur l’écran de son téléphone portable. On est quinze jours après l’éclatement dans la presse de l’affaire Weinstein. Affaire qui a libéré dans son sillage la parole de milliers de femmes, aux États-Unis comme en France, victimes d’autres hommes, de « leur » Harvey Weinstein, à des degrés divers. Ce lundi, la timeline d’Alexandre est inondée par le hashtag #BalanceTonPorc. Ça parle des agressions ou du harcèlement sexuel au travail ou ailleurs, des réflexions, des gestes déplacés. Des histoires vécues, dépeignant surtout les milieux des médias, de la politique, dans ce qu’ils ont de plus sale et sexiste : pressions, propositions malsaines, attitudes obscènes, ou pire encore. Alexandre, ex-assistant d’une eurodéputée FN, décide d’ajouter une pierre au mur des témoignages, « histoire de montrer que tous les partis sont concernés et que ça ne touche pas que les femmes, mais aussi les hommes », expliquera-t-il plus tard. « Vous croyez que je peux balancer un type aujourd’hui député qui ressemble à un goret libidineux et qui nous mettait des mains ? » interroge-t-il via son compte Twitter, prenant soin de ne pas en dire plus – et surtout pas de révéler l’identité de l’homme qu’il désigne ainsi. Mais dans la petite sphère frontiste, que l’ancien assistant parlementaire a côtoyée, certains saisissent la référence : ce doit être Bruno Bilde. Alertés, des journalistes contactent Alexandre. Le nom est confirmé du bout des lèvres.
Bruno Bilde n’est pas très connu du grand public. Les Français ne l’ont découvert qu’en juin, à la faveur d’un vote le propulsant à l’Assemblée nationale. Peu médiatique, volontairement discret, il n’en est pas moins un rouage majeur de l’appareil frontiste. À 41 ans, il est « conseiller spécial » de Marine Le Pen depuis des années, fut un temps son chef de cabinet, et reste un fin connaisseur des intrigues internes au Front national. Au courant de tout, omniprésent. Fils de la députée européenne Dominique Bilde, il est aussi proche de Steeve Briois, l’actuel secrétaire général du parti d’extrême droite et maire de Hénin-Beaumont, ville du Pas-de-Calais et terrain électoral de prédilection de Marine Le Pen (elle y a été élue aux dernières législatives). Bref, au Front national, Bruno Bilde est « incontournable ».
C’est ainsi, en tout cas, que Mickaël décrit, un dimanche de novembre sur France 5, l’homme qu’il accuse de l’avoir harcelé. Comme Alexandre, Mickaël est un ancien assistant parlementaire qui a « décidé de parler », « parce que c’est le moment, que la période aide ». Il a rencontré Bruno Bilde pour la première fois aux Journées d’été des jeunes avec Marine organisées à Nice, en septembre 2011. Mickaël a 20 ans à l’époque et est venu en qualité de contractuel à la fédération FN d’Ile-de-France. « La première chose qu’il m’a dite, c’est : "Tu as un beau cul." Pas "bonjour", ni rien. Je ne l’avais jamais vu de ma vie, il ne savait même pas qui j’étais », raconte-t-il.