À la demande de la Suisse, les juges de Strasbourg ont réexaminé mercredi l’affaire qui oppose Berne à Doğu Perinçek. Le nationaliste turc avait qualifié le génocide arménien de « mensonge international ».
La Grande Chambre de la Cour européenne des droits l’homme (CEDH) à Strasbourg a réexaminé mercredi l’affaire Perinçek contre la Suisse.
Comme dernière instance, elle devra trancher entre la norme antiraciste invoquée par Berne à propos de la négation du génocide arménien et la liberté d’expression soutenue par le Turc et Ankara.
Rappel des faits
Condamné en 2007 par la justice vaudoise pour discrimination raciale parce qu’il avait qualifié le génocide arménien de « mensonge international », Doğu Perinçek a obtenu gain de cause en 2013 devant la Cour de Strasbourg, celle-ci estimant que sa liberté d’expression avait été violée.
Face à ce désaveu, la Suisse a demandé le réexamen du cas devant l’instance ultime, la Grande Chambre de la CEDH.
Si l’affaire est complexe, elle n’en déchaîne pas moins les passions. Environ 40 journalistes et 400 personnes étaient inscrites pour suivre l’audience, sans compter les nombreux partisans venus manifester devant le bâtiment.
La décision de la Cour, définitive, tombera à une date non précisée.
« Pas raciste », clame Perinçek
Doğu Perinçek et son avocat ont été les premiers à prendre la parole. Le chef du Parti des travailleurs de Turquie (extrême gauche) a affirmé qu’il n’avait jamais dit « un seul mot de haine, de ressentiment contre les Arméniens ». Il a mis au défi quiconque de démontrer qu’il était un raciste : « Le racisme, c’est une honte. »
- Amal Clooney, la femme de l’acteur George Clooney, a défendu le point de vue de l’Arménie.
À ses yeux, l’Empire ottoman « n’a pas eu l’intention de supprimer totalement la population arménienne ». Doğu Perinçek a dit « partager » ces souffrances face aux massacres.
Ses propos condamnés à Lausanne étaient basés sur une argumentation scientifique, avec des dizaines de kilos de documents, mais de toute manière la liberté d’expression doit primer, a-t-il répété.
Le point de vue suisse
La Suisse a défendu son point de vue en soulignant que la norme antiraciste utilisée contre le Turc Doğu Perinçek visait à protéger la paix publique et non pas la vérité historique.
Aux propos de Doğu Perinçek, qui a qualifié en 2005 en Suisse le génocide arménien de « mensonge international », il faut ajouter « l’intention haineuse », a relevé la délégation helvétique en rappelant l’arrêt du Tribunal fédéral.
- L’avocat Frank Schürmann, représentant de la Suisse.
« Aucun des propos [de Doğu Perinçek] n’a étayé le débat juridique », a plaidé Frank Schürmann, l’agent de la Confédération à la CEDH. La volonté du nationaliste n’a jamais été faire avancer la recherche historique, a martelé le responsable suisse.