Comme nous l’avions rappelé dans un précédent article (La Bundeswehr recrute), l’armée allemande ne s’appartient plus depuis 1945. Elle demeure depuis cette date intégralement subordonnée à l’OTAN, c’est à dire au Pentagone.
Le Verteidigungsministerium (ministère de la Défense) vaque donc au fonctionnement interne de sa Grande Muette (formation, équipement, armement, logistique), mais n’effectue pas le moindre mouvement opérationnel sans les ordres de Washington. Pour donner à ces ordres une couleur moins ostensiblement états-unienne, on les tamponne aux quatre lettres de l’OTAN, ça fait passer un peu mieux la pilule dans l’opinion publique germanique. La présence d’environ 38 000 GIs, toujours stationnés autour des bases de Rammstein, Pirmasens ou autres, aide à faire passer non plus la pilule, mais le suppositoire que constitue cette humiliante subordination de la Bundeswehr, pilier pourtant révéré du corps social germanique. Frédéric II, Clausewitz, Moltke, Bismarck, Hindenburg, Guderian, Van Manstein : la liste est longue de ces noms qui ont soudé l’imaginaire du peuple allemand et sa fierté quant à son corps militaire. Une armée qui, pendant un siècle, de Blücher à Rommel, était considérée par ses adversaires comme la meilleure du monde.
En 2024, il doit bien rester dans la Bundeswehr des officiers ou des soldats qui ont conscience de leur histoire, qui se souviennent du baron rouge von Richthofen, dont les actions empreintes de courage et d’abnégation confèrent à ses compatriotes une compréhensible fierté. Mais cette fierté ne peut être aujourd’hui qu’un sentiment de honte, honte de se voir obéir à des ordres venus d’ailleurs que de Berlin, honte de n’être plus maître de son destin, honte d’être forcé à prendre part à des conflits absolument contraires à l’intérêt objectif de l’économie nationale, honte de voir ses généraux recevoir leurs ordres de commissaires bruxellois n’ayant jamais tenu une arme de leur vie, honte de voir les « vainqueurs » américains toujours installés à Kaiserslautern ou Wiesbaden et dont la présence ne peut que rappeler, pour cent ans peut-être encore, la défaite et l’humiliation de 1945. L’armée allemande est une armée encore et toujours humiliée, et les USA ont cette fâcheuse tendance vétéro-testamentaire de souvent ignorer la sourde colère de celui qu’ils (main)tiennent à genoux.
Il va sans dire qu’en Allemagne, les militaires du rang savent bien que Nord Stream n’a pas été saboté par un trio de surfeurs du Club Med d’Odessa, et ils se mordent les lèvres de rage en voyant le gouvernement Scholz-Baerbock leur servir un tel bobard. Outre-Rhin, officiers et soldats subissent la même humiliation qu’en France : on envoie sur les chaînes de TV nationales leurs supérieurs les plus grotesques, les plus Gamelin pour parler en leur nom. Les officiers et les soldats de la Bundeswehr doivent vomir ces porte-paroles exactement comme les officiers et les soldats français vomissent leurs Yakovlev, Trinquand et Goya. Un Boris Pistorius doit être aussi aimé de la troupe allemande que l’était un Jean-Yves Le Drian de la troupe française.
Les médias d’outre-Rhin rapporte ces jours-ci que deux faits de sabotage auraient eu lieu sur des installations militaires : l’un sur la base de Köln-Wahn, une caserne de la Luftwaffe comptant près de 4 500 militaires, l’autre sur la base de Geilenkirchen en Rhénanie Nord-Westphalie, abritant une partie des forces aériennes de l’OTAN stationnées en Allemagne.
À Köln-Wahn, la presse relève que des soldats seraient tombés malades suite à une possible contamination de l’eau potable dispensée sur la base. À Geilenkirchen, plusieurs individus auraient été repérés en train de tenter de pénétrer dans l’enceinte des installations militaires, sans manifestement avoir pu causer de dommages. Redoutant à Geilenkirchen ce qui s’était produit la veille à Köln-Wahn, la police militaire y aurait suspendu tout usage d’eau potable pour mener des tests et prévenir toute intoxication.
Wer hinten den möglichen Aktionen steckt, ist bislang unklar (Qui se cache derrière ces actions reste encore un mystère) écrit le Tageschau, et de nous faire part de la réaction de députés du Bundestag (enfin… seulement de ceux appartenant à la coalition actuellement au pouvoir, soit Marcus Faber du FDP ou Konstantin von Notz des Grünen) accusant bien-entendu… les Russes ! Köln-Wahn comme Geilenkirchen étant des bases d’où décollent des militaires ukrainiens passés par une formation otanesque pour retourner dans le Donbass se faire hacher à Pakrovsk, la courante contractée par les troufions stationnés dans ces deux bases ne peut être imputable qu’à un seul homme : Vladimir Poutine. Le média Merkur pousse le curseur en donnant la parole à un expert en contre-terrorisme, Hans-Jakob Schindler, qui pour sa part n’exclut pas que les Russes aient pu user, pour commettre leur forfait, de proxys soit issus de la sphère islamiste-radicale, soit de la sphère d’extrême-gauche. Ou quand un média centriste espère faire d’une pierre deux coups...
Nancy Faeser, actuel ministre de l’Intérieur, avocate et politicienne socio-démocrate, entre autres membre du directoire de la fondation Denkmal für die ermordeten Juden Europas (Mémorial pour les juifs d’Europe assassinés), ayant interdit dernièrement en Allemagne les manifestations propalestiniennes tout en autorisant les manifestations contre l’antisémitisme, a assuré qu’elle mettait tout en œuvre pour retrouver les responsables de l’inconfort intestinal des soldats affectés au service de l’OTAN à Cologne et Geilenkirchen. Au vu du traitement par son gouvernement du dossier Nord Stream, on attend son enquête avec l’impatience qu’on mettrait à découvrir le nouvel et 622e épisode de Derrick.
Ce que ni Pistorius ni Faeser ni Scholz ne nous diront, c’est si cet acte de sabotage d’une base otanesque s’avérait avoir été l’œuvre d’un… soldat allemand. Un gars de la troupe ou un officier, croyant au droit des nations à décider d’elles-mêmes pour elles-mêmes, croyant dans le fait que son pays, l’Allemagne, ne doit pas demeurer plus longtemps sous l’occupation de ses libérateurs de 1945, qu’il est temps que ceux-ci quittent la Hesse, la Rhénanie ou le Bad-Wurtemberg, et qu’ils cessent d’utiliser l’Allemagne comme un proxy qu’on envoie faire une guerre où il a tout à perdre. Bref, qu’ils s’en retournent de l’autre côté de l’Atlantique où ils auraient dû repartir au sortir de Nuremberg.
Un résistant qui dirait : militaires patriotes de tous les pays otanisés, chantons à l’unisson, US GO HOME !