Au début de ce mois, le chef du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (North American Aerospace Defense Command, NORAD), l’amiral américain William Gortney, a affirmé que la Corée du Nord avait la capacité de lancer un missile intercontinental doté d’une tête nucléaire susceptible d’atteindre la côte ouest des États-Unis.
« Notre évaluation est qu’ils [ndlr, la Corée du Nord] ont la capacité de mettre une arme nucléaire sur un [missile] KN-08 et de le lancer », a en effet déclaré l’amiral Gortney, lors d’un point-presse du Pentagone.
Cette affirmation a suscité de la surprise étant donné que, jusqu’à présent, rien n’a indiqué la mise en service opérationnelle du missile KN-08, dont une maquette a été exhibée lors d’un défilé militaire à Pyongyang en avril 2012. Monté sur un lanceur mobile, cet engin faisait encore l’objet d’essais – du moins ses moteurs – en mai 2014. Du mois, c’est ce qu’avait suggéré, à l’époque, l’examen de photographies prises par satellite du complexe de Sohae.
Quant à savoir si l’armée nord-coréenne dispose effectivement de têtes nucléaires, c’est une autre histoire. L’on sait que la Corée du Nord a procédé à trois essais nucléaires (en 2006, 2009 et 2013) mais il est difficile de savoir avec certitude où en est son programme.
Toutefois, en janvier dernier, une étude de l’institut américano-coréen de l’université John-Hopkins à Washington, fondée sur les avancées estimées du régime de Pyongyang en la matière, a établi trois hypothèses.
La première estime que la Corée du Nord pourrait détenir 100 armes nucléaires d’ici 5 ans. La seconde, décrite comme étant la plus probable, voit cet arsenal en compter 50 à cette échéance, du moins si le progamme nord-coréen se poursuit à son rythme actuel. Enfin, selon la dernière, Pyongyang posséderait déjà jusqu’à 20 armes nucléaires, dont certaines seraient suffisamment miniaturisées pour être portées par un missile balistique capable d’atteindre le Japon.
« Ces estimations sont construites sur une hypothèse de la quantité de matière fissile que dispose le pays, de l’uranium 235 ou du plutonium 239, qui permet de créer l’arme nucléaire. C’est un calcul assez simple à réaliser », avait expliqué Camille Grand, de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), à iTELE, au sujet de cette étude.
Visiblement, la Chine partage cette dernière hypothèse, rapporte le Wall Street Journal. Lors d’une réunion avec leurs homologues américains, en février, des experts chinois ont en effet estimé que la Corée du Nord est sans doute en possession de 20 ogives nucléaires et qu’elle a les capacités suffisantes d’enrichissement de l’uranium pour doubler cet arsenal d’ici 2016.
Ayant pris part à cette réunion évoquée par le quotidien économique, Siegfried Hecker, un spécialiste américain du programme nord-coréen, a estimé qu’il sera désormais plus compliqué pour la communauté internationale de persuader Pyongyang de renoncer au nucléaire.
« Plus ils croient disposer d’un arsenal nucléaire entièrement fonctionnel et dissuasif, plus cela va être difficile de les convaincre de s’en détourner », a-t-il en effet confié au Wall Street Journal.
Maintenant, posséder des armes nucléaires est une chose. Disposer des vecteurs fiables pour éventuellement les utiliser en est une autre. Selon une autre étude de l’institut américano-coréen publiée au début du mois, « la Corée du Nord a déjà atteint un niveau de développement sur le plan des vecteurs d’arme nucléaire qui lui permettra de se positionner comme une petite puissance nucléaire dans les années à venir ».
Ainsi, le missile KN-08, qui aurait une portée de 7 500/ 9 000 km, pourrait être opérationnel en 2020 et le Musudan, classé parmi les IRBM (missile balistique de portée intermédiaire), serait déjà en service. Or, il est estimé qu’il pourrait atteindre l’est de l’Asie ainsi que les bases américaines de Guam et d’Okinawa.