Il y a dans l’actualité politique comme dans celle de la mode des « tendances ». En ce qui concerne la Syrie, les commentateurs et analystes ont, par exemple, privilégié un temps le cas des milliers de réfugiés syriens de Turquie. Il est aujourd’hui difficile d’avoir la moindre nouvelle de ceux-ci, comme s’ils étaient « démodés » depuis que nombre d’entre eux ont choisi de regagner leur pays.
La dernière « tendance » – qui s’est imposée voici quelques jours seulement – c’est de pointer l’ « isolement croissant » du régime. Les médias d’Occident semblent très excités par les récentes condamnations ou prises de distance émanant de la Ligue arabe et du Conseil de coopération du Golfe.
Certains des Etats membres du CCG -Arabie Saoudite, Koweit et Bahrein – ont même rappelé théâtralement, dimanche 7 et lundi 8 août, leurs ambassadeurs et le roi Abdallah d’Arabie Saoudite est sorti de sa traditionnelle réserve pour condamner la répression en Syrie, exigeant que s’arrête « la machine à tuer et l’effusion de sang« .
L’ « autorité morale » des monarchies pétrolières Cette recommandation, venant d’un monarque absolu ne tolérant pas la moindre contestation chez lui et ayant envoyé ses troupes réprimer le soulèvement populaire chiite au Bahrein, est tellement surréaliste que même la correspondante de l’Associated Press à Beyrouth le remarque au passage. Et faut-il parler des dictatures couronnées du Koweit et du Bahrein où l’on n’a guère hésité à tirer sur la foule – au Bahrein – voici quelques mois.
Bref la presse française convoque comme témoins de moralité anti-Bachar des autocrates – les derniers monarques absolus de la planète – dirigeant des sociétés théocratiques où femmes et minorités religieuses sont confinées dans un statut subalterne.
On accordera - un peu – plus de considération à la Ligue arabe qui a appelé, dimanche 7 août, à l’arrêt « immédiat » des violences contre les civils. Mais on attend encore qu’elle appelle à l’arrêt de l’agression de l’OTAN contre la Libye, ou à celle de la répression au Yémen ou au Bahrein, par exemple. D’ailleurs, ce « front vertueux arabe » n’a pas réussi à enrôler sous sa bannière le Liban, dont le gouvernement est faborable à Damas, ni l’Irak qui entretient de bons rapports avec son voisin, ni même la Jordanie, plutôt pro-occidentale mais qui vient de faire savoir qu’elle refusait de s’ingérer dans les affaires intérieures syriennes. Et on ne sache pas que l’Egypte ou les pays du Maghreb aient l’intention de rappeler leurs ambassadeurs à Damas.
De la Turquie, enfin, qui envoie aujourd’hui son ministre des Affaires étrangères à Damas pour exprimer la « lassitude » d’Erdogan, on a déjà dit ici (voir « Réponse du berger à la bergère » mis en ligne le 8 août) qu’elle serait bientôt contrainte de baisser d’un ton par les réalités géopolitiques de la région.
Pour le reste, rien de nouveau sous le soleil : Bachar al-Assad peut toujours compter sur l’hostilité militante des Etats-Unis et de ses vassaux européens. Le chef de la diplomatie allemande, Guido Westerwelle, a ainsi déclaré que le président syrien n’avait « plus aucun avenir » et on n’attendait à vrai dire pas moins d’un pays qui dispute à la France de Sarkozy/Juppé la place de meilleur sujet de l’écurie atlantiste.
Et, pour autant qu’on sache, la Syrie bénéficie toujours de l’appui diplomatique de la Russie, de l’Iran, du Liban, de l’Inde, du Brésil, de l’Afrique du Sud, du Venezuela.
Bref, rien de nouveau – ni de convaincant – sous le soleil des médias, seulement une désinformation de plus !