L’ancienne ministre de la Santé s’est éteinte ce vendredi 30 juin 2017 à l’âge de 89 ans. Une pluie d’hommages s’est abattue de toute la classe politico-médiatique. À entendre Christian Estrosi, « Nice et la France viennent de perdre l’une des plus grandes dames de leur histoire », car Simone était née à Nice en 1927.
Simone Veil répond à un auditeur de RMC à propos du procès de Klaus Barbie : « Écoutez, très sincèrement, je crois que je n’aurais pas été choquée par une exécution sommaire. Au fond, je me suis toujours étonnée et j’ai trouvé extraordinaire qu’il n’y ait pas des gens, victimes de cette abominable extermination qui s’est produite entre 40 et 45, et même avant 40, puisque pour nous Français c’est 40, mais pour les Allemands, pour les Polonais, ça a été avant, eh bien je trouve extraordinaire qu’il n’y ait jamais eu de recherche de vengeance individuelle. » (Le Monde du 24 décembre 1985).
La vie bien remplie de Simone est tellement connue qu’on ne va pas s’y étendre, plutôt s’intéresser à son succès médiatique, relativement disproportionné par rapport à son apport politique. Rescapée d’Auschwitz, Simone entre en politique par la petite porte de la magistrature. Cette prisonnière des camps nazis se retrouve haut fonctionnaire dans l’administration pénitentiaire. En 1970, elle devient même secrétaire générale du CSM, une obédience de gauche qui fera couler beaucoup d’encre avec son « mur des cons » 40 ans plus tard.
Femme de paradoxes, Simone, alors en poste au conseil d’administration de l’ORTF (ancêtre de France Télévisions), s’oppose à la diffusion en 1971 du film très antifrançais Le Chagrin et la pitié de Max Ophüls. Dans les années 70, elle est nommée ministre de la Santé et portera la réforme du droit à l’IVG en 1975, qui déchaînera les passions et débouchera sur 200 000 naissances en moins par an. Que Giscard compensera par 200 000 immigrés, « grâce » au regroupement familial.
À ce propos, c’est elle qui s’oppose à la politique d’aide au retour de 100 000 Algériens par an prônée par Giscard. Cette femme, qui n’était que ministre, avait donc le pouvoir de faire plier un président de la République. Une telle chose n’est possible que si la Simone était portée par un puissant réseau. Toujours à la pointe du progressisme, elle fera la promo de l’Europe à la fin des années 70. Les Français, qui l’adorent, la croient. Ils s’en mordront les doigts lors de la brutale flambée des prix due au remplacement du franc par l’euro en 2002. Et on ne parle pas du chômage de masse et de la casse sociale qui en découlent.
Après une longue carrière politique à droite teintée de gauchisme sociétal, elle atterrit à la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, un truc qui n’est pas qu’une simple fondation, mais un incroyable levier d’influence à lui tout seul. Cependant, là aussi, elle fait preuve de mesure en s’opposant en 2008 à la proposition absurde de Nicolas Sarkozy d’imposer la mémoire d’un enfant juif mort à chaque élève de CM2. Une mesure totalement délirante sortie de l’imagination d’un président qui se voulait plus juif que le roi des juifs. Le poids moral de Simone dans les grands débats de la nation a compté, on le voit.
- Sur la main du bas de son épée, sont marquées les flammes des fours crématoires, et sur l’autre côté de la garde, le nom du camp d’extermination de Birkenau.
Octogénaire, elle est reçue en grande pompe à l’Académie française, où la nation case les plus méritants de ses enfants. Sur son épée est gravé son numéro de matricule d’Auschwitz.
Les hommages pleuvent de partout
Du minable François Hollande, dernier président déchu :
« Simone Veil a traversé l’Histoire et a fait l’Histoire. Pour avoir connu l’enfer, elle s’était engagée pour faire avancer le droit et construire l’Europe. Elle fut d’ailleurs la première présidente élue du Parlement Européen. La France perd une de ses grandes consciences ».
Même Marine Le Pen y a été de sa déclaration solennelle :
« Je présente à sa famille et à ses proches mes condoléances les plus sincères. J’ai aussi une pensée pour sa famille politique, avec qui Simone Veil a défendu ses convictions avec constance. Je salue enfin le combat pour la Mémoire qui fut celui de toute sa vie »
On dirait la mort du banquier Warburg, que Céline avait décrite dans un de ses pamphlets. Une personnalité s’en va, et on devine que son poids politique est sans commune mesure avec sa fonction officielle.
Au dernier socialiste Benoît Hamon le mot de la fin, avec un résumé brutal mais clair de la grande dame : « survivante de la Shoah, ministre de la loi IVG, inlassable européenne ».
Un trident idéologique qui avait 40 ans d’avance car c’est exactement la coupe sous laquelle les Français vivent aujourd’hui, comme les trois pieds de l’oligarchie régnante. À ce titre, Simone était une visionnaire, ou à tout le moins la diseuse de prophéties autoréalisatrices.
Simone Veil en 20 dates par Le Figaro
13 juillet 1927 - Naissance à Nice de Simone Jacob.
Mars 1944-avril 1945 - Déportation à Auschwitz et Bergen-Belsen.
1945 - Études à la faculté de droit et à Sciences Po.
1946 - Mariage avec Antoine Veil.
1957-1964 - Magistrate, détachée à l’Administration pénitentiaire.
1964 - Direction des affaires civiles du ministère de la Justice.1969Conseillère technique au cabinet du garde des Sceaux, René Pleven.
1970-1974 - Première femme à être nommée secrétaire général du Conseil supérieur de la magistrature.
1974-1976 - Ministre de la Santé (gouvernement Chirac) et loi sur l’interruption volontaire de grossesse.
1976-1979 - Ministre de la Santé, chargée de la Sécurité sociale (gouvernement Barre).
Juin 1979 - Députée européenne (réélue en 1984 et en 1989).
1979-1982 - Présidente du Parlement européen.
1984-1989 - Présidente du groupe libéral au Parlement européen.
1993-1995 - Ministre des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville (gouvernement Balladur).
1998 - Membre du Conseil constitutionnel (pour neuf ans).
2007 - Publication de son autobiographie intitulée Une vie.
2008 - Le président Nicolas Sarkozy la charge d’une mission sur le Préambule de la Constitution et la « diversité ».
2010 - Un sondage Ifop la présente comme « femme préférée des Français ».
2010 - Entrée à l’Académie française.
2012 - Le 10 septembre, François Hollande, président de la République, lui remet les insignes de grand-croix de la Légion d’honneur.