Franceinfo a interrogé Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique et enseignant à Sciences Po, pour mieux comprendre le positionnement de Pékin vis-à-vis de la Russie et de la guerre.
Il ne fallait pas s’attendre de la part de France Info à une analyse impartiale de la situation, notamment sur le parallèle entre la position russe sur le Donbass et la position chinoise sur Taïwan...
Cependant, malgré cette vision biaisée, on apprend des choses sur la diplomatie chinoise, qui commence à entrer en action sur la scène internationale. Et on comprend mieux la méthode chinoise : sans éclats ni agressivité, mais avec une maîtrise subtile du discours à double sens.
D’une façon ou d’une autre, une superpuissance ne peut pas ne pas peser dans les affaires internationales, surtout quand il s’agit, dans le cas de la Chine, de la rupture de ses routes de la soie (à l’image de la rupture du gazoduc Russie-Europe) et de son rapport à Taïwan.
Une victoire définitive des Russes dans les républiques du Donbass donnerait un boulevard à la Chine pour la récupération de son île. Tout est lié. Le soutien chinois de la Russie est donc bien une affaire intérieure, doublé d’un pied-de-nez aux Américains. Qui eux commettent toutes les entorses possibles par rapport à la justice internationale. Le gendarme du monde viole les lois qu’il a lui-même édictées, et qu’il impose aux autres, surtout à ceux qui lui résistent...
La Chine a besoin de la paix pour étendre son influence commerciale dans le monde, notamment sur l’Europe, cette chasse gardée des États-Unis que ces derniers sont prêts à sacrifier pour leurs propres intérêts. Et ils sont en train de le faire, économiquement et militairement. Sans l’énergie russe et les produits manufacturés chinois, l’Union européenne risque de connaître la plus grave crise de son existence.
La Chine appuiera donc – dans un esprit de politique du fait accompli – le camp russe pour entériner le retour des républiques russophones dans le giron de la mère patrie. Les mots chinois sur « l’intégrité territoriale de tous les pays » ne sont donc que des éléments de langage. Sauf si l’on se place du côté de Pékin qui considère que Taïwan n’est pas un pays, mais un morceau de Chine arraché par les puissances anglo-américaines en 1949 !
Quant à cet Antoine Bondaz, que France Info interroge, on se demande presque s’il ne bosse pas pour le Pentagone. Mais quand on enseigne à Sciences Po... La pomme ne tombe jamais loin de l’arbre, disait oncle Jo. On l’écoute analyser la proposition diplomatique chinoise :
Il faut bien le comprendre, tout le texte est une critique des États-Unis. La Chine présente Washington comme étant responsable de la poursuite du conflit et se présente elle-même comme une puissance responsable appelant à la paix. Quand Pékin dit qu’il faut « s’abstenir de mettre de l’huile sur le feu et d’aggraver les tensions » ou déclare que « les questions humanitaires ne doivent pas être politisées », il s’agit d’une critique des États-Unis.
La Chine dit également qu’elle « s’oppose à la recherche et développement et à l’utilisation des armes chimiques et biologiques par quelque pays que ce soit ». Depuis le début de la guerre, un effort de désinformation chinois vise à répandre la rumeur de laboratoires américains travaillant sur des armes biologiques en Ukraine.
Les autres propos chinois sur « la mentalité de la guerre froide » sont une critique classique des États-Unis, pas du tout une critique de la Russie. Également, le fait de « ne pas rechercher la sécurité d’un pays au détriment de celle des autres, ni garantir la sécurité d’une région par le renforcement, voire l’expansion des blocs militaires »...
Il y a aussi une critique de l’OTAN, l’idée d’une Alliance atlantique qui s’est élargie au détriment de la Russie. L’idée que les Occidentaux ne prendraient pas en compte les intérêts légitimes de sécurité des autres pays est encore un autre élément de langage de la Chine.
« L’idée d’une Alliance atlantique qui s’est élargie au détriment de la Russie » : franchement, quand on est prof de fac, qu’on travaille dans la géopolitique, comment peut-on oser écrire ça ? Comment peut-on dire que l’encerclement atlantiste objectif de la Russie n’est qu’une « idée » ?
Dans le même genre partial, on a l’inquisitrice blonde de TV5 Monde qui interroge avec une agressive vulgarité le porte-parole de l’ambassade de Russie en France, qui reste digne. Lui, il se prend des pains de désinformation et de provocation sur tous les plateaux ! On peut parler de flegme russe...
Alexander Makogonov : Nous n’avons pas besoin des armes chinoises.
Blonde agressive : Votre armée n’est pas épuisée, vous n’avez pas besoin de munitions ?
La dangerosité des prises de position de nos dirigeants, couplée à la bêtise et/ou la malhonnêteté de nos journalistes mainstream, fait vraiment mal à la France.
« Cesser les hostilités », « lancer les pourparlers de paix », « respecter la souveraineté de tous les pays » et « renoncer à la mentalité de la guerre froide ».
Les autorités chinoises ont rendu public, vendredi 24 février, un document résumant « la position de la Chine sur le règlement politique de la crise ukrainienne », un an après le début de l’invasion russe de l’Ukraine. Ce document « n’est pas un plan de paix », a réagi le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, tout en déclarant ne pas souhaiter le « rejeter ». « La Chine réaffirme les positions exprimées depuis le début », a-t-il souligné, notant que pour que ce document soit « crédible », des représentants chinois devraient se déplacer à Kiev.
Comment interpréter le positionnement de la Chine à l’égard de l’invasion russe de l’Ukraine ? Quels sont les objectifs de Pékin et quel est son rapport à la Russie ? Franceinfo a interrogé Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique et enseignant à Sciences Po, auteur de l’article « Pékin et le conflit ukrainien : un opportunisme pragmatique » paru dans la revue Politique internationale.
Franceinfo : Comment interprétez-vous cette publication de la Chine en vue du « règlement politique » de la guerre en Ukraine ? Volodymyr Zelensky, avant de lire ces propositions, a salué le fait que « la Chine commence à parler de l’Ukraine et envoie certains signaux », mais Pékin continue, par exemple, d’employer le terme « crise ukrainienne » plutôt que de parler de guerre...
Antoine Bondaz : Il faut déjà les relativiser, car ce n’est pas la première fois que la Chine fait des propositions sur le sujet. L’aide humanitaire, la question nucléaire, la souveraineté des États, l’appel à un cessez-le-feu… Tous ces éléments avaient déjà été exprimés, mentionnés de manière directe ou indirecte par Pékin. Il n’y a pas non plus de proposition concrète dans ces douze points.
Il faut noter également que la Chine n’est pas neutre. Elle met sur une forme de fausse équivalence la Russie et l’Ukraine, mais Pékin continue de refuser de parler de guerre et refuse toujours de condamner la Russie. Ses propos, dans le texte, sur l’« intégrité, l’indépendance et l’intégrité territoriale de tous les pays » sont un élément de langage utilisé depuis le début de la guerre.
« Il ne s’agit pas de condamner la Russie – la Chine le dirait – mais de se protéger sur la question de Taïwan. »
Antoine Bondaz
Il s’agit d’une manière de dire aux Occidentaux : « Comment pouvez-vous appeler au respect de l’intégrité de l’Ukraine, alors que vous violez l’intégrité de la Chine en vous rapprochant de Taïwan ? » Or, Taïwan n’a jamais fait partie de la République populaire de Chine, alors que la Crimée et le Donbass font partie de l’Ukraine. Il s’agit de fausses équivalences utilisées par la Chine et qu’il faut déconstruire.
On ne peut dissocier le document de vendredi matin de « l’initiative de sécurité globale » présentée mardi à Pékin, après une première présentation en avril 2022. Il s’agit de promouvoir auprès de partenaires non-occidentaux des initiatives sino-centrées, des cadres alternatifs pour façonner la sécurité internationale au profit de Pékin. La Chine ne souhaite pas jouer le rôle de pays médiateur dans la guerre en Ukraine, elle veut apparaître comme une puissance responsable. Elle ne soutient pas ouvertement la Russie, son objectif est de paraître responsable et de se différencier des États-Unis.
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Il y a quelques jours, Wang Yi, ancien chef de la diplomatie chinoise et directeur du bureau central des affaires étrangères du Parti communiste chinois, a rencontré Vladimir Poutine à Moscou. Si Washington est vu comme un rival de Pékin, la Russie et la Chine sont-elles pour autant des pays alliés ?
Il ne s’agit pas d’alliés, mais d’un partenariat stratégique. Il s’agit d’une convergence d’intérêts politiques entre deux régimes autoritaires. Deux régimes pour qui leur sécurité est la priorité... Et la Chine n’est pas une menace pour le régime russe, tout comme la Russie n’est pas une menace pour le régime chinois. Chine et Russie ne sont pas parfaitement alignées, mais ces deux pays sont très proches. Il y a une vraie proximité stratégique, qui repose sur une convergence d’intérêts politiques.
La visite de Wang Yi à Moscou s’inscrit dans la continuité de cette relation. Le rapprochement s’est accéléré en 2014 avec l’annexion de la Crimée par la Russie, puis avec le tournant autoritaire en Russie et en Chine. Il y a également eu la déclaration sino-russe de Pékin, le 4 février 2022, et depuis, Pékin et Moscou continuent de se rapprocher. À ce stade, il n’y a aucune raison pour que la Chine se distance de la Russie.
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