L’aviation syrienne a survolé samedi ostensiblement Hassaké en dépit de la mise en garde américaine contre des frappes pouvant mettre en danger ses conseillers qui aident au sol les forces kurdes dans cette région du nord-est de la Syrie.
La Turquie, qui craint la montée en puissance des forces kurdes à sa frontière, s’est réjouie des frappes de Damas menées jeudi et vendredi sur les Kurdes de Hassaké, estimant que Damas avait compris que ces derniers étaient devenus « une menace pour la Syrie aussi ».
Cette semaine s’est ouvert un nouveau volet de la guerre qui fait rage depuis cinq ans, avec le bombardement pour la première fois par les avions du régime des positions kurdes sur cette ville du nord-est du pays.
C’est également la première fois que les avions de la coalition internationale, conduite par les États-Unis, dépêchés pour protéger leurs forces spéciales qui conseillent les combattants kurdes en Syrie, ont fait face aux appareils syriens, sans pour autant donner lieu à des affrontements directs.
Il n’était pas clair si les avions du régime, qui ont effectué des survols dans la nuit de vendredi à samedi, ont effectué samedi des frappes alors que de violents accrochages se déroulaient au sol, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).
À l’image du pays, la ville de Hassaké est morcelée : les deux tiers sont tenus par les forces kurdes et le reste est aux mains du régime.
Les frappes du régime ont été déclenchées après le début mercredi de combats entre la milice pro-gouvernementale et les forces kurdes à Hassaké.
Les affrontements ont fait depuis au moins 41 morts, dont 25 civils, parmi lesquels 10 enfants, a indiqué l’OSDH. Par ailleurs, des milliers d’habitants ont quitté la ville.
« Droit à la légitime défense »
Selon Fabrice Balanche, spécialiste de la Syrie, « les Kurdes veulent s’emparer de la totalité de la ville et que le régime veut conserver le siège de la province ».
La situation était calme samedi après-midi selon le correspondant de l’AFP.
Selon un haut responsable gouvernemental, pour tenter de mettre fin à la crise, une délégation de militaires russes à Qamichli, également dans la province de Hassaké, s’entretenait séparément avec les belligérants, avec lesquels Moscou entretient de bonnes relations.
Les frappes contre les positions kurdes ont entraîné jeudi une intervention des avions de la coalition pour « protéger » ses forces spéciales qui conseillent les combattants kurdes.
Le capitaine Jeff Davis, porte-parole du Pentagone, a souligné que « le régime syrien serait bien avisé de ne pas faire quoi que ce soit qui puisse mettre les [forces de la coalition] en danger. Nous avons le droit d’agir en légitime défense ».
La guerre en Syrie s’est complexifiée au fil des années avec l’implication de plus en plus importante des puissances étrangères, comme la Russie ou l’Iran, qui appuient le régime, ou les États-Unis et la Turquie, qui soutiennent l’opposition.
Les Kurdes, une « menace »
Mais si la Turquie soutient les rebelles, elle s’oppose en revanche aux combattants kurdes syriens, dont leurs frères de l’autre côté de la frontière combattent le pouvoir turc.
« Il est clair que le régime [syrien] a compris que la structure que les Kurdes tentent de former dans le nord [de la Syrie] a commencé à devenir une menace pour la Syrie aussi », a déclaré samedi le premier ministre turc Binali Yildirim.
Les Kurdes de Syrie (15 % de la population) ont autoproclamé en mars une « région fédérale » et rêvent de relier les régions sous leur contrôle dans le nord du pays, à la frontière.
Un porte-parole militaire syrien avait qualifié vendredi pour la première fois les YPG (Unités de protection du peuple kurde) en Syrie de branche du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), considéré comme un groupe terroriste par Ankara.
M. Yildirim a par ailleurs affirmé que son pays souhaitait être « plus actif » sur la crise syrienne dans les six prochains mois, estimant que le président Bachar al-Assad, « que nous l’aimions ou pas, [...] est l’un des acteurs » de la crise.
À Alep (nord), où le régime et une coalition de djihadistes et de rebelles islamistes se livrent une guerre sans merci pour le contrôle de la ville, de violents combats ont coupé de facto la route d’approvisionnement des insurgés, selon le correspondant de l’AFP.
Selon l’OSDH, depuis le début des affrontements le 31 juillet, 333 civils ont péri à Alep : 168 dans la zone rebelle et 165 dans la zone gouvernementale.