Bagarres, tentatives de suicide, menaces physiques envers l’équipage : la tension est devenue telle à bord de l’Ocean Viking que le navire humanitaire, qui a recueilli 180 migrants en Méditerranée, s’est déclaré en « état d’urgence ».
« La situation à bord s’est détériorée au point que la sécurité des 180 rescapés et de l’équipage ne peut plus être garantie », a fait savoir ce 3 juillet SOS Méditerranée, l’ONG qui affrète le bateau-ambulance Ocean Viking en proie à une multiplication des scènes de violence depuis qu’il a recueilli ses actuels occupants à travers quatre opérations réalisées entre les 25 et 30 juin.
Étant donné la « tension extrême » qui y règne, l’Ocean Viking s’est donc déclaré « en état d’urgence », une première pour un bateau de SOS Méditerranée, dont les opérations de secours en mer depuis quatre ans et demi avaient commencé avec l’Aquarius.
Affrontements ethniques, menaces de mort
Comme le rapporte l’AFP, qui dispose d’un journaliste à bord, plusieurs bagarres ont éclaté depuis le 2 juillet, principalement entre groupes ethniques. Six tentatives de suicide ont également été recensées.
Le pont est désormais divisé en plusieurs groupes, explique encore l’AFP : d’un côté, environ 130 migrants « patientent dans le calme », espérant rejoindre les rives de l’Europe après avoir fui la Libye ; de l’autre, 44 Tunisiens, Marocains et Égyptiens composent « une minorité agitée » pour laquelle SOS Méditerranée a demandé une évacuation médicale en raison de « détresse psychologique aiguë ». Entre ces deux groupes, l’équipe de l’ONG, en combinaison orange, a dû doubler ses effectifs sur le pont pour des raisons de sécurité.
Bloqués depuis plus d’une semaine en mer, certains migrants auraient en effet développé une paranoïa, explique SOS Méditerranée. Ils estimeraient que l’ONG, de mèche avec les autorités italiennes, gagne chaque jour un peu plus d’argent en les gardant à bord.
« Depuis vendredi, c’est aussi l’équipage qui est visé par des menaces, parfois de mort », toujours selon l’AFP.
« Je ne me sens pas en sécurité, il faut qu’on trouve un port maintenant, c’est une question de sûreté », explique Ludovic, un des marins-sauveteurs déjà présent du temps de l’Aquarius, résumant le sentiment général de l’équipage.
Cela fait une semaine que le navire a effectué sa première demande d’attribution d’un port pour débarquer ses passagers. Mais après sept requêtes en autant de jours auprès des autorités italiennes et maltaises – l’un des sauvetages a été effectué à cheval sur les eaux de ces deux pays, tandis que les trois autres l’ont été dans celles de Malte –, l’Ocean Viking a reçu une réponse négative des deux nations.
Dans l’immédiat, face aux motifs avancés pour procéder à une évacuation médicale, l’Italie a proposé le numéro de téléphone d’une psychologue. Une solution qu’a déplorée SOS Méditerranée, pour qui la situation actuelle est la « conséquence directe d’un blocage long et inutile en mer ». « Je suis choqué par la réponse des Italiens. Cela fait presque cinq ans que l’on fait ça [les sauvetages] et on n’a jamais rien vu de tel en matière de violence. On parle d’une situation très inquiétante, il pourrait y avoir des morts. On a besoin d’aide », réclame Nicholas Romaniuk, le responsable des opérations de secours à bord.
« C’est Malte qui nous a alertés et nous a donné la position de l’un des bateaux en détresse, et maintenant ils ne décrochent pas le téléphone. Il n’y a aucune raison pour ces personnes de rester à bord, ni légale ni morale. Le droit maritime international est clair : ils doivent débarquer le plus rapidement possible dans un port sûr », insiste-t-il.
Dans l’après-midi, l’Ocean Viking est allé se positionner au large de la Sicile et attend un signal pour débarquer.