Sur fond d’élections régionales qui se profilent, la tempête soldatesque dans un verre d’eau bat son plein. Pendant que le ministre Gérald Darmanin déplore le goût de bruits de bottes de Jean-Marie Le Pen qui, lui, a servi la France au risque de sa vie, le général François Lecointre, chef d’État major des armées, préfère lécher celles du pouvoir.
Il est vrai qu’à ce jour 8 000 soldats ont signé cette tribune. De quoi faire enrager le pouvoir, pour ne pas dire trembler. Non pas que la menace soit sérieuse – un coup d’État, ça ne se raconte pas dans un journal, ça se fait ! – mais, déjà à l’époque, ces courageux politicailleurs endimanchés n’avaient-ils pas vu leur heure venir lorsqu’une armée de civils jaunes avaient brandi leurs fourches sous les fenêtres de leurs palais ?
« Les mesures à l’encontre des meneurs seront sévères », annonce le général François Lecointre. On n’en doute pas. Malheureusement, pour les militaires à la retraite, notre gugus emmédaillé devra manger sa casquette, mais, pour les militaires d’active, ils « recevront des sanctions disciplinaires militaires. On est en train d’étudier avec les chefs d’état-major des trois armées les cas des dix-huit personnes concernées et le niveau de sanction à appliquer. Mon intention est qu’elles soient plus fortes pour les plus gradés et moins fortes pour les moins gradés ».
De même que les Gilets jaunes à leur époque, il faut mater tout commencement de rébellion, faire passer l’envie de donner son avis. La grande Muette doit le rester. Bombarder à des milliers de kilomètres quelques mélanodermes ou autres Sarrazins, faire les 400 pas FAMAS au poing dans les gares et les aéroports, passe encore. Mais faire respecter les droits d’un peuple martyrisé, défendre ses fils et filles d’oppressions croissantes sous couvert de sécurité sanitaire, de terrorisme ou même de réchauffement climatique, non !
« Les soldats et leurs chefs sont les éléments les plus purs du processus révolutionnaire ». Mon Dieu qu’Hugo Chávez est loin. « Chez les révolutionnaires d’Amérique latine, l’armée est le "Peuple en armes", formée de "soldats-citoyens" et de "citoyens-soldats", engagés dans la bataille pour le processus démocratique et le développement, concrètement impliqués par les soins aux pauvres dans les hôpitaux de caserne, la construction d’écoles dans les quartiers populaires et la vente de biens alimentaires à des prix inférieurs à ceux du marché ». Chez nous, c’est le général Lecointre. Ou Jean Castex :
Derrière ce cirque se cache donc surtout la surveillance et l’éradication des mal-pensants et des factieux, forcément « d’extrême droite ». On l’apprend au détour de l’affaire de la bouche du général :
« Il y a eu un suivi très précis par le service de renseignement interne aux armées (NDLR : Direction du renseignement et de la sécurité de la défense), encore renforcé après l’identification par le site Mediapart d’une cinquantaine de militaires suspectés d’extrémisme de droite. Sur les cinquante, il en restait une trentaine dans les rangs qui ont fait l’objet de conseils d’enquête et de sanctions allant jusqu’à la radiation ».
Où l’on apprend aussi que Mediapart, fidèle à son travail de collaboration, fait même l’indic pour l’armée. Ce qui par ailleurs en dit long sur l’efficacité de celle-ci en matière d’investigation dans ses propres rangs.
« Cela me navre, c’est beaucoup de bruit pour rien. Les femmes et hommes politiques, qui prennent le risque d’instrumentaliser les armées pour en faire un objet de polémique, ne rendent pas service à la République ». Grâce à tout ce beau monde, la République sera sauvée. Et sans baïonnettes. Finalement, l’armée sert encore à quelque chose.
Lire l’interview complète sur le site du Parisien.