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Examinons d’abord la carte qui nous bouscule et fait comprendre l’implosion de certains États et la menace pour d’autres : celle d’un Moyen-Orient effervescent où ont surgi tous les problèmes générés par les tracés géographiques, sciemment ou non arbitraires, après les deux Guerres mondiales du XXème siècle.
Qu’y voit-on ? Des terres d’antiques civilisations, mais surtout des États nouveaux et artificiellement créés : l’Afghanistan (1919), l’Irak (1921), l’Arabie Saoudite (1936), la Syrie (1946), la Jordanie (1946), le Koweït (1961), le Qatar (1968), les Émirats Arabes Unis (1971), Bahreïn (1971), Oman (1971), le Pakistan (1947), le Bangladesh (1972), le Yémen réuni (1990). États artificiels et musulmans majoritairement sunnites et pour beaucoup sans peuple (comment peut-on être Qatari ?), au service desquels la France a mis sa puissance de feu.
Au milieu, l’on trouve une Turquie réduite dans sa superficie, après le dépeçage de l’Empire ottoman et séduite par son petit sultan. Enfin, surnage l’Iran toujours indépendant, même s’il a été zone d’influence et terrain du grand jeu de puissance mené par la Grande-Bretagne, la Russie/URSS et en dernier par les États-Unis. L’Iran musulman chiite et non-arabe, partant minoritaire, vieux routier de la Civilisation depuis quelques millénaires. Un pays qui n’a pas relégué son histoire préislamique dans la « Jahiliyya », l’ère de « l’ignorance ».
En Iran, la rigueur du régime n’a pas éclipsé une société civile instruite, dynamique et courageuse sur laquelle nous pouvons compter. C’est sans songer au lendemain que l’Occident a mis le pays sous sanctions, d’un revers de la main bien irresponsable. Un comble, il faut que ce soit une adversaire acharnée du régime des mollahs qui plaide pour le retour de Téhéran dans le concert des nations. S’y joue en effet le futur et la stabilité de toute la région. Les Russes en sont conscients et seront nos meilleurs alliés. Enfant, j’avais appris que notre plus grande frontière était notre bordure septentrionale de 2 500 kilomètres avec l’URSS.
Dans ce domaine, l’analyse et la politique voulue par François Fillon rejoignent les raisonnements lucides de Jean-Pierre Chevènement et d’Hubert Védrine. En politique étrangère, on ne choisit ni ses partenaires, ni même le tempo de l’action, tant les certitudes sont vaines, mais on peut et on doit savoir proposer sa propre partition.