Nous sommes des militant/es pour la paix d’origine juive. Certains parmi nous s’identifient de cette façon ; d’autres pas. Mais nous nous opposons tous/tes à ceux qui prétendent parler au nom de tous les Juifs ou qui utilisent des accusations d’antisémitisme pour essayer de réprimer la contestation légitime.
Nous avons été indigné/es par les accusations à l’encontre de Hermann Dierkes, un syndicaliste et dirigeant du Parti de gauche (Die Linke) dans la ville allemande de Duisburg. En réaction à l’attaque israélienne récente contre Gaza, Dierkes a exprimé l’avis qu’une des façons dont les Palestiniens pourraient être aidés à obtenir justice serait de soutenir l’appel du Forum social mondial au boycott des marchandises israéliennes, de sorte à exercer une pression sur le gouvernement israélien.
Dierkes a été soumis à grande échelle à des dénonciations au vitriol l’accusant d’antisémitisme et d’appeler à une répétition de la politique de boycott des produits juifs prônée par les Nazis dans les années 1930. Dierkes a répondu en affirmant que « les mots d’ordre du FSM n’ont rien à voir avec les campagnes racistes antijuives de type nazi, mais visent seulement à changer la politique d’oppression des Palestiniens exercée par le gouvernement israélien. »
Personne n’a accusé Dierkes d’antisémtisme pour autre chose que son soutien au boycott. Et pourtant, il a été accusé de « pur antisémitisme » (Dieter Graumann, vice-président du Conseil juif central), de prononcer des mots équivalents à « une exécution de masse à la lisière d’une forêt ukrainienne » (Achim Beer, éditorialiste du /Westdeutsche Allgemeine Zeitung/), et de faire de la « propagande nazie » (Hendrik Wuest, secrétaire général de la CDU).
Nous, signataires, avons des points de vue différents sur l’opportunité et l’efficacité de l’appel au boycott des produits israéliens. Certain/es parmi nous pensent qu’un tel boycott est une composante essentielle d’une campagne de boycott, désinvestissement et sanctions qui peut mettre fin à quarante ans d’occupation israélienne ; d’autres pensent que le meilleur moyen d’exercer une pression sur le gouvernement israélien est un boycott plus sélectif, centré sur les institutions et firmes qui soutiennent l’occupation. Mais nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il est essentiel d’exercer une pression sur le gouvernement israélien si l’on souhaite que paix et justice l’emportent au Moyen-Orient, de même que nous sommes tous d’accord sur le fait qu’un appel au boycott d’Israël n’a rien à voir avec la politique nazie « N’achetez pas chez les Juifs ».
Il n’est pas plus antisémite de boycotter Israël pour mettre fin à l’occupation qu’il n’était anti-Blanc de boycotter l’Afrique du Sud pour mettre fin à l’apartheid. Les mouvements pour la justice sociale ont souvent appelé au boycott ou au désinvestissement, que ce soit contre le régime militaire en Birmanie ou contre le gouvernement du Soudan. Qu’ils soient opportuns ou pas, ces appels ne sont nullement discriminatoires.
La violence au Moyen-Orient a conduit, en effet, à certains actes d’antisémitisme en Europe. Il y a même eu à Rome un appel au boycott des boutiques appartenant à des Juifs, qui fut largement et adéquatement condamné. Nous déplorons un tel fanatisme. Les crimes d’Israël ne sauraient être attribués aux Juifs dans leur ensemble. Mais, en même temps, un boycott d’Israël ne saurait être présenté comme l’équivalent d’un boycott des Juifs dans leur ensemble.
Une forme aigüe et inquiétante de racisme qui se développe aujourd’hui en Europe est l’islamophobie et la xénophobie dirigées contre des immigrants de pays musulmans. Dierkes a été au premier plan des militant/es pour la défense des droits des immigré/es, tandis que certains de ceux qui accusent tous les critiques d’Israël d’être antisémites participent souvent eux-mêmes - à l’instar du gouvernement et de l’Etat d’Israël - à ces formes de racisme.
La Shoah a été un des événements les plus horribles de l’histoire contemporaine. C’est faire déshonneur à ses victimes que d’utiliser sa mémoire comme un gourdin pour réduire au silence ceux et celles qui critiquent à juste titre le traitement inqualifiable des Palestiniens par Israël.
Premiers signataires. (Les institutions sont mentionnées uniquement à des fins d’identification) :
Michael Albert, ZNet, USA
Phyllis Bennis, Institute for Policy Studies, USA
Ellen Cantarow, writer, USA
Noam Chomsky, Professor Emeritus MIT, USA
Lawrence Davidson, West Chester University, USA
Louis Kampf, Professor Emeritus MIT, USA
Joanne Landy, Campaign for Peace & Democracy, USA
Marvin Mandell, co-editor, New Politics, USA
Stephen R. Shalom, William Paterson University, USA
Stephen Soldz, co-founder, Coalition for an Ethical Psychology, USA
Howard Zinn, Professor Emeritus Boston University, USA