Les médias occidentaux en parlent à peine, mais la Russie et les États-Unis sont en train de « réarmer » leurs systèmes d’armes nucléaires. Pendant que les États-Unis se lancent dans un projet de modernisation coûtant des milliards de dollars, la Russie est pleinement engagée dans un processus de restructuration « à moindre coût », qui consiste à démanteler certaines parties de son arsenal de missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) terrestres, pour les remplacer par un système plus perfectionné, le RS24 Yars, mis au point en 2007.
Une nouvelle course aux armements « non officielle » est bel et bien lancée. Les États-Unis ont entrepris un processus de modernisation les trois composantes de sa triade nucléaire que sont les missiles nucléaires terrestres, les missiles aéroportés et les missiles lancés depuis un sous-marin. Cette modernisation va de pair avec la mise au point de la bombe tactique B6112, qui sera déployée en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas, en Belgique et en Turquie.
Mais n’ayez crainte, car la B61-12 n’est somme toute qu’une « mini bombe nucléaire », dont la capacité explosive n’équivaut qu’à quatre fois celle d’Hiroshima. Elle est considérée comme une arme « défensive » (pour préserver la paix) à utiliser dans une guerre conventionnelle. Selon des scientifiques qui sont sous contrat auprès du Pentagone, les bombes B6111 et 12 (bombe antibunker munie d’ogives nucléaires) sont « inoffensives pour les civils, car son explosion est souterraine ».
Le projet de modernisation de la triade nucléaire se fait aux frais des contribuables des USA. Il requiert une réorientation des recettes fédérales en faveur de « l’économie de guerre » plutôt qu’à des fins de financement de différentes catégories de dépenses civiles (santé, éducation, infrastructure, etc.). Tout ceci pour une bonne cause : « la paix et la sécurité ».
La guerre, « c’est bon pour les affaires »
Ce projet coûtant des milliards de dollars et une véritable manne pour les principaux fournisseurs du secteur de la défense aux États-Unis comme Boeing, Lockheed Martin et Northrop Grumman, qui sont aussi d’ardents partisans de la position d’Hillary Clinton à propos d’une première frappe nucléaire possible contre la Russie, la Chine, l’Iran et la Corée du Nord.
Le Defense News rapportait que le secrétaire à la Défense des États-Unis, Ash Carter a affirmé le 26 septembre qu’il « faut moderniser les trois composantes de la triade nucléaire ». Le projet donnerait tout un élan aux dépenses en matière de défense.
Soulignant le « contexte de sécurité instable » qui prévaut, ce projet de plusieurs milliards de dollars est nécessaire, selon Carter, en raison des menaces provenant principalement de la Russie, de la Chine ainsi que de la Corée du Nord :
Carter a fait ces commentaires lors d’une visite à la base aérienne de Minot, au Dakota du Nord (…). Dans sa demande de budget pour l’exercice 2017, a indiqué Carter, le département prévoit consacrer 19 milliards de dollars au secteur nucléaire sur les 108 milliards de dollars prévus au cours des cinq prochaines années. Selon un commentaire déjà préparé du secrétaire à la Défense, le département a également dépensé environ 10 milliards de dollars ces deux dernières années. La « triade nucléaire » se rapporte aux trois volets de la position stratégique des États-Unis, à savoir les missiles balistiques intercontinentaux terrestres, les missiles aéroportés par des bombardiers et les missiles nucléaires lancés à partir de sous-marins. Dans les trois cas, ces armes sont parvenues à un âge où une modernisation s’impose.
Le Pentagone estime avoir cerné le coût de la modernisation de la triade et de toutes les exigences s’y rapportant, qui serait de l’ordre de 350 à 450 milliards de dollars pour les 10 prochaines années, dont une bonne partie sera payée au milieu des années 2020, lorsque les projets de modernisation simultanée des forces aériennes et maritimes devront aller de l’avant.
Les opposants à la stratégie militaire des États-Unis et aux dépenses du Pentagone tentent de trouver des moyens de modifier le plan de modernisation, comme l’abandon pur et simple d’une des composantes de la triade. Mais Carter a clairement dit dans son allocution que ce genre de plans mettrait les États-Unis en danger au moment même où la Russie, la Chine et la Corée du Nord, entre autres, cherchent à moderniser leurs arsenaux. (Defense News, le 26 septembre 2016)
Carter a écarté du revers de la main les dangers d’une guerre mondiale qui ne fera aucun gagnant et qui pourrait évoluer vers un « holocauste nucléaire » (…). Il a aussi dénoncé les opposants au programme – dont l’ancien secrétaire à la Défense William Perry, largement perçu [ironiquement] comme le mentor de Carter – qui soutiennent qu’investir davantage dans les armes nucléaires va accroître le risque de catastrophe atomique dans le futur. (Defense News, le 26 septembre 2016)
Carter a aussi fait part de ses craintes au sujet des « manœuvres d’intimidation nucléaire » de la Russie.
Système de missiles balistiques intercontinentaux de la Russie
Carter a-t-il fait ses déclarations en réponse au redéploiement et à la restructuration du système de missiles balistiques intercontinentaux de la Russie à sa frontière occidentale, annoncés le 20 septembre ?
La semaine dernière, l’agence de presse russe Tass a confirmé que « la division de la force de missiles stratégiques la plus à l’ouest, dans la région de Tver, commencera bientôt à être réarmée du système de missiles Yars ».
« Il s’agira de la sixième division de missiles stratégiques à être munie des plus récents systèmes de missiles terrestres qui soient, qui remplaceront les missiles balistiques intercontinentaux Topol », selon le service de presse de la force des missiles stratégiques, qui citait son commandant, Sergeï Karakayev.
D’après le responsable, les régiments des divisions d’Irkoutsk et de IochkarOla ont commencé à être réarmés. Le réarmement des divisions de Novossibirsk et de Taguil est pratiquement terminé. Plus tôt, la division de Teykovo a été complètement réarmée.
La décision définitive de réarmer la division des missiles stratégiques de la région de Tver sera prise à l’issue d’exercices du personnel de commandement qui s’y dérouleront. Le service de presse a indiqué que ces exercices consisteront en des manœuvres le long de routes où des patrouilles de combat sont présentes.
Dans un proche avenir, les ICBM RS-24 Yars, ainsi que les missiles balistiques monoblocs dotés d’ogives nucléaires RS12M2 Topol, commandés antérieurement, constitueront l’épine dorsale de la force de missiles stratégiques de la Russie.
Les missiles ICBM RS-24 Yars ont été mis au point en 2007, en réponse au bouclier antimissile américain. Il ne s’agit pas d’un nouvel élément à l’arsenal militaire de la Russie. C’est un système très perfectionné qui a des capacités thermonucléaires.
Ce que ce rapport fait ressortir, c’est que la Russie procède à une restructuration de sa force de missiles stratégiques et au remplacement de son système Topol (que Moscou considère comme obsolète) par le système ICBM RS-24 Yars.