L’Observatoire National de la Délinquance (ONDRP) a pour but d’évaluer et de chiffrer les crimes et délits commis, dont la violence domestique, année par année. Il vient de rendre ses conclusions pour les années 2008 à 2010. Il établit ses rapports sur deux bases : d’une part sur les chiffres officiels obtenus auprès de la police et de la gendarmerie ou de la justice (mains courantes, plaintes déposées, mises en causes, condamnations), d’autre part sur des enquêtes auprès de la population, enquêtes dites de victimation ou de victimisation.
Questionnement sur les enquêtes
Le décalage entre les résultats de ces enquêtes et les chiffres officiels est toujours important. La raison invoquée est que nombre de victimes ne déposent pas plainte. C’est du moins ce qui ressort des questionnaires soumis à l’échantillonnage. C’est très probable. Toutefois il faut aussi tenir compte de la gravité des violences subies.
Les violences graves sont très minoritaires, selon différentes enquêtes menées au Canada par l’Institut de la Statistique (de 6% à 13% des cas de violence). Les violences mineures ne font pas l’objet de plaintes pénales parce que, selon l’ONDRP, les personnes en causes trouvent d’autres solutions (72%) ou parce que ce n’était pas grave (65%). Si l’on entend souvent dire que seules 10% ou 28% des violences sont dénoncées à la police ou à la justice, il faut donc observer que 2/3 des violences n’ont pas un caractère de gravité de nature à inciter à une démarche qui est jugée disproportionnée par rapport aux faits.
Tout est donc dans l’interprétation des faits. On sait qu’un sondage produit un résultat en relation avec les questions posées, avec leur libellé et selon la manière dont elles sont posées. Si l’on demande à des gens tranquilles s’ils se sentent en insécurité, ils vont soudainement trouver qu’en effet il y a de l’insécurité. On a vu en France que l’argument sécuritaire de la campagne présidentielle de 2002 a produit ce paradoxe que les citoyens se sentaient le plus en insécurité dans les régions où il y avait le moins de crimes et délits.
Deux aspects doivent donc être questionnés dans les enquêtes de victimisation. D’une part le libellé des questions et donc la définition des actes considérés comme relevant de la violence domestique, d’autre part le contexte dans lequel se trouve la personne qui répond. Si le sondé est questionné par un enquêteur ou une enquêtrice, les détails fournis pour contextualiser les questions peuvent influer sur la réponse. N’oublions pas que certains groupes qui dénoncent unilatéralement la violence faite aux femmes cherchent à faire du chiffre pour justifier un lobbying politique et les importantes demandes de subventions. Les chiffres habituellement donnés à la presse (de 10% à 30% de femmes maltraitées en couple, voire plus) sont des extrapolations qui font appel à ce pourcentage de plaintes non déposées, et non prouvables. C’est un biais majeur : on n’est pas dans le réel, mais dans un imaginaire visant à atteindre un but.
Il faudrait également tenir compte de la situation des personnes interrogées : période faste, ou au contraire période de tension dans le couple avec disputes, peuvent probablement influer sur les réponses.
On pourrait ne tenir compte que des chiffres des violences réellement dénoncées et ayant abouti à une validation judiciaire, soit une condamnation. On ne parlerait plus des absents. Et cela obligerait hommes et femmes à prendre beaucoup plus au sérieux la violence grave avant qu’elle n’atteigne un niveau extrême. La victime doit prendre ses responsabilité. Notons que cette suggestion desservirait les hommes victimes qui posent plainte en moyenne deux fois moins que les femmes victimes, selon l’ONDRP. Mais cela aurait le mérite de la clarté.
Chiffres et pourcentages
Cela posé, et pour éviter un débat sur les violences non dénoncées qui ne pourrait aboutir qu’à des hypothèses non démontrables de part et d’autre, les rapports cumulés de l’ONDRP de 2008 à 2010 chiffrent à 663’000 femmes et 280’000 hommes les victimes de violence domestique légère ou grave, y compris les violences sexuelles. Soit 2 femmes pour 1 homme. L’un des éléments à retenir est le pourcentage des hommes victimes : 1 tiers. On est loin du discours féministe qui dénie encore à l’heure actuelle la réalité des hommes et parle de 2% d’hommes victimes. On peut penser que le pourcentage d’un tiers est encore sous-estimé. En effet, d’une part les hommes sont moins enclins à dénoncer une violence subie pour des raisons culturelles : la honte, un vrai homme ne peut être victime, la crainte de n’être pas cru. D’autre part un homme qui reçoit une gifle de sa compagne ne voit pas cela comme une violence car les campagnes sur la violence domestiques sont univoques depuis des années : seules les femmes seraient victimes. Donc ce qu’il subit en cas de violence est normal. Certains pères battus ont également peur pour leurs enfants et préfèrent taire les violences pour éviter des drames plus grands.
En France donc, 1/3 d’hommes victimes et 2/3 de femmes. Au Canada, les statistiques faites sur les enquêtes de victimisation montrent qu’il y a légèrement plus de 50% de victimes masculines dans la violence domestique. Et il y aurait deux fois plus d’hommes victimes de violence grave que de femmes.
On peut se demander pourquoi les campagnes sur la violence domestique ont un impact relativement faible sur la population. A mon avis une des raisons est la non prise en compte des hommes victimes. Quand des campagnes viseront explicitement les hommes et les femmes, quand hommes et femmes tiendront la même parole, le fait sera plus crédible. Une autre raison est qu’il n’y a pas une femme sur 5 ou une femme sur trois maltraitée. Si c’était le cas cela serait un objet de discussion habituelle dans la société.
Ce n’est pas le cas parce que le pourcentage de victimes dans la population adulte (y compris donc de violence considérée comme pas grave) est, si l’on prend les chiffres de l’ONDRP comme référence, d’environ 2,2% de femmes et 1% d’hommes. C’est une délinquance très mineure par rapport par exemple aux vols et atteintes aux biens. Ce pourcentage est stable depuis des années. Je précise que ces chiffres en tiennent pas compte de la violence psychologique.
Quand donc les gouvernements occidentaux tiendront-ils compte de cette réalité tant pour une orientation non univoque des lois et des interventions de police, pour la cessation des biais juridiques, et pour l’attribution de subventions pour aider les victimes, toutes les victimes, et pour la prévention ?