L’évolution de l’opération militaire russe en Ukraine en véritable guerre entre Moscou et Washington a ouvert la boîte de Pandore. Les objectifs des Occidentaux s’adaptent. Il ne s’agit plus de défendre les bandéristes contre la Russie, mais bien d’affaiblir les uns et les autres (Union européenne comprise) pour restaurer l’hyperpuissance états-unienne et son monde unipolaire.
La résurrection des guerriers froids
En deux mois, l’opération militaire russe spéciale contre les bandéristes s’est transformée en une vraie guerre opposant les Russes et les républiques populaires du Donbass, d’un côté, aux Ukrainiens soutenus par l’OTAN, de l’autre.
Une victoire ukrainienne serait un coup dur contre la Russie et une victoire russe marquerait la mort de l’OTAN. Aucun des deux protagoniste ne peut plus reculer. Aussi tous les coups sont permis.
Les bandéristes ont d’abord vu affluer en Ukraine leurs anciens alliés du Bloc antibolchévique des nations (ABN) et de la Ligue anticommuniste mondiale (WACL) [1], tels 3 000 miliciens des Loups gris turcs.
- Le 23 janvier 2022, la délégation taïwanaise accueille le congrès annuel de la World League for Freedom and Democracy (WLFD), dénomination actuelle de l’ancienne World Anti-Communist League (WACL). Les guerriers froids sont toujours là.
Alors que l’ABN et la WACL, sans avoir complétement disparu, ont été remplacées par l’Ordre secret Centuria, les liens idéologiques anti-Russes et la fraternité développée durant les opérations secrètes de la guerre froide sont toujours là. On avait identiquement constaté durant la guerre contre la Syrie, les liens établis entre les djihadistes de plusieurs nationalités au cours de leurs combats successifs sous le commandement de la CIA en Afghanistan, en Bosnie-Herzégovine, en Tchétchénie et au Kosovo.
Il apparaît aujourd’hui que cette guerre est appelée à durer et à s’amplifier. Ces réseaux poursuivent donc leur mobilisation. Par exemple, pour le moment, aucun combattant asiatique n’est signalé, alors que Tchang Kaï-chek avait offert une très importante aide à la WACL, allant même jusqu’à installer à Taïwan la Political Warfare Cadres Academy du bandériste ukrainien Iaroslav Stetsko. Cette école était l’équivalent du Psychological Warfare Center de Fort Bragg (USA) et de la School of Americas de Panama, cours de torture inclus. Le gouverneur de Mykolaïv d’origine Koryo-saram, Vitaly Kim, pourrait faire le lien avec les successeurs du dictateur sud-coréen Park Chung-hee.
- Edward Luttwak
La Ligue a profondément été transformée en 1983 sur les conseils du straussien Edward Luttwak [2]. Elle changea de nom lors de la dissolution de l’URSS pour devenir la Ligue mondiale pour la liberté et la démocratie (WLFD). Elle a tenu son dernier congrès, les 23 et 24 janvier 2022 à Taïwan, sous la présidence de Yao Eng-chi, un haut cadre du Kuomintang. Elle dispose d’un statut consultatif à l’ONU et d’un bureau dans les locaux de l’Organisation. Elle reçoit toujours près d’un million de dollars de subvention annuelle de Taipei. Ses activités sont couvertes par le secret-défense du gouvernement taïwanais.
Pourquoi mourir quand on peut exploiter la détresse des autres ?
Si les continuateurs des milices fascistes du monde entier, soutenus par la CIA, ont rejoint les bandéristes, l’OTAN se tient à l’écart de l’armée ukrainienne. Il s’agit d’éviter un conflit direct entre les États-Unis et la Russie, deux puissances nucléaires.
Le Pentagone a donc convoqué, le 26 avril 2022, une réunion dans sa base allemande de Ramstein pour contraindre 43 de ses alliés de donner des armes aux Ukrainiens. Sachant qu’avant la guerre, le gouvernement Zelensky considérait qu’un tiers des forces armées était composé par des milices bandéristes, ces armes iront pour un tiers aux néo-nazis. Tous les États qui ont des services de renseignement compétents le savent. Mais leur tétanisation face à l’oncle Sam est telle que seul Israël a osé boycotter cette réunion [3]. Toutefois, l’influence de Washington n’est plus ce qu’elle était : il avait été capable de mobiliser la participation de 66 États pour soutenir militairement les djihadistes contre la Syrie. Ces États représentent un tiers des membres de l’ONU, mais seulement un dixième de la population mondiale. On mesure à quel point la position des États-Unis s’est affaiblie.
Au demeurant, cet afflux d’armes ne rend plus indispensable à l’armée ukrainienne d’attaquer la république moldave du Dniestr (Transnistrie) qui héberge le plus important stock d’armes du continent européen.
- La loi sur le prêt-bail à l’Ukraine a été déposée au Sénat US… le 19 janvier 2022, c’est-à-dire avant l’opération militaire russe. Elle a été adoptée le 28 avril et est toujours pendante à la Chambre des représentants.
Le 29 avril, la Maison-Blanche a obtenu du Congrès 33 milliards de dollars de crédits supplémentaires pour armer l’Ukraine. Cela élève le budget militaire ukrainien au 11e rang mondial.
À l’issue de deux mois de combat, les forces politiques US se sont ralliées à la guerre des straussiens et ont imaginé ce qu’elles pourraient en tirer. Pour redevenir l’hyperpuissance qu’ils furent, les États-Unis doivent rejouer leur partition du début de la Seconde Guerre mondiale. En 1939, ils ne s’étaient toujours pas relevés de la crise économique de 1929. New York était loin derrière sa rivale, Buenos Aires. L’idée géniale avait été de laisser les Européens s’entre-déchirer en leur vendant des armes fabriquées à la chaîne en échange de leurs bijoux de famille. Washington ne s’engagea qu’en 1942 et encore uniquement du bout des doigts. La guerre fit 55 millions de victimes dont seulement 200 000 États-uniens. L’astuce est d’avoir cédé des armes en prêt-bail. Après la Victoire vint l’heure des comptes. Les Britanniques furent contraints de céder leur empire, tandis que les dettes des Soviétiques s’échelonnèrent sur plus de 60 ans. Elles ne furent apurées que par Vladimir Poutine.
Le Congrès devrait donc rapidement adopter la « Loi sur le prêt-bail pour la défense de la démocratie en Ukraine » (Ukraine Democracy Defense Lend-Lease Act of 2022) déjà passée au Sénat (S. 3522). Sur le plan économique aussi, la Seconde Guerre mondiale continue [4].
Il s’agit là d’une application de la « doctrine Wolfowitz » de 1990 : empêcher par tous les moyens de laisser un rival des États-Unis se développer, en priorité affaiblir l’Union européenne.
Si cette mesure est une rationalisation logistique et un excellent investissement économique, c’est aussi un gaspillage militaire : le maniement de la plupart de ces armes nécessite une longue formation qui fait défaut aux combattants ukrainiens. Ils ne pourront donc pas s’en servir à court terme. En outre, ces armes ne peuvent être utilisées que sur la ligne de front, mais ne pourront pas y être acheminées car les stations électriques sont déjà détruites et les locomotives diesel européennes ne sont pas adaptables à l’écartement des voies de chemin de fer ukrainiennes et russes. En outre les voies de chemin de fer ont déjà été largement bombardées.
Compte tenu de la corruption du président Volodymyr Zelensky, il est prévisible que, ne pouvant utiliser ces armes, il les revendra au marché noir. Elles ressurgiront sur d’autres champs de bataille, cette fois aux mains d’acteurs non-étatiques. En deux mois, ce saltimbanque est déjà parvenu à détourner des centaines de millions de dollars. Pendant ce temps, son peuple souffre.
- Le 25 avril 2022, le Forum pour la démocratie néerlandais s’interogeait sur l’invraisemblable et soudaine fortune personnelle de Volodymyr Zelensky : 850 millions de dollars !
La stratégie US pour redevenir le centre du monde ne pourra fonctionner que si la guerre s’étend à l’Ouest. Je ne parle pas ici des inévitables opérations militaires contre la Transnistrie [5], mais de l’implication économique des membres de l’Union européenne.
À ce jour, seuls les Polonais et les Bulgares ont refusé de payer le gaz russe en roubles et se trouvent donc privés d’approvisionnement. Tous les autres membres de l’Union européenne ont déjà accepté de payer en roubles, mais pas directement à Gazprom, en passant par des intermédiaires bancaires. Les rodomontades polonaises selon lesquelles le pays s’apprête à changer de fournisseur ne donnent pas le change : Varsovie importera du gaz russe d’autres pays européens qui, eux, le paieront en roubles. La seule différence est qu’il devra rémunérer un intermédiaire supplémentaire.
En suivant leur suzerain états-unien, les Européens doivent donc s’attendre à la fois à une très forte baisse de leur niveau de vie, puis à la perte de leurs bijoux de famille. Nul ne semble s’en préoccuper.
Vers le démantèlement de l’Ukraine
Pour le moment, les opérations militaires russes sont strictement limitées à la destruction des énormes infrastructures de défense ukrainiennes dont les Occidentaux n’ont aucun idée. La phase mobile de la guerre n’a pas encore commencée. Après des mois de pilonnage, elle ne devrait avoir lieu que pendant l’été et devrait être rapide. L’armée russe offrira alors aux populations convaincues par les bandéristes de se déplacer pour les rassembler dans la partie de ce qui restera de l’Ukraine.
La guerre a éveillé des appétits irrédentistes. La Pologne, qui avait envisagé l’opportunité d’annexer l’enclave de Kaliningrad le mois dernier, étudie désormais la possibilité d’occuper l’Ouest de l’Ukraine. Elle avait déjà occupé cette région, la Galicie, durant l’entre-deux-guerres, lors du démembrement de l’empire austro-hongrois. L’idée serait de déployer des soldats de « maintien de la paix » et de rester sur place. Cependant la guerre polono-ukrainienne a laissé de mauvais souvenirs entre les deux peuples et c’est précisément dans ce contexte que les bandéristes ont été formés. D’ailleurs Stepan Bandera a fait assassiner le ministre de l’Intérieur polonais, Bronisław Pieracki. Les bandéristes prétendent avoir ainsi vengé la répression dont leur parti était victime, mais la réalité est que Bandera était déjà membre de la Gestapo nazie et préparait l’invasion de la Pologne par le IIIe Reich.
- Carte ethno-linguistique de l’Ukraine
La Roumanie ne dit rien pour le moment, mais positionne ses troupes. Lorsque la guerre s’étendra à la Transnistrie, elle ne se gênera pas pour remettre en cause l’existence à la fois de la Transnistrie et de la Moldavie, roumaines au XXe siècle. La Hongrie convoite la Transcarpatie ukrainienne qu’elle a perdue lors de la chute de l’empire austro-hongrois. Sa population majoritairement hongroise a été discriminée par les gouvernements ukrainiens après la « Révolution de la dignité » (le coup d’État de 2014). Comme le russe, sa langue a été interdite. Aujourd’hui, la Transcarpatie est en paix. Les troupes russes ne l’ont pas agressée. Elle sert de refuge aux Ukrainiens de l’opposition intérieure. La Slovaquie ne lorgne que sur quelques villages.
La Russie, quant à elle, qui ne posait comme but de guerre que la reconnaissance de l’indépendance de la Crimée (déjà rattachée à la fédération de Russie) et des républiques populaires de Donestk et de Lougansk, a annoncé le 24 mars qu’elle entendait annexer tout le sud de l’Ukraine afin de relier la Transnistrie, la Crimée et le Donbass.
À l’issue de ce dépeçage polono-romano-magyar-russe, l’Ukraine devrait perdre la moitié de son territoire et être réduite à sa portion congrue.
Rare tentative positive
Le 26 avril, le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, s’est rendu au Kremlin avec deux propositions.
> Créer une commission conjointe ONU-Russie-Ukraine afin de coordonner les efforts humanitaires ;
> Créer avec le personnel de l’ONU et celui de la Croix-Rouge internationale un couloir de sortie de l’usine Azovstal de Marioupol pour les civils qui le souhaiteraient.
- Selon le parti anti-Otan turc, 50 officiers français seraient piègés dans l’usine Azovstal de Marioupol. Ils auraient été envoyés non pas par l’état-major interarmes, mais par l’état-major de l’Élysée, pour former le bataillon bandériste Azov au maniement d’armes françaises.
En effet, jusqu’à présent, les Ukrainiens ont proposé des couloirs humanitaires vers la Moldavie et la Pologne, tandis que les Russes en ont proposé vers la Biélorussie et la Russie (sachant que les bandéristes y seront arrêtés et jugés). Aucun accord n’a été trouvé.
Concernant l’usine Azovstal de Marioupol, on ignore si des civils y sont réfugiés. L’armée russe a créé un couloir de sortie que 1 300 soldats ont utilisés pour se rendre, mais qu’aucun civil n’a emprunté. Des prisonniers de guerre ukrainiens ont assuré qu’il y a des civils servant de boucliers humains aux bandéristes, ce que Kiev dément. Une personnalité turque partisane d’une alliance avec la Chine et la Russie plutôt qu’avec les États-Unis, Doğu Perinçek, a affirmé que 50 officiers français étaient piégés à l’intérieur, sans que cette imputation soit vérifiable [6]. La Russie a demandé à l’ONU de venir vérifier les conditions de détention de ces 1 300 prisonniers, ce qu’elles n’a pas fait. Il s’agissait pour Moscou de monter ses exigences humanitaires pour pouvoir les obtenir pour les prisonniers russes des Ukrainiens. Quantité de vidéos circulent attestant des mauvais traitements et des tortures qu’ils subissent.
Avant l’ouverture même des discussions, le président russe, Vladimir Poutine, a tenu à rappeler publiquement la position de son pays : la Russie rejette les règles édictées par les Occidentaux et exige le respect de la Charte des Nations unies (ce qui était le sujet de la proposition d’un traité de paix bilatéral USA-Russie, le 17 décembre 2021 [7].
- Vladimir Poutine et António Guterres
Le secrétaire général de l’ONU a alors expliqué que, selon l’opinion générale, la Charte des Nations unies condamne l’invasion d’un pays souverain. Le président russe lui a répondu qu’il s’agit-là d’un cas particulier : l’Ukraine a publiquement déclaré qu’elle n’appliquerait pas les accords de Minsk enregistrés par le Conseil de sécurité et a attaqué sa propre population du Donbass avec des armes lourdes. Après huit ans de résistance, ces populations ont voté leur indépendance et leurs gouvernements ont appelé la Russie au secours, ce qu’elle a fait en vertu de l’article 51 de la Charte.
Vladimir Poutine a alors renvoyé à la décision de la Cour internationale de justice relative à l’indépendance du Kosovo. La Cour a déclaré que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes pouvait s’appliquer sans le consentement de l’autorité centrale à laquelle ils étaient jusque-là soumis. Ce que personne n’a contesté. Or, au Kosovo, c’est l’Assemblée nationale qui a proclamé l’indépendance, tandis qu’au Donbass, ce sont les populations qui l’ont proclamée directement par voie de référendum.
À l’issue de la discussion, les Nations unies et la Croix-Rouge internationale se sont mis d’accord avec la Russie pour établir une procédure d’évacuation des civils de l’usine Azovstal de Marioupol.
La Propagande de guerre
En attendant, la propagande de guerre continue. Il est frappant de constater que les deux camps s’adressent à des cibles différentes et recourent à des méthodes différentes.
Londres et Washington cherchent à convaincre les Occidentaux de leur narration. Ils ne s’adressent pas aux Ukrainiens et encore moins aux Russes. Ils imposent leur point de vue par la répétition, puis passent à autre chose. Ils se concentrent sur la minoration des néo-nazis ukrainiens [8], sur la mise en scène de belles images [9] et sur la dénonciation de crimes attribués aux Russes.
Par exemple, ils ont assuré que l’armée russe avait commis un massacre de civils à Boutcha. Leurs dirigeants ont évoqué un possible « génocide », le plus grave crime que l’on puisse juger. Les experts ont expliqué que les victimes avaient été abattues à l’arme automatique. Mais lorsque des légistes ont invalidé cette version [10], Kiev a étouffé cette nouvelle en inculpant dix soldats russes dont on ne sait comment ils auraient pu être identifiés.
La propagande ukrainienne porte sur deux sujets : l’invention de victoires militaires portées aux nues par la presse occidentale, mais rapidement démenties, et l’attribution de crimes abominables à l’armée russe, tout aussi rapidement démenties.
- Le serment des bandéristes (1942) : « Fils fidèle de ma patrie, je rejoins volontairement les rangs de l’Armée de libération ukrainienne, et avec joie je jure que je combattrai fidèlement le bolchevisme pour l’honneur du peuple. Ce combat nous le menons aux côtés de l’Allemagne et de ses alliés contre un ennemi commun. Avec fidélité et soumission inconditionnelle je crois en Adolf Hitler comme dirigeant et commandant suprême de l’Armée de libération. À tout moment, je suis disposé à donner ma vie pour la vérité. » (Source : archives militaires russes)
De son côté, Moscou considère les Occidentaux comme des gens qui ne veulent pas accepter la réalité et ne peuvent donc pas changer d’avis tant qu’ils n’auront pas perdu. Il ne s’adresse donc qu’aux Russes et aux Ukrainiens qu’il considère trompés de bonne foi par les bandéristes. Plutôt que de communiquer sur les événements actuels, il ouvre ses archives militaires [11] pour montrer que les bandéristes n’ont jamais eu de scrupules à assassiner, voire à torturer, d’autres Ukrainiens. Surtout, il atteste que jamais, absolument jamais, les bandéristes n’ont combattu les nazis. De la sorte, il renverse l’histoire officielle de l’Ukraine selon Wikipédia et l’OUN-B [Nationalistes ukrainiens, NDLR] pour qui les bandéristes ont lutté à la fois contre les nazis et contre les Soviétiques. La presse occidentale ne relaye pas ces révélations car elles les obligeraient à se positionner contre les bandéristes. En outre, des documents allemands, également révélés par Moscou, montrent que le régime nazi et les bandéristes, ensemble, ont conçu un plan d’anéantissement des populations du Donbass. Ce plan, s’il ne fut pas exécuté durant la Seconde Guerre mondiale, a connu un début d’exécution par les bandéristes de Kiev après 2014.