Lors d’un déplacement à Alger, le 30 septembre, le général Carter Ham, le chef de l’US Africom, le commandement américain pour l’Afrique, avait affirmé que la situation au Nord-Mali, contrôlé par trois groupes islamistes, ne pouvait “être réglée que de manière diplomatique ou politique”, alors que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) se prépare à intervenir militairement à la demande de Bamako et sous réserve d’un feu vert donné par le Conseil de sécurité des Nations unies.
“En raison de la présence de groupes terroristes dans la région, une aide militaire peut être requise” avait aussi déclaré le général Ham, après avoir admis qu’une “composante militaire qui fera partie d’un tout jouera un rôle bien précis dans la résolution de ce conflit.”
Le lendemain, le responsable de l’Afrique au département d’Etat américain, Johnnie Carson, a précisé la position de Washington au sujet de l’éventuelle opération de la Cédéao au Nord-Mali. Ainsi, les Etats-Unis “seraient prêts à soutenir une intervention armée” à la condition qu’elle soit “bien préparée, bien organisée, bien pourvue, bien pensée et agréée par ceux qui seront directement concernés”. Ce qui n’est pas encore le cas actuellement.
Cela étant, si l’administration américaine cherche, comme l’a indiqué le général Ham, à en savoir plus au sujet des différents groupes armés présents au Nord-Mali alors que les Etats-Unis disposent dans la région, et notammment au Burkina Faso, de bases “discrètes” dans le cadre d’une mission de renseignement appelée Creek Sand, la nature terroriste de l’un d’entre eux, en l’occurrence al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), ne fait aucun doute.
D’ailleurs, la semaine passée, aux Nations unies, la secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, avait mis en cause le groupe jihadiste dans l’attaque commise le 11 septembre dernier contre le consulat américain de Benghazi, et qui a coûté la vie à Christopher Stevens, l’ambassadeur des Etats-Unis en Libye, ainsi qu’à 3 de ses compatriotes.
“Maintenant qu’ils (ndlr, AQMI) possèdent un territoire sûr (au nord Mali), les terroristes tentent d’étendre la portée de leurs actions et leur réseau de combattants dans de muliples directions” avait affirmé Mme Clinton. Et d’ajouter : “Et ils travaillent avec d’autres groupes extrémistes violents pour saper les transitions démocratiques qui sont en cours en Afrique du Nord, comme nous l’avons vu de manière tragique à Benghazi.”
Quelques jours plus tard, par voie de communiqué, le bureau du DNI (Director of National Intelligence), qui coordonne l’activité des 16 agences de renseignement américaines, a dit estimé que “certains (des assaillants du consulat de Benghazi) étaient liés à des groupes affiliés à, ou proches, d’al-Qaïda”, tout en soulignant qu’il restait encore “de nombreuses questions sans réponse.”
C’est donc dans ce contexte que le Washington Post a révélé, dans son édition du 2 octobre, que l’administration américaine réfléchit à de possibles frappes ciblées réalisées par des drones contre AQMI. D’après le quotidien, les discussions ont aussi porté sur l’aide à apporter aux pays de région pour faire face au groupe terroriste ainsi que sur la possibilité d’une intervention directe si le développement de ce dernier devient trop préoccupant.
Toujours selon le Washington Post, c’est le conseiller du président Obama en matière d’antiterrorisme, John Brennan, qui est chargé d’évaluer la situation au Nord-Mali, en liaison avec le département d’Etat et le Pentagone.
L’idée serait de reproduire dans la région le même scénario qu’en Somalie, autre pays en proie à l’activité de groupes islamistes, notamment celle des Shebabs. Là, ce sont les forces de l’Union africaine (l’Amisom), qui, sous mandat des Nations unies, sont en première ligne. Et ces dernières ont obtenu des résultats sur le terrain, avec parfois le concours de mystèrieuses frappes ciblées…
Le porte-parole du Conseil de sécurité nationale (National Security Council, NSC), Tommy Vietor, n’a pas, selon l’AFP, démenti l’existence de réunions concernant le Nord-Mali mais il s’est refusé à entrer dans les détails.
Pour son homologue au Pentagone, George Little, “les Etats-Unis n’envisagent pas à ce stade d’opérations militaires unilatérales au Mali ou dans la région”, avant de préciser que : “l’armée américaine se concentre avant tout sur la formation et le renforcement des capacités des pays de la région et d’organisations régionales comme la Cédéao.”
Dans cette affaire, et c’est ce qui motive la volonté de Washington de voir mis en place un gouvernement “légitime” à Bamako, la législation américaine interdit au Pentagone de founir toute aide militaire à un pays dont les institutions ont été balayées par un coup d’Etat, ce qui est le cas du Mali.
Aussi, un des leviers d’action pour les Etats-Unis dans la région est donc d’intensifier leur soutien aux pays voisins du Mali, comme la Mauritanie et le Niger, qui ont reçu pour plusieurs millions de dollars d’équipements militaires.